Voilà ! J'ai enfin lu de manière complète
l'Onde Septimus, et je ne me suis pas ennuyé.
C'est en fait une histoire de science fiction "à l'ancienne". L'essentiel de son intérêt provient de l'hypothèse scientifique qui est développée, et c'est bien sûr de cela qu'il faut d'abord discuter.
L'idée originelle a été inventée par E. P. Jacobs en 1953. Dès le départ, on devinait que cette thèse était un peu tirée par les cheveux. Pourtant, même si devinait que l'onde Mega ne pouvait pas exister, l'hypothèse avait un semblant de crédibilité. C'était au fond cela qui faisait la force des récits de Jacobs.
Cette fameuse onde, qui était une sorte d'équivalent matériel de la vie elle même, possédait toute sorte de qualités. En la contrôlant, on pouvait non seulement diriger la volonté et la force d'un être humain, mais aussi supprimer ou créer la vie elle-même. C'est ainsi qu'Olrik, après avoir pris le contrôle du télécéphaloscope, a pu donner la mort à Septimus. Remarquons en passant que cette image finale garde une certaine ambiguïté. Septimus est-il "carbonisé" par la chaleur de l'onde Mega, ou "aspiré" dans une sorte de monde parallèle, un monde dont le tissu serait justement constitué de cette force mystérieuse ?
Tel est le point de départ sur lequel Jean Dufaux construit son histoire. Il suppose donc que des scientifiques imprudents (je ne dirai pas lesquels
) décident de réactiver le télécéphaloscope. Cette onde Mega est trop riche en possibilités pour qu'on la laisse simplement de côté. Pourquoi ne pas chercher à en utiliser les pouvoirs ? On pourrait au fond imaginer que cette force soit utilisée de façon positive, avec la volonté de servir le progrès scientifique. Et si on inversait la polarité de cette force, pour que celle-ci puisse devenir créatrice, que se passerait-il ?
A partir de cette nouvelle hypothèse, le scénariste construit logiquement son histoire, qui prend d'abord l'aspect d'une énigme policière. C'est ainsi que d'anciens militaires se comportent de façon curieuse, à la manière de "guinea pigs". Puis on découvre Olrik qui fait des cauchemars, et qui entend la voix de son "ancien maître". Plus tard, Septimus en personne réapparait, mais ... est-ce bien lui ? Ne serait-ce pas plutôt une sorte d'androïde, ou plutôt un organisme se comportant d'une manière un peu mécanique.
On devine alors que l'inversion de l'Onde Mega est bien capable de ramener Septimus à la vie. Mieux même, elle peut le faire aussi souvent que l'on activera le télécéphaloscope. On se retrouve ainsi avec plusieurs Septimus, mais ces silhouettes ramenées à la vie restent néanmoins incomplètes. Tous ces Septimus qui se promènent à travers Londres ne sont que des robots humains, qui répètent tous les mêmes phrases, et qui n'ont pas de véritable liberté de comportement.
Tel est le "pitch" de cette aventure qui se révèle riche en personnages et en péripétie. Personnellement, je l'ai beaucoup appréciée, d'abord parce que je suis un admirateur fanatique de "
la Marque Jaune", et ensuite parce que cette suite me semble très" logique". N'oublions pas en effet que même si cette nouvelle histoire prend par moments une tournure presque invraisemblable, Dufaux ne fait que déduire de façon logique un certain nombre de conséquences de la découverte de Septimus.
Sur le plan graphique, Antoine Aubin dessine Blake Mortimer ou Olrik d'une façon presque mimétique. Il retrouve entièrement la manière de Jacobs et son travail force le respect. Les dernières pages, dessinées par Etienne Schréder, montrent il est vrai un certain "déficit de perfectionnisme", mais cet inconvénient me parait assez mineur.
Bref, c'est un bel album, et même un des meilleurs depuis que la série a été reprise par d'autres scénaristes que Jacobs. Jean Dufaux a plutôt de bonnes idées, et j'espère qu'il continuera à travailler sur Blake et Mortimer.