JF.VDH: Ven 7 Mar - 07:53 Sujet du message: Chronologie Historique
Bonjour, je viens de relire le premier tome de
Keos et une petite chose me chiffonne.
L'
histoire commence alors que Ramses II décède. Jusque là pas de problème. Mais ensuite on découre que Moise n'a pas encore commencé son exode. J'avais tjrs pensé que l'exode avait commencé au milieu du reigne de Ramses II et que la fin du reigne de celui-ci était marquer par les accords de paix avec les Hittites.
J'ai donc un peu cherché sur Wikipedia ou j'ai trouvé l'article suivant sur Ramses et l'exode :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ramses_II#Rams.C3.A8s_II_est-il_le_pharaon_de_…Après lecture cela m'a laissé encore plus dubitatif. Comme quoi les choses que l'on pense connaître sont parfois bine loin de la vérité.
Qu'en pensez vous ? et quelle suite pourrait on donner aux aventures de Kéos (mis à part le fait que
Keos et Moise entretiennent une relation de respect et d'amitié et que l'on pourrait peut-être voir Keops suivre Moise dans son exode. Cela serait un peu dommage car on tomberait dans de l'historico-biblique qu'il vaudrait mieux retrouver dans Alix Raconte).
Bref c'est le moment de lancé des pistes en espérant que Monsieur Pleyers nous lise .....
Raymond : Ven 7 Mar - 10:01
L'article de Wikipédia est bien intéressant. Il y a en fait peu de chances pour que Ramsès II soit le Pharaon de l'Exode.
En fait, on peut être encore plus radical que Wikipédia à propos de Moïse, puisque certains historiens actuels s'accordent pour la considérer comme une compilation de récits ayant très peu de fondement historique.
La Bible est un livre composite, et ce n'est pas un manuel d'
histoire (même s'il recueille des traditions orales à caractère historique). Il a été écrit pendant l'exil à Babylone environ en -500 avant JC, et c'est au départ un texte militant, destiné à rassembler les hébreux pour qu'ils retournent vers leur terre d'origine. Il propose une impressionnante
histoire du monde en rassemblant différentes traditions, mais sa priorité n'est pas le respect de la vérité historique. Certains récits de la genèse semblent d'inspiration babylonienne (le déluge par exemple), et d'autres (tels que la vie de Moise) pourraient provenir de traditions égyptiennes. L'existence de David et Salomon est certaine (car prouvée par d'autres sources que la Bible), et ils ont vécu environ 1000 ans avant JC, mais les récits concernant des faits antérieurs à cette époque relèvent de légendes dont l'authenticité historique est plus qu'incertaine.
Jacques Martin se conforme à d'anciennes traditions qui situent l'existence de Moise à l'époque de Ramsès II ! Ce choix ne me heurte pas puisque l'existence de ce personnage n'est pas prouvée. Ce qui me laisse plus perplexe, c'est la sélection qu'il effectue parmi les événements surnaturels qui entourent la vie de Moise. Si je me souviens bien (je n'ai pas relu
Keos depuis quelques années), il reprend par exemple l'
histoire du bâton de Moise qui se transforme en serpent, ou le passage à pied (hautement improbable) de la Mer Rouge, mais il écarte partiellement le récit] des 10 plaies (plus facile à transposer dans le réel). Mais tout cela, c'est dans le fonds sa liberté de créateur de fictions.
Ce qui me semble bien vu dans
Keos, c'est la manière avec laquelle les hébreux s'installent dans le pays de Canaan. Les archéologues qui font des fouilles en Israel n'ont pas trouvé trace d'un royaume juif indépendant pendant la période qui va (en gros) de -1500 à -1000 avant JC, et le récit biblique d'une colonisation guerrière est donc douteux. Des historiens pensent que le pays de Canaan est resté sous domination égyptienne pendant la période de "conquête", puis pendant la période qui correspond aux livres bibliques des "juges". Même David et Salomon n'étaient probablement que des potentats locaux, encore sous la domination de l'Egypte, mais j'admets que ce sont des hypothèses.
Voilà ! Je me rallie en fait à un courant d'idée encore plus extrémiste que Wikipédia . Pour ce qui concerne
Keos, il est maintenant défini comme contemporain de Ramsès II, et il faut continuer dans cette logique.
Mais ... au fait ... il n'y a pas actuellement de reprise prévue de cette série
JF.VDH Ven 7 Mar - 10:13
Merci raymond pour ce petit cours d'histoire improvisé.
Comme tu l'as dit
Keos est dans l'oeuvre de J. Martin un contemporain de Ramses II. Si suite il doit y avoir il faudra compter avec cette chronologie historique.
Pour répondre à ta question, effectivement je ne pense pas qu'il y ait une reprise prévue.
On peu toujours rêver.
Et comme l'a dit BHV l'Egypte ancienne reste une période historique très sympathique à explorer.
Je croise donc les doigts pour que Monsieur Pleyers ou aun autre se porte au secours graphique de cette série.
BVH: Ven 7 Mar - 17:25
Raymond a écrit: |
ou le passage à pied (hautement improbable) de la Mer Rouge |
Pas sur, la thèse selon laquelle il y aurait eu un Tsunami en Grece à ce moment là, et donc le fait que la mer se retire, n'est-il pas réellement et honêtement envisageable ?
Des traces géologiques ont quand même été retrouvées, non ?
J'aime bien cette thèse
Raymond: Ven 7 Mar - 20:04
Cher BVH, je ne peux pas répondre à ta question sur d'éventuelles traces géologiques du passage de la Mer Rouge. Je sais qu'il y a eu diverses théories, et je suis loin de toutes les connaître. En fait, je suis passionné par l'
histoire (je lis certaines revues comme Historia) mais je ne suis pas historien.
Par rapport à la théorie du Tsunami, je ne crois pas qu'il s'agisse de la même chose, mais je me souviens de certaines hypothèses liées à l'explosion du volcan de l'île de Santorin. Cet événement se passe environ en 1500 avant JC, donc plusieurs siècles avant Ramsès II (certains ont supposé que Moise a vécu à cette époque). On sait que l'explosion du volcan a dû créer un tsunami aux conséquences dévastatrices. Il y a eu des théories qui cherchaient à expliquer les 10 plaies d'Egypte (invasion de sauterelles, de grenouilles, eau du Nil teinté en rouge, obscurité apparaisant en plein jour, morts d'enfants etc ...) par les effets des particules projetées par le volcan à plusieurs centaines de kilomètres. Je ne vais pas trop entrer dans les détails, car mes souvenirs sont imprécis, et puis je n'y crois pas trop. Toutes ces théories essaient trop de soumettre les découvertes à des croyances préétablies. Ton hypothèse d'un recul soudain de l'eau de la Mer Rouge ( lié à des des mouvements tectoniques ou à autre chose) ne peut bien sûr pas être réfutée, mais je sais qu'il y a eu d'autres tentatives d'explications sur ce fameux passage des hébreux, toutes aussi ingénieuses qu'incertaines.
Aujourd'hui, les historiens n'essaient plus de faire correspondre à tout prix leurs découvertes avec les récits de l'ancien testament, mais l'
histoire de Moise restera encore longtemps associée à certaines images naives (en particulier grâce au film de Cecil B de Mille).
La légende est toujours plus séduisante que la vérité
Jey: Ven 7 Mar - 22:32
Je rejoins ce que dit Raymond et je serai même un peu plus catégorique. Il n’y a pas de sources historiques connues qui permettent de dater l’Exode. La Bible n’est pas un document historique mais un texte littéraire et aucune source égyptienne connue ne mentionne cet événement. Du point de vue de l’
histoire de l’Egypte ancienne, l’Exode est donc un non-événement. L’égyptologie permet seulement de dater autour du Ier millénaire le contexte décrit dans le Pentateuque (Livres de l’Exode et des Nombres).
L’hypothèse que l’on peut émettre est celle de la fuite d’un petit groupe d'individus de langue sémite s’appelant eux-mêmes Hébreux (quelques familles seulement et non 600 000 hommes soit deux millions de personnes en comptant leurs familles comme le dit la Bible…).
La tradition qui considère Ramsès II comme le roi d’Égypte (pas pharaon, terme historiquement impropre) durant la période de l’Exode vient de la mention dans le dit Livre de la construction de la ville de Pi-Ramsès. Il s’agit d’une déduction hasardeuse car le Pentateuque a été rédigé après une transmission orale de plusieurs générations, de plus il y a pu avoir la volonté de donner à Moïse un adversaire à sa mesure
BVH: Lun 10 Mar - 08:34
Merci à vous deux pour vos lumières, je crois que c'est vous qui êtes sensés et moi un peu naïf. On a tous besoin de rêver un peu de temps en temps. |
Jacky-Charles: Lun 10 Mar - 17:46
Les élections étant passées, ou presque, je peux revenir aux choses sérieuses : si je peux ajouter mon grain de sel à ce débat, voici quelques informations que j'ai glanées à propos de Moïse et de l'Exode, et qui prouvent que les bonnes histoires ne se perdent jamais et sont constamment recyclées.
Les historiens sont à peu près d'accord aujourd'hui pour dater la rédaction de la Bible entre les -VI° et -III° siècles, à partir d'éléments puvant remonter à l'époque royale d'Israël : -IX°/-VIII°siècles. Des intellectuels Judéens étaient alors soucieux de donner une identité à leur peuple, sous peine de le voir se disperser dans la masse des sujets de l'immense empire Perse qui dominait alors la région. Ces rédacteurs ont probablement commencé à travailler en Mésopotamie, ou y ont vécu, mais pas ou peu en Egypte, qu'ils connaissaient plutôt par ouï-dire.
L'
histoire de Moïse, censée se passer vers -1200, confié dans son berceau aux eaux du Nil, vient tout droit de la légende babylonienne et assyrienne du roi Sargon d'Akkad, au -XXIII° siècle, qui fut enfanté en secret, et installé, sur les rives de l'Euphrate, dans une corbeille de roseaux, calfatée avec du bitume, tout comme celui de Moïse. Or, le bitume, fréquent en Mésopotamie, est inconnu en Egypte. En revanche, les auteurs connaissaient la légende égyptienne de la naissance d'Horus, né d'Isis et d'Osiris, et caché dans un marécage : sortir des eaux était alors de bon augure et noyer quelqu'un dans le Nil, c'était le glorifier, et jamais Pharaon n'aurait songé à faire périr ainsi les enfants des Hébreux. Et si un crocodile, inconnu dans l'Euphrate, avait trouvé Moïse avant la fille du roi, il nous aurait privé d'une belle
histoire.
Pourtant, des contes égyptiens, et notamment des histoires de magie, sont présents avec les plaies d'Egypte, telle que les eaux changées en sang. Dans le mythe d'Horus à Edfou, un massacre d'hippopotames fait rougeoyer le Nil. Dans un autre, c'est Rê lui-même qui concocte une potion rougeâtre pour endormir une déesse féroce ; on nous donne même la recette. Le bâton d'Aaron par lequel Dieu transmet son pouvoir vient du récit de Satni-Khâmoîs, un fils de roi opposé à des mages. Tout n'est pas inventé : la fréquence des parasites cités, mouches, grenouilles, sauterelles, etc, était, hélas, l'ordinaire du peuple en ces temps-là. Mais la culture égyptienne du narrateur atteint vite ses limites : les chameaux qui meurent de la peste ne sont arrivés qu'avec les Perse, au -VI° siècle, et le blé ravagé par la grêle n'a été introduit qu'au -VII° siècle, par les Grecs, les Egyptiens cultivant l'épeautre.
Jacky-Charles: Lun 10 Mar - 19:00
Je reprends.
Comme il n'existe pas de trace historique de l'Exode, on ne peut citer un lieu pour l'épisode fameux de l'engloutissement de l'armée égyptienne dans la mer Rouge, qui est probablement mythique. Une zone marécageuse, sur la côte sud du Sinaï, que le climat de cette époque avait rendue très humide, a pu y faire penser. On peut aussi exclure un tsunami provoqué par l'éruption du Santorin, qui a eu lieu vers -1600, à moins qu'il en soit venu un autre du côté de la Mer Rouge, zone très instable du point du vue sismique...
Mais cette
histoire ressemble beaucoup au récit, authentique, lui, de la bataille de Qadesh, remportée par Ramsès II sur les Hittites, au bord du fleuve Oronte. Après une charge des chars hittites, les Egyptiens contrattaquent et terrassent l'ennemi au milieu du fleuve qui emporte les cadavres des hommes et des chevaux, ce que les vainqueurs ont representé sur leurs temples. Il ne restait plus aux Hébreux érudits qu'à s'en inspirer en inversant l'issue et en faisant boire la tasse à leur vieil adversaire.
Le pays de Canaan où devaient s'installer les Hébreux était à l'époque étroitement contrôlé par l'Egypte. Y'a-t-il eu un incident de frontière ou un conflit dans le pays même ? La stèle de Mérenptah, datée de -1207, le laisserait penser ; célébrant plusieurs victoires sur les Libyens, les Hittites et les Syriens, elle précise : "Israël est dévasté, sa semence n'est plus". C'est la première fois que ce nom apparaît dans un document égyptien, alors qu'il n'existe aucune trace de la présence d'Hébreux en Egypte, et même si de nombreuses tribus nomades passaient quelquefois la frontière pour toutes sortes de raisons : le pillage, le mercenariat, la famine...
On peut simplement conclure qu'une peuplade nommée Israël vivait en Canaan à cette époque, non pas dans les basses terres sous contrôle égyptien et administrées par des cités-états, non par des peuples, mais dans les collines frontalières plus reculées.
Interprétation toute personnelle : Moïse aurait pu être un jeune noble d'une de ces cités, envoyé pour être éduqué à l'égyptienne auprès de la cour du roi, comme cela se faisait partout dans l'Antiquité, et qui aurait eu un jour le mal du pays...
Pour terminer, lorsque les Egyptiens ont pris connaissance, beaucoup plus tard, de la Septante, la traduction grecque de la Bible qu'ils ne connaissaient pas auparavant, ils ont été scandalisés par les déformations de leur
histoire officielle que celle-ci racontait !
J'espère ne pas vous avoir trop ennuyés avec mes histoires