Raymond a écrit:...
Lisons un peu Benoit Peeters : "
Voilà qu'on remet la main dessus et plus personne ne sait qu'en faire. Les seuls à bien vouloir s'en charger (les Dupondt) la reperdent immédiatement. Retrouvé, l'émeraude n'est plus que "quincaillerie" ou "bimbelotterie", ce n'est qu'un "caillou" qui laisse les personnages indifférents, sauf peut-être de la pie qui traite Tintin de "voleur".En bon narrateur, Hergé n'accorde
aucune valeur à cette émeraude qu'il fait passer d'une main à l'autre avec la plus parfaite indifférence. Mieux encore, il en fait un gag répétitif. Et c'est ainsi qu'après l'avoir perdue une première fois dans l'herbe, les Dupondt l'égarent à nouveau dans la voiture, en se reprochant mutuellement de ne pas savoir où se trouve le bijou. C'est un moment délicieux.
L'album ne dit même pas si le bijou est finalement arrivé à bonne destination !
Conclusion de Benoit Peeters !
"Jamais les lois du récit n'ont été montrées avec autant d'évidence. Jamais il n'a été dit aussi clairement qu'en lui-même, l'objet poursuivi n'est rien, seule la quête a de l'importance".
Je vois aussi dans le fait de rabaisser la splendide émeraude une autre façon de rabaisser La Castafiore.
Une telle gemme est digne d'une reine. Et Hergé dévalue la chanteuse en se moquant de ce joyau insaisissable et inutile d'ailleurs car jamais arboré dans une tenue d'apparat.
Et il ne s'arrête pas là !
L'histoire a été publiée dans
Le journal de Tintin à partir de 1961 !
Or cette époque est celle des années de gloire de La Callas.
Et tout lecteur adulte, le deuxième public auquel s'adresse l'auteur, ne pouvait pas ne pas comparer les deux cantatrices.
Et que voit-on ?
D'un côté l'Italienne répète inlassablement, tel un disque rayé, l'air des bijoux de
Faust. Même si Hergé, bon prince, nous signale son triomphe dans un opéra (secondaire) de Rossini :
La gazza Ladra, et ce uniquement pour les besoins de l'intrigue.
De l'autre côté, la Grecque enchaine les rôles prestigieux : la plus grande Tosca de l'histoire, Violetta (
La Traviata), Norma (opéra éponyme), Lucia de Lamermoor (opéra éponyme), Médée (opéra éponyme), etc.
Et il en est d'ailleurs de même sur la vie privée des deux divas.
La Castafiore reste une chaste fleur comme son nom l'indique et comme Tournesol l'a parfaitement compris en lui offrant une rose de couleur blanche. La liste des amants de la chanteuse est ridicule et détruit toute vraisemblance aux liaisons.
Maria Callas enchaine les amants dont le plus célèbre d'entre eux sera Onassis.
Côté physique, là aussi, la comparaison est terrible. L'héroïne de la BD affiche un fort embonpoint alors que la tragédienne est svelte.
Donc, Hergé construit avec méthode l'antithèse de la grecque. Il ridiculise La Castafiore sur le seul "terrain de jeu" où elle pourrait exceller : celui d'une célébrité de l'opéra.
Eléanore