Lydie est un conte écrit par Zidrou et dessiné par Lafebre, publié en 2010
Camille est une jeune femme, très croyante, un peu simplette, orpheline de mère. Elle attend un enfant, dont le père est inconnu. L’accouchement est tragique et le bébé, Lydie, est mort-né. Après quelques jours de deuil, Camille va imaginer que Dieu lui rend le nourrisson. Commence alors une vie irréelle où la jeune femme adopte tous les comportements d’une mère : allaitement, consultation pour des maladies infantiles, inscription à l’école, etc. Bien évidemment, les vignettes ne nous montrent que du vide là où devrait se trouver l’enfant. Cependant, dans un élan unanime de générosité, de solidarité et d’affection, tous les habitants du quartier (une petite impasse en fait) vont rentrer dans le « jeu » de Camille. Lydie va ainsi être baptisée. Et elle aura des camarades d’écoles. Le rêve va se poursuivre jusqu’à l’époustouflante conclusion où la frontière entre le réel et l’imaginaire s’efface.
J’ai été bouleversée par cette œuvre. Zidrou, en grand connaisseur de l’âme humaine, développe une vision positive de la vie et de l’être humain là où, pourtant, tous les ingrédients du drame sont en place. Le deuil de l’enfant est toujours terrible. Or, le scénariste inscrit ici le refus du deuil dans une perspective d’avenir. Camille est une fabulatrice attachante, et elle crée une communauté de vie autour d’elle et de son projet.
Venons en justement aux villageois. Chaque habitant de l'impasse porte haut les couleurs de sa position sociale. Aussi le médecin est superbement dévoué et généreux. Quant à l’institutrice, elle aime les enfants et pilote sa classe avec méthode et organisation. Bien évidemment, les galopins de service sont délicieusement désobéissants et impolis. Et je ne parle pas du cafetier, bavard et accueillant à souhait ! Bon. Bah, vous me direz qu’une société où tout le monde est gentil n’existe pas. Certes. Mais n’oublions pas que Lydie est un conte ! Et dans beaucoup de contes, comme le dit si bien Shakespeare, All's Well That Ends Well (Tout est bien qui finit bien).
Le sujet principal de la BD pourrait être le mensonge. Zidrou prend ici la suite d’illustres philosophes comme Platon (« la fausseté est inutilisable par les Dieux, elle est utilisable par les hommes sous la forme d'un remède, il est dès lors manifeste qu'une telle utilisation doit être réservée à des médecins » - La République), Saint-Augustin (« or quiconque énonce un fait que, par croyance ou opinion, il tient pour vrai, même si ce fait est faux, ne ment pas » - Du mensonge), ou encore Kant (« Être véridique dans les propos qu'on ne peut éluder, c'est là le devoir formel de l'homme envers chaque homme, quelle que soit la gravité du préjudice qui peut en résulter pour soi-même ou pour autrui » - Sur un prétendu droit de mentir par humanité).
La position de Zidrou est celle de Saint-Augustin. Il promeut avec force le mensonge par amour, et ce mensonge apparait d’autant plus légitime qu’il est collégial et fertile.
Un scénario superbe, plein de générosité et de sensibilité, et qui fait réfléchir. Notons deux cerises sur le gâteau. La première cerise est une statuette de Vierge Marie douée de raison. Elle nous parle ! Et on se croirait dans un film de Don Camillo .
!
La deuxième cerise est l’emblème des habitants de l’impasse. C’est une moustache, bien plus sympathique que celle de Pleksy-Gladz (L’affaire Tournesol) ! Et nous avons ainsi droit à une très belle photographie de tous les villageois, y compris Lydie (…), arborant fièrement le postiche, unis et heureux. Un bien beau signe tribal donc !
Les dessins sont semi-caricaturaux dans un style qui rappelle beaucoup celui de Cauuet. Les amateurs des Vieux Fourneaux ne seront donc pas dépaysés par cette relique de 2010 !
Les décors sont simples, à l’image d’un quartier plutôt pauvre.
Je souhaite surtout attribuer un prix d’excellence à une des vignettes, celle de la page 16, reprise (bien évidemment !) comme couverture de l’album dans la 2ème édition. La pluie y lapide Camille. De grands traits verticaux inclinés font converger le regard sur le titre de la BD. Une teinte violette, très sombre, renforce le désespoir patent de la jeune femme. Ses mains sont crispées et nous nous interrogeons sur ce qu’elles peuvent porter. Son ventre porte encore les marques de la grossesse. Et ses yeux suppliants, fixés sur la lectrice (lecteur) nous interpelle. Mais que peut-elle bien nous dire ? Comment pouvons-nous l’aider ?
https://i.servimg.com/u/f75/18/80/40/74/lydie_14.jpg
Les couleurs de Lafebre sont très douces et contribuent à crédibiliser les décors des années 30, période dans laquelle est positionnée la BD.
Zidrou, œuvre par œuvre, développe sa Comédie Humaine. Ce n’est certes pas du Balzac, loin de là, mais on retrouve le même goût d’explorer tous les groupes sociaux, avec un regard analytique. Il ne manque plus que des personnages communs à plusieurs BDs et le tour sera joué .
Eléanore
Camille est une jeune femme, très croyante, un peu simplette, orpheline de mère. Elle attend un enfant, dont le père est inconnu. L’accouchement est tragique et le bébé, Lydie, est mort-né. Après quelques jours de deuil, Camille va imaginer que Dieu lui rend le nourrisson. Commence alors une vie irréelle où la jeune femme adopte tous les comportements d’une mère : allaitement, consultation pour des maladies infantiles, inscription à l’école, etc. Bien évidemment, les vignettes ne nous montrent que du vide là où devrait se trouver l’enfant. Cependant, dans un élan unanime de générosité, de solidarité et d’affection, tous les habitants du quartier (une petite impasse en fait) vont rentrer dans le « jeu » de Camille. Lydie va ainsi être baptisée. Et elle aura des camarades d’écoles. Le rêve va se poursuivre jusqu’à l’époustouflante conclusion où la frontière entre le réel et l’imaginaire s’efface.
J’ai été bouleversée par cette œuvre. Zidrou, en grand connaisseur de l’âme humaine, développe une vision positive de la vie et de l’être humain là où, pourtant, tous les ingrédients du drame sont en place. Le deuil de l’enfant est toujours terrible. Or, le scénariste inscrit ici le refus du deuil dans une perspective d’avenir. Camille est une fabulatrice attachante, et elle crée une communauté de vie autour d’elle et de son projet.
Venons en justement aux villageois. Chaque habitant de l'impasse porte haut les couleurs de sa position sociale. Aussi le médecin est superbement dévoué et généreux. Quant à l’institutrice, elle aime les enfants et pilote sa classe avec méthode et organisation. Bien évidemment, les galopins de service sont délicieusement désobéissants et impolis. Et je ne parle pas du cafetier, bavard et accueillant à souhait ! Bon. Bah, vous me direz qu’une société où tout le monde est gentil n’existe pas. Certes. Mais n’oublions pas que Lydie est un conte ! Et dans beaucoup de contes, comme le dit si bien Shakespeare, All's Well That Ends Well (Tout est bien qui finit bien).
Le sujet principal de la BD pourrait être le mensonge. Zidrou prend ici la suite d’illustres philosophes comme Platon (« la fausseté est inutilisable par les Dieux, elle est utilisable par les hommes sous la forme d'un remède, il est dès lors manifeste qu'une telle utilisation doit être réservée à des médecins » - La République), Saint-Augustin (« or quiconque énonce un fait que, par croyance ou opinion, il tient pour vrai, même si ce fait est faux, ne ment pas » - Du mensonge), ou encore Kant (« Être véridique dans les propos qu'on ne peut éluder, c'est là le devoir formel de l'homme envers chaque homme, quelle que soit la gravité du préjudice qui peut en résulter pour soi-même ou pour autrui » - Sur un prétendu droit de mentir par humanité).
La position de Zidrou est celle de Saint-Augustin. Il promeut avec force le mensonge par amour, et ce mensonge apparait d’autant plus légitime qu’il est collégial et fertile.
Un scénario superbe, plein de générosité et de sensibilité, et qui fait réfléchir. Notons deux cerises sur le gâteau. La première cerise est une statuette de Vierge Marie douée de raison. Elle nous parle ! Et on se croirait dans un film de Don Camillo .
!
La deuxième cerise est l’emblème des habitants de l’impasse. C’est une moustache, bien plus sympathique que celle de Pleksy-Gladz (L’affaire Tournesol) ! Et nous avons ainsi droit à une très belle photographie de tous les villageois, y compris Lydie (…), arborant fièrement le postiche, unis et heureux. Un bien beau signe tribal donc !
Les dessins sont semi-caricaturaux dans un style qui rappelle beaucoup celui de Cauuet. Les amateurs des Vieux Fourneaux ne seront donc pas dépaysés par cette relique de 2010 !
Les décors sont simples, à l’image d’un quartier plutôt pauvre.
Je souhaite surtout attribuer un prix d’excellence à une des vignettes, celle de la page 16, reprise (bien évidemment !) comme couverture de l’album dans la 2ème édition. La pluie y lapide Camille. De grands traits verticaux inclinés font converger le regard sur le titre de la BD. Une teinte violette, très sombre, renforce le désespoir patent de la jeune femme. Ses mains sont crispées et nous nous interrogeons sur ce qu’elles peuvent porter. Son ventre porte encore les marques de la grossesse. Et ses yeux suppliants, fixés sur la lectrice (lecteur) nous interpelle. Mais que peut-elle bien nous dire ? Comment pouvons-nous l’aider ?
https://i.servimg.com/u/f75/18/80/40/74/lydie_14.jpg
Les couleurs de Lafebre sont très douces et contribuent à crédibiliser les décors des années 30, période dans laquelle est positionnée la BD.
Zidrou, œuvre par œuvre, développe sa Comédie Humaine. Ce n’est certes pas du Balzac, loin de là, mais on retrouve le même goût d’explorer tous les groupes sociaux, avec un regard analytique. Il ne manque plus que des personnages communs à plusieurs BDs et le tour sera joué .
Eléanore