J'aime beaucoup Polilit et ses arguments percutants, d'autant plus que, chacun des anciens le sait sur ce forum, j'ai pu "démolir" moi aussi l'aspect réaliste d'un autre épisode de Lefranc pour un manque de cohérence (L'Oasis).
Une note importante quand même : il y a une grosse différence entre un anachronisme qui dénote simplement un manque de documentation iconographique pour un élément de décor (voiture de police suisse ou française dans le cas présent), et le manque de cohérence scénaristique qui, lui, empêche carrément qu'une histoire puisse avancer.
Je vais citer un exemple : dans l'épisode La déesse noire de la série Jacques Le Gall, par Charlier et Mitacq, le héros est poursuivi par un méchant dans un temple hindou. A un moment, il pense s'échapper par un profond puits. Dans un premier temps, et par deux fois, des objets lourds tombent dans ce puits (une grande statue de Vishnou, puis une grosse pierre). A chaque fois, ça fait "Boum" dans le fond du puits, dont Jacques Le Gall lui-même dit (bas de la planche 20 de l'album réédité chez Dupuis) : "Il doit être terriblement profond". Or, pages 24 et 25 de la même histoire, Jacques Le Gall se laisse tomber dans le puits, car il a découvert qu'il y a... de l'eau dans le fond du puits. Et Jacques se laisse tomber de haut, sachant que l'eau va amortir sa chute et son plongeon. Or, s'il n'y avait pas d'eau, mais un sol dur comme dans la planche 20, Jacques serait mort, écrasé, ou au moins très mal en point, avec de multiples fractures. Il serait même tombé précisément sur la statue de Vishnou et la grosse pierre, qui ne sont pas, toutes deux, des matelas de plume. Il y a donc là une impossibilité scénaristique (due à une grave étourderie du scénariste Charlier) : c'est soit de l'eau, soit du sol dur ou un bloc de statue ou de pierre, et si c'est du dur (comme c'est expliqué dans un premier temps), Jacques Le Gall, de la façon dont il se laisse tomber, meurt sur le coup et le cours de la BD ne peut pas se poursuivre.
Mais dans les exemples que Polilit a cités dans ce post et dans d'autres consacrés à Lefranc, les erreurs sont simplement documentaires et très secondaires par rapport à l'intrigue. Que Lefranc soit raccompagné chez lui par une voiture de police de marque Renault ou Peugeot, que la voiture soit blanc et noir ou vert caca d'oie, ça ne change rien au scénario : Lefranc retourne chez lui accompagné par la police, point. C'est juste une erreur, ou un manque de temps, de l'auteur de ne pas avoir cherché la bonne voiture de police qu'on trouve à l'époque en Suisse.
Polilit signale ailleurs sur ce forum que dans l'album Londres en péril de la même série Lefranc, un dinghy est mû par un moteur totalement anachronique. Certes, c'est grave, mais ça n'empêche pas que le scénario puisse se dérouler : le dinghy flotte, avance grâce au moteur, et tout est bien qui finit normalement. Plus grave aurait été l'utilisation d'un dinghy à moteur dans Alix... Là, on sait que ça aurait été impossible.