Ces Avengers qui s'embrassent dans une BD sont au cœur d'une polémique au Brésil
Une bataille juridique autour d'un baiser gay sur une bande dessinée agite le pays après une action du maire évangéliste de Rio de Janeiro.
Le HuffPost avec AFP
BRÉSIL - Un tribunal brésilien a autorisé le maire évangéliste de Rio de Janeiro à saisir des livres à connotation LGBT qu’il considère comme “inappropriés” pour les mineurs, faisant craindre pour certains des actes de censure et de discrimination.
Dans un nouveau rebondissement sur cette affaire, la décision du tribunal, émise samedi 7 septembre, suspend une injonction provisoire qui empêchait le maire de procéder à l’interdiction de diffusion d’un livre de bandes dessinées Marvel, en vente au salon du livre de Rio, où l’on voit deux super-héros, Wiccan et Hulkling, s’embrasser.
Le maire ultra-conservateur, Marcelo Crivella, a demandé à ce que l’ouvrage soit retiré de la vente en raison de son “contenu sexuel pour les mineurs”.
Marcelo Crivella, un ancien évêque de l’Église universelle du royaume de Dieu (évangélique), a été élu en 2016 maire de Rio en promettant de ramener la loi et l’ordre dans cette ville gangrenée par la criminalité.
L’initiative du maire a eu pour effet de voir les volumes de “Young Avengers: the Children’s crusade” rapidement épuisés, ont dit à l’AFP les organisateurs du salon du livre.
Le Brésilien Felipe Neto,
très populaire sur YouTube, avec plus de 34 millions d’abonnés sur sa chaîne,
a acheté 14.000 volumes consacrés aux thématiques LGBT pour les distribuer gratuitement au salon du livre, en signe de protestation.
L’image représentant le baiser des deux super-héros s’étalait également dans les kiosques à journaux du pays, reproduite en première page de Folha de S. Paulo, le principal quotidien brésilien:
Bandeau d’avertissement
Mais le président du tribunal de Rio de Janeiro, Claudio de Mello Tavares, a apporté son soutien samedi aux initiatives du maire.
Une bande dessinée avec des super-héros et destinée par conséquent à une jeune lectorat n’est pas censée aborder les questions de sexualité et devrait par conséquent être accompagnée d’un bandeau d’avertissement, a fait valoir le juge.
Les organisateurs du salon du livre, qui s’achève ce dimanche 8 septembre, ont indiqué qu’ils feraient appel.
Editeurs et écrivains considèrent pour leur part que la décision du maire équivaut à de la censure.
“Puisque cette décision semble viser précisément l’interdiction de magazines exposant des baisers gay (plutôt que les autres), j’interpréterais cela comme étant motivé par de la discrimination, tant de la part du maire que du juge”, a estimé un spécialiste du droit constitutionnel, Michael Mohallem, de la Fondation Getulio Vargas.
La Cour suprême du Brésil a décidé en juin de criminaliser l’homophobie, l’assimilant à du racisme.
Cette décision est considérée comme un pas important pour les minorités sexuelles d’un des pays qui comptent le plus grand nombre d’assassinats de personnes LGBT.
Le Brésil a légalisé le mariage entre personnes du même sexe.
Une vignette du comic book Avengers. La croisade des enfants, que Marcelo Crivella, maire conservateur de Rio, a voulu interdire. Capture d’écran du compte Twitter de Marcelo Crivella.
Alors que le maire de la deuxième plus grande ville du Brésil entendait censurer une bande dessinée représentant des personnages homosexuels, la Cour suprême s’y est opposée et a rappelé les principes de base de la démocratie.
Samedi 7 septembre, la une du quotidien brésilien Folha de São Paulo répondait par un dessin aux tentatives de censure lancées par Marcelo Crivella, le maire de Rio de Janeiro, contre la présentation d’une bande dessinée de l’éditeur Marvel Comics au salon du livre de la ville. Folha précisait par ailleurs dans son article que le comic book en question était aussi quasiment introuvable dans les librairies paulistes.
L’illustration publiée par le journal représente deux héros homosexuels échangeant un baiser, un dessin issu du comic book Avengers. La croisade des enfants, de l’éditeur américain Marvel.
Le maire de Rio, Marcelo Crivella (du Parti républicain, centre droit), entendait imposer que cet ouvrage présenté à la Biennale du livre de la ville soit recouvert d’une jaquette noire, afin de “protéger les enfants de contenus...
Sabine Grandadam
Les officiels brésiliens n'en finissent plus d'alimenter l'actualité ces derniers temps. Malheureusement, la raison de leur présence au coeur de l'info est moins leurs prouesses politiques que leurs commentaires sexistes, misogynes et rétrogrades. Le dernier en date ? La volonté du maire de Rio de Janeiro de censurer la bande dessinée Les Justiciers, la croisade des enfants (Young Avengers, The Children's Crusade), d'Allan Heinberg et Jim Cheung, exposée dans les rayons de la Biennale de la ville, le plus grand festival littéraire du Brésil, sous prétexte que deux protagonistes masculins échangent un baiser.
"De tels livres doivent être couverts de plastique noir, scellés et avec un avis concernant le contenu", a ainsi déclaré Marcelo Bezerra Crivella, ancien évêque de l'Église universelle du Royaume de Dieu, un puissant mouvement néo-pentecôtiste fondé par son oncle, dans une vidéo publiée sur Twitter. "Il n'est pas bon pour les mineurs d'avoir rapidement accès à des sujets qui ne sont pas en accord avec leur âge", a-t-il poursuivi, demandant qu'on retire l'ouvrage des ventes par la même occasion - mais se défendant de faire preuve de censure ou d'homophobie.
No censura nem homofobia como muitos pensam. A questo envolvendo os gibis na Bienal tem um objetivo bem claro: cumprir o que prev o Estatuto da Criana e do Adolescente. Queremos, apenas, preservar nossas crianas, lutar em defesa das famlias brasileiras e cumprir a Lei. pic.twitter.com/CsWte3nsLG
— Marcelo Crivella (@MCrivella) September 8, 2019
L'arroseur arrosé
Manque de bol, la justice brésilienne en la personne du juge Heleno Nunes, a non seulement statué en sa défaveur au nom de la liberté d'expression - et précisé que les autorités devaient "s'abstenir de saisir des oeuvres en fonction de leur contenu, particulièrement celles traitant de l'homotranssexualité" - mais son intervention a aussi fait décoller les ventes du livre édité par Marvel Comics, jusqu'à la rupture de stock. Les organisateurs de la Biennale ont également déclaré à l'AFP que leur événement était "pluriel" et donnait la "parole à tous les publics, sans distinction, comme cela doit être (le cas) dans une démocratie", rapporte Têtu.
Du côté de la presse aussi, on a choisi son camp. Le grand quotidien national LaFolha de São Paulo a ainsi choisi de publier le dessin polémique en Une de son numéro du samedi 7 septembre, avec en titre "Crivella tente de censurer une bande-dessinée montrant un baiser gay mais se fait bloquer".
Un événement qui vient mettre à jour les véritables motivations du maire de Rio de Janeiro, qui avait pourtant prôné la tolérance peu avant son élection, et s'était même prétendu ouvert au mariage gay. En 1990 en revanche, il avait qualifié l'homosexualité de "mal terrible", rappelle Ouest France.
Mise à jour du 10/09 : La Cour suprême du Brésil, plus haute juridiction du pays, a également interdit à Marcelo Crivella de censurer la BD. "En démocratie, (...) les différentes convictions et visions du monde doivent pouvoir être exposées", a ainsi affirmé son président, José Antonio Dias Toffol.