Je viens de lire le nouvel album d'Hermann,
Brigantus, 1er tome d'un dyptique qui met en scène une centurie romaine en territoire picte.
Je suis un peu partagé sur cette nouvelle série d'Hermann, mais je crois que ça penche quand même plus du côté du positif que du négatif.
C'est du Hermann récent typique, et indéniablement, il y a encore une vraie force dans son dessin.
Dès qu'il nous propose une case d'ensemble ou qu'il laisse la place au décor (même - voire surtout - embrumé), c'est très beau. Que le choix de l'Ecosse et des bancs de brume soit ou non une facilité pour ne pas avoir à faire de dessins trop complexes, Hermann réussit parfaitement à créer une atmosphère impressionniste qui justifie largement ce choix. Personnellement, il y a beaucoup de cases de ce type (celle-ci étant très abstraite par rapport à d'autres) où j'ai aimé me perdre. La fin du récit offre quelques cases panorama plus claires, sans brume, mais je ne les trouve pas sur internet (et un peu la flemme de photographier mon album ^^).
L'aspect oppressant du récit en est renforcé, puisqu'on sait que dans chaque banc de brume se cache un groupe de Pictes et on attend avec les héros le moment qu'ils vont choisir pour attaquer.
En revanche, soyons honnêtes, dès qu'on se rapproche des personnages, c'est moins beau. Les visages sont souvent assez laids, les corps sont disproportionnés : ce n'est pas systématique, mais ça se voit suffisamment régulièrement pour qu'on s'en fasse la réflexion. Le principal problème est surtout que tous les visages se ressemblent, au point que dès qu'ils ont leur casque, on ne peut plus identifier un seul soldat autrement que par ses paroles. Même la grosse brute ou le soldat noir ne se distinguent plus physiquement, ce qui rend la compréhension de certains dialogues problématique.
Dans les cases ci-dessous, le mélange des visages n'apparaît pas vraiment, mais on peut voir ce côté légèrement déformé, un peu approximatif, même si, là encore, le problème est plus évident dans d'autres cases que je ne trouve pas sur internet. Cela reste d'un assez bon niveau dans l'ensemble.
Au niveau du scénario, Yves H. nous propose une histoire très classique. Une centurie romaine perdue en terrain picte, qui ne connaît pas les subtilités du territoire autant que son ennemi, et au milieu, un personnage tiraillé entre la fidélité à l'empire qu'il a jurée, et le retournement contre les soldats qui le harcèlent. Le motif de son rejet par les autres me paraît un peu léger - ou en tous cas, trop légèrement exposé -, mais sur le principe, pourquoi pas ? L'histoire globale fonctionne, c'est plutôt déjà vu, mais ça marche assez bien. On est pris et pour ma part, j'ai tourné très volontiers les pages.
Ce qui pèche un peu plus, c'est la narration. On passe parfois d'une case à l'autre en se demandant ce qui s'est passé entre les deux. Certains dialogues sont vraiment trop rapides, et les enjeux ne sont pas toujours bien exposés.
Exemple typique d'un passage d'une case à l'autre que je ne comprends pas : dans les strips ci-dessous, on voit les Romains calmes, les Pictes menaçant, mais dans le strip du bas, quand on passe de la case allongée du dessus à celle du dessous, il n'y a aucune transition dans l'action, je trouve. On aurait presque l'impression que le visage du Picte explose tout seul !
Voilà, néanmoins, le plaisir de lecture reste présent en ce qui me concerne. L'atmosphère est très réussie, j'ai aimé me plonger dans ces brumes qui floutent tous les contours, justifiant très bien un dessin pas toujours très sûr. Cela m'a aidé à passer par-dessus les défauts susmentionnés, qui sont quand même bien présents mais pas complètement irrémédiables non plus.
Il reste maintenant deux attitudes possibles : se contenter de cet album très correct venant d'un grand auteur en fin de carrière, ou être déçu de voir s'abîmer dans des albums "juste" convenables un auteur qui a été si grand par le passé. Pour ma part, la première option me convient.