Très mignonne, la fille.
Je suis en admiration devant cette planche très dynamique de Gillain, et notamment la roulade de ce Jerry Spring, frère jumeau de l'aviateur Tanguy, lui-même avatar de Jacques Santi.
Même isolée, il faut se garder de lire cette planche en partant de la fin, comme je viens de le faire. Car j'ai failli poster une ânerie, un truc gentiment moqueur sur la façon bizarre qu'avait Jerry Spring de tenir sa carabine braquée sur l'Indien dans la troisième vignette en partant du début. Alors qu'en fait, la lecture normale révèle une solide expérience et un grand talent dans le choix des gestes et des attitudes et la représentation de mouvements complexes, pour une excellente compréhension du lecteur transformé pour le coup en spectateur au cinéma.
En partant de la fin, je n'avais pas remarqué que le marshall de Jijé avait arraché la carabine des mains d'un Indien, puis effectué une périlleuse cascade (sans aucune main pour amortir la roulade). Jijé aurait-il demandé, selon son habitude, à des membres de son entourage d'effectuer les gestes dont il avait besoin pour cette planche ? Se serait-il rendu dans une salle de judo ? C'était bien le genre, selon les témoignages recueillis.
Une bagarre en BD peut très vite se révéler ennuyeuse, soit parce que le dessinateur est maladroit, emprunté avec les séquences dynamiques, soit parce qu'il pèche par l'excès inverse, s'inspirant de l'univers des super-héros ou des mangas. L'an passé, j'avais relevé dans le premier volume d'Undertaker un procédé agaçant de Meyer (dont le style me plaît beaucoup) consistant à flouter l'avant-bras ou le mollet du membre qui frappe et à ne pas dessiner du tout la main ou le pied percutant l'adversaire. On comprend certes, que le cogneur frappe vite mais le rendu au final n'est pas terrible, on dirait un membre amputé en mouvement.
Il faudra que je relise quelques histoires de Jerry Spring, pas pour les récits en eux-mêmes, mais pour m'attarder sur le dessin de Jijé, sur ce qui en faisait sa force.
Au fait, est-ce une coïncidence si la plupart de ceux qui ont eu la chance de faire leurs classes avec Gillain maîtrisaient eux-mêmes la représentation des chevaux, comme Morris, Franquin, Gir, Mézières et Derib entre autres ? Alors que les exemples ne manquent pas, même chez des auteurs de renom (Wilson ou Blanc-Dumont, par ex.) de chevaux disgracieux dessinés avec maladresse.
Ou bien Jijé possédait-il comme aptitude supplémentaire la capacité de transmettre à ses "poulains" une partie de son savoir-faire ?