Fans de Pierre Brochard

Il y a beaucoup d'humour, mais le récit laisse encore une large place à l'aventure. Il me semble que dans les récits plus tardifs, il y a surtout de l'humour.

Suspense terrible à deux planches de la fin....

Pages 29 & 30 (Fin)

Raymond a écrit:Il y a beaucoup d'humour, mais le récit laisse encore une large place à l'aventure. Il me semble que dans les récits plus tardifs, il y a surtout de l'humour.

Tout dépend de ce qu'on appelle "aventure", car Zéphyr, à la différence d'Alex et Eurêka, s'est presque toujours "aventuré" - malgré lui - en-dehors des frontières de l'hexagone : après l'Antarctique, l'Inde et l'Alaska, on le retrouve dans Le grand mur blanc "quelque part en Europe dans un pays dont le nom ne vous apprendrait rien" (mais il est montagneux, on y parle le français et on y rencontre des clochers à bulbe... Même si le village de Castel s/Chantolle n'a jamais existé, ça ressemble bougrement à la Suisse!),



en Australie dans La montagne de l'oubli, en Egypte dans Le prince des sables, aux USA dans Le cavalier noir, en Allemagne dans Rendez-vous à Hirschenberg, à Venise dans La tache de feu, au Mexique dans Opération serpent à plumes, et enfin dans les Caraïbes dans Zéphyr et Pépita.

Ce qui est sûr, c'est que les personnages de Tony et Clara, très sérieux, sinon moralisateurs, perdent progressivement de l'importance (au point d'être absents dans Zéphyr et Pépita) au profit de Zéphyr, dont les extravagances saturent de plus en plus les vignettes et qui, de son propre aveu, déteste l'aventure.

Je note toutefois que le choix de faire mourir le vieux Punck à la fin du récit le place définitivement dans le camp du drame plutôt que de la comédie. Il aurait été tellement plus commode de finir sur un happy end.
Mais surtout Brochard prend le parti d'éluder l'affrontement final, ce qui serait inimaginable dans un récit contemporain, sans doute pour des raisons morales et ne pas exposer la violence de façon complaisante. Pour le même genre de raison, c'est le vieux Punck et non Tony qui se charge de la besogne...

En tout cas, merci Delan de nous avoir montré cette BD introuvable !

Merci beaucoup Delan !

Delan a écrit:Je note toutefois que le choix de faire mourir le vieux Punck à la fin du récit le place définitivement dans le camp du drame plutôt que de la comédie. Il aurait été tellement plus commode de finir sur un happy end.
Mais surtout Brochard prend le parti d'éluder l'affrontement final, ce qui serait inimaginable dans un récit contemporain, sans doute pour des raisons morales et ne pas exposer la violence de façon complaisante. Pour le même genre de raison, c'est le vieux Punck et non Tony qui se charge de la besogne...

Oui, le rôle tenu par le personnage de Punck est très surprenant. Le titre du second épisode, "L'étrange Mr Punck", donne d'abord à penser au lecteur qu'il aura affaire à un personnage ambigu. Tony fait d'ailleurs preuve de circonspection au début de leur relation :



On s'attend par contre à un revirement du "méchant", càd de "L'ours", touché par la Providence (ou la générosité des héros), comme c'était souvent le cas dans la presse catholique, et en particulier chez Zéphyr : Wrams dans Cap au sud, Ludovic dans Le grand mur blanc, Hortz dans La montagne de l'oubli...



Or non seulement les méchants de chacun des épisodes, De Burg et L'ours,  font cause commune, mais ils restent "méchants" jusqu'au bout et ils meurent, la Providence ayant "préféré se servir des bêtes pour faire sa justice", dixit Mister Punck, qui meurt à son tour pour récupérer un trésor, lui que le spectacle de la cupidité des hommes a détourné de l'or à jamais. Trois morts pour un trésor et une "bonne cause" peu morale, car ce trésor pour Antoine est comme avoir gagné au loto, voilà qui est inhabituel : dans une histoire destinée à édifier la jeunesse, non seulement il n'y aurait pas eu de morts, mais le trésor se serait volatilisé comme dans L'ultime razzia...



Il y a d'ailleurs beaucoup d'autres choses surprenantes dans cette curieuse histoire :
- on y apprend que Tony a été résistant pendant la dernière guerre : dans les années 50, c'était plutôt dans Vaillant qu'on trouvait les héros résistants...
- le personnage d'Antoine, pour lequel Tony et Clara prennent fait et cause, apparaît comme faible et timoré, très éloigné du "Aide-toi, le ciel t'aidera" que les paysans de Quimper-Corentin et d'ailleurs ont l'habitude d'adresser aux chartiers embourbés...
- à plusieurs reprises, le besoin d'argent est explicite chez les héros (d'où la surprenante aventure cinématographique de Zéphyr, comme l'a fait remarquer Péronnette), ce qui ne se rencontrait guère en BD à cette époque que chez Les pieds nickelés et les séries de Tillieux (Félix, Gil Jourdan)...
- que le hobereau du village soit une canaille capable d'aller jusqu'au meurtre pour un trésor qui lui échappe ressemble aussi plus à du Simenon qu'à du Fripounet et Marisette...

Bref, il aurait été vraiment dommage de faire l'impasse sur Le ravin aux loups à propos de la série Zéphyr. Merci Delan!

Ce fut la première aventure de la période fastueuse de Zéphyr,après les essais de "Cap au Sud"et Le diamant rose....."et avant ses autres oeuvres fortes:"Le grand mur blanc","La montagne de l'oubli"(surtout),"Le prince des sables" et "L'escale du Balaou".Les autres sont(un peu)plus faibles,sauf "Les orchidées rouges"complètement raté

… Trois semaines plus tard, c’est-à-dire le 11 octobre 1953, commence dans Fripounet et Marisette le 4ème épisode des aventures de Zéphyr, Le grand mur blanc, précédé, nous indique Gilles Ratier dans BdZoom, « de deux strips de liaison annonçant la disparition mystérieuse des héros » : si Péronnette ou Delan les possède, ce serait bien de les publier ici, car sans eux on a du mal à comprendre le début de l’album, qui fait écho à cette « disparition ».
La publication s’étalera jusqu’en juin 1954, sur l’équivalent de 45 planches de 4 bandes, et fera l’objet l’année suivante d’un album « Fleurdor » aux éditions Fleurus. Seules quatre autres aventures de Zéphyr seront par la suite reprises en albums chez Fleurus : La montagne de l’oubli, Le prince des sables, Rendez-vous à Hirschenberg et La tache de feu.

L’histoire commence sur les chapeaux de roues et de la façon la plus invraisemblable qui soit. Nos héros s’embarquent de toute urgence (non sans avoir fait un saut à Paris à la rédaction de Fripounet et Marisette) :



et dans le plus grand secret, dans un avion à réaction téléguidé qui les amène de nuit sur un aéroport de montagne… Le lecteur retombe sur ses pieds au début de la page 6 : Tony, Clara et Zéphyr sont censés être des alpinistes égarés arrivant dans le petit village de Castel s/Chantolle (dans un pays qui ressemble à la Suisse, voir post 479), que la construction d’un barrage en aval de la vallée condamne à l’engloutissement. Leur objectif est de découvrir qui manipule les Castelots dans leur refus de quitter le village, car « ils se laissent aller à des actes qui vont jusqu’au sabotage ! Et cela est indigne de nos braves villageois… »
On reconnaît là l’histoire de Tignes, qui avait défrayé la chronique en 1952, et que MiTacq et Charlier reprendront plus tard (en 1959-60) pour la patrouille des castors dans Le hameau englouti.





Les méchants qui tirent les ficelles sont une bande de contrebandiers qui profitent des grottes de la vallée pour stocker leurs marchandises prohibées : or « la mise en eau du barrage entraînera l’immersion de la vallée et l’inondation des grottes »…
A partir de cet argument très simple, Pierre Brochard mène tambour battant un récit bien mieux structuré que dans les épisodes précédents (Péronnette a raison : Le grand mur blanc marque le début de la période « fastueuse » de la série), sans digressions inutiles, et où Zéphyr, qui n’était jusqu’alors qu’un comparse facétieux, assure vraiment désormais le rôle-titre.

On peut dire aussi que ce qui fera la force et l’originalité de PB, son sens « cinématographique » du découpage et du cadrage, s’affirme de plus en plus au fil des planches. A titre d’exemples, voici la séquence de l’arrivée des héros sur le site de l’histoire et un choix de vignettes muettes (ou presque) que le lecteur n’oubliera pas de sitôt.

Tout cela donne envie de relire les aventures de Zephyr !

Je ne possède pas le Grand Mur Blanc, mais j'ai lu il y a longtemps la Montagne de l'Oubli et je me réjouis de voir ce que tu vas en dire.

Comme tu le sais bien Dantec,je possède TOUT Zéphyr,donc évidemment"Le Grand Mur Blanc",celui-là je l'ai en édition originale Album Fleurdor.....Donc si vous voulez le moindre renseignement je suis là.Aurais-je le courage de tout télécharger?Je ne sais pas,beaucoup de personnes doivent l'avoir,plus par exemple que "le message passe à 21heures"moins bon mais sans doute plus rare car jamais édité

Mes vifs remerciements à tous les intervenants de ce topic qui m'ont fait découvrir un auteur que je ne connaissais pas et dont j'ai pu apprécier le talent grâce aux aventures mises en ligne.

peronnette a écrit:Comme tu le sais bien Dantec,je possède TOUT Zéphyr,donc évidemment"Le Grand Mur Blanc",celui-là je l'ai en édition originale Album Fleurdor.....Donc si vous voulez le moindre renseignement je suis là.Aurais-je le courage de tout télécharger?Je ne sais pas,beaucoup de personnes doivent l'avoir,plus par exemple que "le message passe à 21heures"moins bon mais sans doute plus rare car jamais édité

En ce qui me concerne, je serais très preneur du Message passe à 21 heures, qui effectivement n'est jamais sorti en album, et dont je sais seulement qu'il se passe en Provence - grâce à la vignette de "teasing" dans l'album Fleurdor du Prince des sables :



Mais c'est un gros boulot de scannage et de téléchargement. Tu pourrais peut-être simplement en faire un commentaire après mes posts sur La Montagne de l'oubli et Le prince des sables? Comme on dit (surtout s'agissant de BD!), c'est toi qui vois...

Il est à noter que le numéro 162 de Hop vient de paraître et qu'il contient une rétrospective Pierre Brochard (dont une troisième partie suivra).
Je suis avec plaisir l'analyse en cours, quant à Zéphyr j'ai dû tout scanner.
Si Dantec veut par exemple "Le message passe à 21 heures" il peut m'envoyer un message personnel.
En attendant cela fait un petit bout de temps que je n'ai pas mis des BD en ligne et je vais essayer de m'en rappeler pour mettre les deux strips précédant "Le grand mur blanc"

Bravo et merci Fripon. Ces deux bandes sont vraiment indispensables pour comprendre le début du Grand mur blanc, et il est très étonnant qu’elles n’aient pas été reprises dans l’album Fleurdor.

Je te remercie beaucoup pour Le message passe à 21 heures - peut-être vaudrait-il mieux le télécharger directement sur le forum, comme on l'a fait avec Péronnette pour Le petit homme au chapeau noir dans la discussion "Du côté de François Bel". Je pense que cela intéresserait d'autres lecteurs.

Mais avant ce mystérieux et vespéral message de Provence, il y a d'autres aventures, comme l'annonce cette sorte de cul-de-lampe à la fin de l'album Le grand mur blanc, qui est du pur Zéphyr :

Pourquoi pas ? Mais ce sera chronologiquement après "Le prince des sables"

... Et avant Le cavalier noir - Zéphyr salué par La Liberté, c'est excellent!

« L’album suivant » qu’évoque Zéphyr à la fin du Grand mur blanc, c’est La montagne de l’oubli, qui est paru dans Fripounet et Marisette entre juillet 1954 et mars 1955, sur l’équivalent de 38 planches de 4 bandes.

Je dois avouer que j’ai pour lui les yeux de Chimène, car c’est le premier album de la série que j’ai eu, très jeune, entre les mains – et toute la première partie se passe en Bretagne… Pierre Brochard devait aimer cette région, car on la retrouve chez Alex et Eurêka (voir le bel « épisode Belle-Île » dans Appel à X…Y…Z…, que j’ai évoqué  au post 176, page 7), et son personnage de Saint-Clair est le hobereau sans le sou de « l’humble village breton de Kervelen »… (bien que Kervelen puisse venir du vieux-breton « château couleur de l’or » !) :



L’histoire est construite en deux épisodes, comme Le ravin aux loups.

Le premier, « L’héritage Le Couédic », se déroule en Bretagne, plus précisément au large du Golfe du Morbihan, sur une île qui fait évidemment penser à l’île d’Hoëdic – bien qu’elle s’appelle Enez Anken = l’île de l’angoisse, ce qui est assez loin du vannetais hoedig (houadig) = caneton…

Le second, « Le pays du boomerang », se passe sur une autre île, l’Australie, et plus précisément sur une île de grès appelée « Red mountains » qui, elle, fait évidemment penser à l’inselberg d’Ayers Rock (Uluru).

Comme dans Le ravin aux loups, le premier épisode est consacré à la découverte d’un message (ici sous la forme d’un fil magnétisé caché à l’intérieur d’un chat noir empaillé), et le second à la recherche du trésor révélé par le message – le « trésor » étant ici Gildas, le petit-fils de la vieille Noluen, qui a été enlevé (et séquestré dans une mine d’or du Grand Désert de Sable australien !) afin que sa grand-mère ne dénonce pas l’activité de contrebande qui se mène sur Enez Anken. Ajoutons que les contrebandiers sont, comme par hasard, des comparses de la bande qui sévissait dans Le ravin aux loups – la vraisemblance n’a jamais été le point fort des synopsis de la série…
Un autre point commun avec Le ravin aux loups est l’importance donnée à l’argent – le nerf de la guerre. Ce n’est pas le cinéma hollywoodien fabricant de westerns qui l’apporte ici, mais la presse écrite et la télévision australiennes, friandes des exploits des petits Frenchies qui ont fait le tour de la planète sur un dundée du Morbihan (mais il faut dire qu’il s’appelle Bleimor = loup de mer), bien avant la "longue route" de Moitessier…

La nouveauté par rapport aux titres précédents de la série, c’est que les « méchants » ne sont là que comme prétexte à l’aventure. Les vrais dangers auxquels sont confrontés les héros sont les éléments naturels : une tempête en mer au large de Tanger et la soif dans le Great Sandy Desert.

On peut aussi remarquer la persistance d’une volonté didactique, peut-être inscrite dans le cahier des charges des journaux de la rue de Fleurus à cette lointaine époque d’avant Wikipédia : dans Cap au Sud, on apprenait tout sur le fonctionnement d’un sous-marin et le pack-ice antarctique ; dans Le grand mur blanc, rien ne nous était épargné du fonctionnement d’un barrage; c’est ici l’histoire et la géographie de l’Australie qui nous sont brossées à grands traits.
Mais on apprend bien d’autres choses, notamment que Zéphyr est Zéphyrin Grosbiquet pour l’état-civil (ce que même Tony et Clara ignoraient !) et que ce poulbot de Ménilmuche a une mère normande, un père poitevin, un grand-père franc-comtois, une grand-mère provençale, un oncle auvergnat et une tante du Nord – bref, vraiment tout pour devenir le héros emblématique d’un journal destiné aux « garçons et filles des villages de France »…


On cherchera en vain un sémaphore, même en ruines, sur l’île de Lord Howe…



… mais les images de la Bretagne que nous donne Pierre Brochard dans « L’héritage Le Couédic » sont remarquables de justesse, à commencer par la jeune femme en coiffe à longs rubans (qui pourrait bien être une « queue de langouste » de Morlaix – mais en tout cas pas la borleden de Quimper ou la penn-sardin de Douarnenez !) qui prend l’escalier des grandes lignes à Montparnasse :



La crêpière de Vannes, elle, porte bien la coiffe plate de son pays, « l’aéroplane » …



… Et sur Enez Anken on parle le breton que mon père – qui était de Saint-Avé - entendait quand il était enfant (voir, dans la discussion « Du côté de François Bel », le post 115 page 5) – ce qui n’était vraiment pas à la mode dans les BD des années cinquante :



Cela dénote chez PB (comme nous l’avons déjà vu au post 140, page 6, à propos d’Eurêka) une volonté de camper un univers réaliste autour du personnage de comédie qu’est Zéphyr – pour en accentuer l’effet comique, mais aussi pour « accrocher » ses jeunes lecteurs, afin qu’ils puissent s’immerger dans l’histoire.
Et cela rejoint le don qu’il avait, difficile à expliciter mais bien réel, de « rendre une ambiance », comme nous l’avons aussi déjà vu à propos du Trompettiste du Strasbourg-Paris : ceux qui connaissent la baie de Carnac et les îles du Morbihan, et en particulier Hoëdic, ont certainement eu la sensation quasiment physique « d’y être » en se plongeant dans La montagne de l’oubli.

Belle analyse(comme d'hab) mon bon Dantec,même si le Bleimor(bleiz ar moriou,loup des mers)est un malamock,toi tu appelles ça dundee,bon,c'est pas grave."La montagne de l'oubli est presque unanimement considéré comme le chef d'oeuvre de Brochard,dixit François Feuga dans sa biographie"Zéphyr,héros malgré lui".Il est à noter que Zéphyr est moins malade en mer lors de cet invraisemblable voyage,que pour passer du continent à Oléron dans"l'escale du Balaou"avec mer calme,mais bon,c'est sympa...

Me'lâr'dit, terrib' ils sont, les Douarnenistes, ils voient leurs sardiniers partout! A ma connaissance, on n'a jamais appelé malamok les voiliers de pêche à deux mâts du Morbihan... Le Bleimor d'Yves Le Couëdic me fait plutôt penser au Biche de Groix ou au Bro-Warok de Lorient :



Mais bon, le malamok, c'est aussi le pétrel fulmar, et le Bleimor, pour affronter les tempêtes de l'Atlantique puis rallier Sydney en une seule vignette, a quelque chose de cet oiseau qui est un extraordinaire voilier hauturier...




Le temps pour Clara de s'informer sur la coiffe bigoudène, pour Tony de prendre une photo d'un couple en train de danser un kas-a-barzh et pour Zéphyr de s'enfiler une dernière crêpe (de Quimper, les meilleures!) avec un dernier coup d'cid' (de Fouesnant, le meilleur!), et nous nous retrouvons dans le Quartier Latin, au début de leur 6ème aventure, Le prince des sables.

Je vote des 2 mains pour l'affichage du "message passe à 21h." que je n'ai jamais lu en entier !

... Cela démarre dans Le prince des sables un peu comme dans Le secret de la Licorne. Tout au bonheur de se retrouver enfin chez lui, à Paris, Zéphyr achète chez un bouquiniste un vieux livre de contes et poèmes sur le thème du repos et du calme, en vue de l’offrir à Tony pour tenter de le dissuader de repartir à l’aventure…





Or c’était précisément ce livre que recherchait l’homme à l’ « élégante silhouette » qu’on avait découvert la semaine précédente dans la bande de « teasing » - et ce n’est pas les poèmes sur les bienfaits d’une vie paisible qui l’intéressent, mais, caché dans le cartonnage de la couverture, un manuscrit d’un officier de Bonaparte, ami de Champollion. Il révèle « l’existence du tombeau d’un jeune prince de l’Egypte ancienne qui aurait été inhumé voilà 3500 ans en compagnie d’un trésor funéraire d’une richesse fabuleuse… »

Dès lors peut commencer la course au trésor, qu’il s’agit de découvrir et de ramener avant que le méchant homme à l’élégante silhouette, qui est par ailleurs un excellent artiste transformiste (un précurseur de Lestaque le déguisomaniaque ?), ne mette la main dessus.
Pierre Brochard pimente la course avec deux ingrédients qui lui permettent d’entretenir le suspense : d’une part, les atermoiements de Zéphyr, déchiré entre l’appât du trésor (le sien, puisque c’est lui qui a acheté le livre !) et le refus de s’embarquer dans une nouvelle aventure (Zéphyrin Grosbiquet de Ménilmontant a pas mal de points communs avec Archibald Haddock de Moulinsart) ; d’autre part, la présence à éclipses d’un énigmatique clochard, le père La Fringale, qui s’avérera être un égyptologue tombé dans la mouise (PB toujours fâché avec la vraisemblance !).
Le jeu de piste amène nos héros à Marseille et Alexandrie, puis à remonter le Nil jusqu’aux confins du Congo, en passant par Gizeh, Louxor, Abou Simbel (avant la seconde cataracte et la frontière égypto-soudanaise, et avant le déplacement des temples par l’UNESCO et la mise en eau du fameux barrage d’Assouan, qui interviendront dans les années 60), Khartoum, le Nil blanc et les marécages du Bahr el-ghazal



– en camion de déménagement (sauf erreur, un tracteur Saurer), cargo-stop, 4 CV jaune canari, train, charrette à âne, dromadaire, voiture amphibie, canot pneumatique, vedette à moteur, pirogue…



et enfin hélicoptère de la Croix Rouge (piloté par une femme, car l’Egypte de Nasser n’est plus celle de Ramsès II) …



Malgré ce luxe de véhicules, Le prince des sables tient difficilement la route à côté du chef d’œuvre jacobsien qu’est Le mystère de la grande pyramide, dont la publication avait commencé dans le journal Tintin deux ans plus tôt et qui venait de sortir en albums, mais cela reste pour moi un bon Brochard, très dépaysant, tout à fait digne du magazine « Sciences et voyages » dont j’étais friand dans ma jeunesse, et avec un Zéphyr en pleine forme.

Certes "le prince des sables"est un peu en-dessous de ceux qui sont pour moi les sommets du Zéphyr de Brochard:"le ravin aux loups","la montagne de l'oubli"et"l'escale du Balaou"(ceci n'est que mon avis),au niveau du"grand mur blanc",du"diamant rose de Singaradja" et de "rendez-vous à Hirschenberg",loin devant tous les autres dont"le message passe à 21heures""cap au sud","la tâche de feu","Opération serpent à plumes"voire"la caverne de la licorne"et même"le cavalier noir"irrégulier avec du bon et du moins bon.Ensuite on descend encore plus bas avec"la calanque au requin","Zéphyr et Pepita"(commencement de la fin puisqu'on y a perdu Tony et Clara)et surtout "les orchidées rouges",ratage total tant du point de vue dessins que scénario....Il était temps que Zéphyr tire sa révérence,car Brochard à ce moment se mit à privilégier Alex et Euréka,plus facile car il n'écrivait pas le scénario laissé aux bons soins de Pélaprat-Hempay,qui se multipliait avec ses autres séries:Saint Clair,Perrac la rapière ou Théo Besagne,sans compter Frédéri le gardian qu'il scénarisait pour Robert Rigot

Je vais attendre de découvrir Le message passe à 21 heures avant de donner mon classement personnel (car j'ai bien aimé Le ravin aux loups, malgré quelques grosses faiblesses de scénario, dont j'ignorais tout) - et je vais aussi attendre de finir ma revue des albums, car elle me donne l'occasion de relire chacun avec attention et de faire évoluer mon opinion (favorablement ou non) : peut-être vais-je ainsi mieux apprécier Opération serpent à plumes, que j'ai toujours trouvé raté, et, au contraire, revoir à la baisse Zéphyr et Pépita, que je place plutôt dans les bons.
En tout cas, je mets avec toi La montagne de l'oubli et L'escale du Balaou sur le haut du panier!