L'événement du week-end, que l'on aime ou pas les nouveaux "Blake et Mortimer" (non dessinés par Jacobs), c'est indiscutablement la sortie de
la Vallée des Immortels.
Ce nouvel album était annoncé comme un "sequel" du
Secret de l'Espadon (complétant en fait le "prequel qu'avait été le "Bâton de Plutarque") et je dois avouer que ce thème m'intéressait spontanément. Comment en effet passer d'un univers "uchronique" comme l'avait été celui de l'Espadon" vers un monde totalement "historique" et contemporain, comme le sont presque tous les albums qui ont suivis. Il y avait là une transition délicate que Jacobs n'avait jamais expliqué et qui semblait être un exercice narratif presque impossible à accomplir.
Mais Yves Sente s'est tout de même attaqué à ce problème, et le début de son histoire est au fond assez plaisant. Le récit démarre en effet avant que l'escadrille des Espadons n'ait attaqué Lhassa, la capitale de l'empereur Basam-Dandu, et pour bien le démontrer, les auteurs redessinent dans l'album actuel quelques cases célèbres de "l'Espadon", autrefois créées par Jacobs. On suit ainsi parallèlement une double progression de l'aventure, qui comporte d'une part une intrigue plutôt policière d'Yves Sente et d'autre part la fin de la guerre mondiale telle qu'elle avait été racontée par Jacobs. J'ai bien sûr apprécié cette réapparition d'images célèbres dans le nouvel album.
Cette juxtaposition d'intrigues entraîne toutefois un vrai problème. Comment combiner les enjeux de l'intrigue policière d'Yves Sente (qui sont plutôt insignifiants) avec l'énorme combat vital des nations libres contre "l'empire jaune" de Basam-Dandu ? Il y a là une synthèse que le scénariste n'a pas (en tout cas pour le moment) réussie. Le professeur Mortimer accomplit en effet deux "missions en parallèle", et on a de la peine à croire qu'une petite enquête archéologique puisse ainsi le passionner alors qu'il travaille en même temps sur une nouvelle arme secrète qui est destinée à sauver l'intégrité de l'empire britannique. Il y a là quelque chose d'illogique, voir même d'impossible. C'est ainsi que les 90% (au moins) du récit sont consacrés à cette petite énigme historique concernant la Chine antique, et tandis que le monde est encore en plein bouleversement politique, le professeur Mortimer s'intéresse à un minuscule mystère historique tout en arpentant les couloirs d'un musée, une image qui rappelle d'ailleurs un peu les débuts du "Mystère de la Grande Pyramide".
C'est ainsi qu'en terminant le premier tome de ce diptyque, je suis un peu resté sur ma faim. J'attendais une grande histoire, concernant le destin du monde entier, et on m'en raconte une autre qui est presque insignifiante et à laquelle j'ai eu de la peine à m'intéresser. En fait, j'aime bien les "Blake et Mortimer archéologiques", mais je trouve que ce genre de scénario se mélange bien mal avec la grande aventure guerrière que devait être la suite du "Secret de l'Espadon".
Ceci dit, l'histoire n'est pas terminée (il y aura un tome 2) et il faut donc encore attendre la suite.
Par ailleurs, il faut relever l'excellent travail graphique accompli par Teun Berserik et Peter Van Dongen, qui dessinent cette aventure d'une manière totalement mimétique, presque égale aux meilleurs albums de Jacobs. Il y a là sans aucun doute un énorme travail, qui est d'une fidélité admirable au modèle original, et qui est comparable aux efforts qu'avaient réalisés auparavant Ted Benoit ou Antoine Aubin. Le voyage du héros dans la ville d'Hong-Kong est par ailleurs très bien illustré et cet album est donc un festival pour les yeux.
Voilà .. voilà...
C'est donc pour moi un album mi-figue mi-raisin, qui offre quelques agréables surprises mais aussi de petites déceptions. J'ai envie de réserver mon avis jusqu'à la parution de sa conclusion. Il faudra donc refaire le bilan de l'œuvre dans 1 an ou 2, lorsque paraîtra la fin de cette curieuse aventure.