Un autre grand mystérieux, pour moi, c'est Jean-Marie Brouyère. On l'a beaucoup vu dans le Spirou de Thierr Martens (Archie Cash, Corsensac et Baladin, L'épervier bleu avec Sirius)et puis un jour, plus rien. Je sais qu'il avait débuté au Studio Greg avec Dupa, Hermann et Dany mais il n'a pas tenu longtemps, du fait d'un caractère marginal, comme le précisait Greg.
Il a beaucoup compté pour les débutants nommés Geerts ou Hislaire, également. Témoin cet hommage écrit par Hislaire, sur son site, quelques temps après sa disparition:
Remember Jean-Marie Brouyère.
posted on 23 juillet 2010 à 12:00 par Yslaire / Auteur
Cela fait six mois déjà que j’aurais dû l’écrire, cet article, mais voilà. Sans doute le chagrin...
En BD, Jean-Marie a été mon Père spirituel. Je l’ai rencontré à 13 ans au milieu d’une exposition de la section BD à l’institut St Luc à Bruxelles. À l’époque, Eddy Paepe y donnait cours et parmi les élèves exposés, figurait Claude Renard. C’est ce dernier qui, quelques années plus tard, a repris les cours de BD et a fondé l’Atelier R. qui verra éclore une génération de nouveaux auteurs en Belgique, comme Schuiten, Sokal, Berthet et cie... mais c’est une autre histoire. La mienne, moins connue, commence au même endroit par la rencontre avec Jean-Marie, qui me remarque (la salle était quasi déserte) et me demande : « Tu veux faire de la bande dessinée ? Viens chez moi tous les samedis, je t’apprendrai. » J’ai sauté sur l’occasion. Jean-Marie avait été l’élève de Tillieux (Gil Jourdan) et souhaitait reproduire l’expérience. Il m’a appelé Fils pendant sept ans. Je connaissais son travail, il dessinait Hippy dans Tintin et commençait Al Alo dans Spirou. Des histoire courtes humoristiques avec un humour poétique farfelu, à l’image de l’auteur et de son époque. Jean-Marie était un hippie. Plutôt que de m’apprendre à dessiner, il m’a fait découvrir la musique rock, la Beat-Generation, Alan Ginsberg, l’alcool, la drogue et Jimi Hendrix. Dès qu’il touchait sa paie de quelques planches, il m’emmenait en vadrouille dans ses périples arrosés de gentil doux-dingue, mi-voyou, mi-hippie. Je l'admirais comme un demi-dieu et je reproduisais tous ses tics de langage, je tentais d’imiter ses folies. Moi qui venais d’un milieu bourgeois, j’entrais de plain-pied dans la contre-culture et l’après 68 américain. J’ai vraiment cru que les jeunes allaient changer le monde.
Un an plus tard, sous les conseils de Thierry Martens, Rédac chef de Spirou, il entame le scénario d’Archie Cash, une série réaliste et musclée, dessinée par Malik, qui connaîtra un succès public plus que critique. Ce fut un malentendu. Lui qui, plus que personne, avait préconisé l’évolution de Métal Hurlant et de la BD française, se voyait catalogué comme auteur « commercial » avec tout ce que cela avait de connotations péjoratives à l’époque. Pourtant, Jean-marie qui savait son talent incompris en BD, n’avait qu’une ambition : transmettre. Frank Pé, André Geerts, Christian Darasse pour ne citer que les plus connus sont passés par son atelier et ont profité de ses conseils, de son enthousiasme, illustré ses scénarios. Moi j’ai dessiné son projet de Coursensac et Baladin, sans compter Bug 30, quelques histoires complètes et des dizaines de dessins (sur des cartons de bière) pour la rubrique l’Apache qui rit. Je lui dois, comme d’autres jeunes, mon entrée chez Spirou. Qu’il en soit remercié.
Plus tard, chacun a pris son envol. Et l’on dira que la BD l’a un peu oublié. Je garde de lui cet esprit fou et gentil à la fois, rebelle à toutes autorités, et le souvenir d’un hippie qui donnait un sens pictural à ses visions délirantes sur papier. À son enterrement, il y avait une toile faite en hommage au fromage blanc et au yaourt, dont le charme me hante encore. Et comme faire part, son dernier dessin. J’adore. C’est tellement lui. C’était.
J'étais tombé par hasard sur ce texte, qui m'a fait découvrir le bonhomme. Mais peut-être y a t-il eu des articles sur lui, des interviews même ?