eleanore-clo a écrit:Frontier est une BD de science-fiction de Guillaume Singelin
Ji-Soo, scientifique de renom, anime les équipes en charge de construire une fusée d'exploration spatiale. Mais le rachat de son entreprise par un géant minier la mène à se rebeller contre les nouveaux propriétaires. Et de sanction en sanction, elle se retrouve mutée dans l'espace où elle fait la connaissance d'un ouvrier, Alex. La découverte d'un petit singe, Goku, amène Alex a soupçonné des expérimentations animales et il va détruire la laboratoire dans un accès de folle colère. Ji-Soo et Alex s'enfuient sur Minerve, une planète récemment colonisée. Ils y rencontrent Camina, une mercenaire qui combat pour telle ou telle société minières au gré des contrats. Le quatuor va alors errer sur le monde terraformé sauf qu'Alex, ayant toujours vécu dans l'espace, ne supporte pas la pesanteur…
La BD s'inscrit dans la lignée éditoriale de la collection
Label 619 de l'éditeur
Rue de Sèvres. Ce jeune et prestigieux catalogue réunit de très belles œuvres, distinguées par la presse spécialisée, comme
Carbone & Silicium ou encore
Hoka Hey !. Une forte ambition politique et artistique sous-tend donc le récit.
L'auteur dénonce les multinationales qui voient pas au-delà de la rentabilité financières et utilisent tous les moyens légaux ou non pour s'imposer sur leur marché. Et il leur oppose le destin sacré de l'humanité d'explorer et de coloniser l'univers.
Mais que le scénario manque de subtilité et d'innovation ! Le thème des compagnies malsaines date a minima de 1953 (
Planète à gogo de Pohl et Kornbluth). Et cette nième mouture, on ne peut plus naïve, n'apporte rien de bien nouveau. La narration pèche par excès de zèle en pimentant la sauce de combats spatiaux et autres touches de cyberpunk. Mais à vouloir trop embrasser, on se perd. Au final, le livre se résume à une succession de chapitres dont chacun eut mérité un développement et dont l'assemblage apparait bien artificiel. Les héros sont "baguenaudés" d'un lieu à un autre, au grès de l'humeur du scénariste et de circonstances survenant fortuitement. Le vernis scientifique sur les laboratoires, les mines de lithium ou encore les stations spatiales ne convainc absolument pas. Quel gâchis.
L'autre problème majeur de l'ouvrage tient à son graphisme. Singelin choisit de dessiner ses personnages sous la forme d'"
enfadulte". Les héros affichent une insolente jeunesse même pour les plus âgés d'entre eux. Tous se ressemblent étrangement. Ils ont une grosse tête, légèrement difforme, avec des expressions outrancières et des mimiques qui lorgnent du côté des mangas ou de l'animation. Leur taille est minuscule et leurs membres exagérément gros. Nous assistons avec effarement à une histoire dans laquelle des poupées ou des personnages legos se battent et meurent dans l'espace. Faire passer une émotion avec cette esthétique relève de l'exploit et, me concernant, l'auteur n'y arrive pas. Peut être Singelin a t'il employé une métaphore pour nous signifier que nous ne sommes que des jouets dans notre monde mais alors quelle maladresse. De plus, je n'y crois guère ayant jeté un coup d'oeil à une autre BD de l'auteur,
Mutafukaz' Loba Loca. Seul survit dans ce naufrage un sens aigu du détail et on ne peut que saluer l'investissement du dessinateur sur chacune de ses vignettes.
Au final, j'ai bien eu du mal à terminer l'ouvrage. Et d'ailleurs je n'en ai même pas été récompensée car la fin manque de puissance et sonne faux. Mon avis n'est en tout cas pas partagé par les libraires du réseau Canal BD qui ont distingué
Frontier en la choisissant pour concourir au titre de meilleure BD de 2023.
EEléanore