Tarmac a écrit: C'était Pompée l'impérator, le Magnus. Effectivement, Pompée de par sa gloire acquise sur les théâtre d'opérations extérieures en Orient n'avait pas besoin d'imiter Jules César, c'était plutôt l'inverse.
Merci Tarmac.
Je ne pense pas révéler un grand secret en disant ici que les événements racontés dans l’album anticipent
en négatif ce qui, dans les faits, va réellement arriver quelques semaines plus tard mais en sens inverse. Comme je l’ai dit dans un précédent post, c’est une stratégie bien connue du roman historique.
Raymond a écrit: Au départ, Alix et César sont en route vers l'Italie avec une légion. Ils ont passé les Alpes et César hésite encore à franchir le Rubicon. Nous sommes donc quelques mois avant janvier -49 (on verra ce qu'en pense Jacky-Charles).
De toute évidence nous sommes en décembre -50.
César franchira le Rubicon dans la nuit des 11-12 janvier -49 (calendrier préjulien). Voilà ce qu’en pense Ajax !
Raymond a écrit: Ce dernier doit se rendre à Rome pour rencontrer Cicéron, mais le traître Labénius va lui tendre un piège.
Ah, voilà une très bonne chose dans ce scénar :
Cicéron !!! Sacré velléitaire, ce citoyen-là ! Je crois bien que c’est la première fois qu’il apparaît dans « Alix »… On voit rarement Cicéron dans les BD : c’était un opportuniste infatué de lui-même, et la manière dont il a jugulé le « coup d’Etat » de Catilina en -63 pose bien des questions; notamment du fait de l’exécution sommaire et sans jugement de témoins gênants.
Mais quelle sacrée bonne plume ! Il s’est racheté par sa littérature qui nous apporte une incroyable somme d’informations sur les événements de son temps. Reste à se demander où se niche l’objectivité dans tout ça.
Tout comme Pompée, Cicéron était un « homme nouveau », et le Sénat – qui se méfiait d’eux – chercha à les instrumentaliser.
J’ai bien ri en voyant p.12 sa fille, Tullia, se fiancer avec M. Petreius pendant les Saturnales de -50 (16-18 décembre). À cette époque, ledit Petreius devait déguster des sardiñas en Lusitanie [Portugal], légat du proconsul Pompée qui, lui, préférait rester à Rome. Mais comme nous sommes dans une fiction, rien n’interdit de penser qu’il était revenu à Rome pour y fêter Noël !
Plus embêtant, c’est qu’à ce moment-là la main de Tullia n’était plus à prendre ! Celle-ci avait épousé P. Cornelius Dolabella cinq mois auparavant (juillet -50), dont elle accouchera d’un fils prématuré le 17 mai -49. Le couple divorcera en 46.
Rappelons que le gendre de Cicéron, Dolabella, était un partisan de César aux côtés de qui il combattra les Pompéiens à Pharsale (48), à Thapsus (46) [=> PAR DELA LE STYX] et à Munda (45) [=> L’IBÈRE p.43]. Même si ces BD ne l’y mentionnent pas.
UCHRONIE ? Raymond a écrit: On a dit que cette histoire faisait suite aux Légions perdues, et c'est chronologiquement inexact, mais il est vrai qu'elle permet le retour de Garofula.
De fait…
Les légions perdues font expressément référence au siège d’Avaricum qui eut lieu en avril 52. Et il avait été précédé par l’épisode de César et ses renforts traversant les Cévennes enneigées (hiver 53-52), qui inspirera à Martin la traversée des Alpes par l’armée du général Horatius.
LABIENUS Raymond a écrit: Dans un bon péplum, il faut quelques personnages historiques pour donner l'illusion de la réalité. Cette histoire respecte la règle et nous propose non seulement Jules César, Pompée et son fils Sextus Pompée, ainsi que Labénius, mais aussi le célèbre Cicéron et sa fille Tullia. Celle-ci entame bien sûr une relation amoureuse avec Alix.
Je ne saurais contredire ceci, frappé au coin du bon sens scénaristique :
« Il faut quelques personnages historiques pour donner l'illusion
de la réalité. »En ce qui concerne T. Labienus, il a pris fait et cause contre César seulement le 2 mars 49. Mais rien n’interdit de penser que dès décembre 50 il songeait à lâcher César. Je l’ai déjà dit ailleurs sur ce forum : originaire du Picenum tout comme Pompée, Labienus était un client de ce dernier ! Il a suivi César en Gaule parce que son patron Pompée était à ce moment allié à César. Tout change lorsque les deux triumvirs s’opposent. Labienus ne pouvait choisir que son camp. Les
groupies d’Alix doivent se représenter que dans l’antiquité romaine on ne fait pas n’importe quoi. Les allégeances et le clientélisme priment sur le reste…
BIBULUSPour ceux que cela intéresserait, l’amiral Bibulus [Marcus Calpurnius Bibulus], dont question pp.29-30 fut co-consul de César en -59. En parfait désaccord avec celui-ci, il préféra s’enfermer chez lui plutôt que l’exercer son mandat.
Si bien que les Romains goguenards parlaient de 59 comme du consulat de Jules & César, au lieu de César & Bibulus comme le veut la règle.
NAUMACHIE Raymond a écrit: Les Jeux du Cirque sont indissociables de la vie romaine, et cet album n'y fait pas défaut. Les auteurs nous proposent de plus une originale séquence de naumachie. Ce combat, rarement reconstitué dans les péplums, va permettre à Alix de se faire de précieux alliés.
Effectivement, Raymond, les naumachies sont rares tant au cinéma qu’en BD. Concrètement on ne sait pas grand-chose de fiable sur ces naumachies et le (les) site(s) qui les accueillirent à Rome. La question a été traitée dans Wikipédia ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Naumachie ), ce qui me dispense de m’y arrêter. Dans
ROMA AETERNA/3 : Tuer César de Chaillet et consorts, Annabel a dessiné
la naumachie de Jules César, laquelle semble s’être déroulée au Champ-de-Mars en -46, pendant son quadruple triomphe. Elle était dédiée à la mémoire de sa fille Julia, épouse de Pompée, décédée quelques années plus tôt. Un bassin avait été creusé pour la circonstance, qui fut ensuite détruit. (C’était l’usage à l’époque,
idem pour les amphithéâtres de bois au
Forum Boarium, où s’affrontaient les gladiateurs. L’emplacement exact est sujet à controverses. Annabel suggère un décor modeste et vraisemblable.
Au contraire Marco Venanzi, p.18, reconstitue la même naumachie dans un ensemble monumental lorgnant vers celle qui inaugura le Colisée sous Titus (+80) (Cf. Gilles Chaillet,
Les Voyages d’Alix – Rome/1, pp. 40-41 : la reconstitution de Chaillet laisse deviner le problème des dimensions de la
cavea inondable, devant accueillir des navires longs de quelque 40 m). La naumachie inaugurale du Colisée fut probablement la seule et unique qui y fut donnée.
D’une manière générale, les naumachies se déroulent sur des plans d’eau disponibles, comme celle de Claude sur le lac Fucin (que l’on assécha ensuite). C’est à cette occasion que fut prononcé un certain
« Have Imperator, morituri te salutant », one shot qui connut la bonne fortune que l’on sait !
Comme le scénario du TRESOR DE SATURNE inverse systématiquement les situations historiques, c’est à Pompée et – surtout – à son fils Sextus qu’est attribué le mérite de ces jeux nautiques que César, en réalité, offrira trois ans plus tard donc. À décharge du scénariste, disons seulement qu’en -40 Sextus Pompée eut lui aussi l’occasion d’offrir une naumachie, mais pas à Rome ! Elle eut lieu dans le détroit de Sicile pour célébrer sa victoire sur Q. Salvidienus Rufus, l’amiral d’Octave, et les protagonistes s’affrontèrent sur… des radeaux de bois ou de peau (DION CASSIUS, XLVIII, 19).
Par parenthèse : après la mort de son frère aîné Cn. Pompeius (tué à Munda, avril 45 – tout comme Labienus), Sextus Pompeius avait pris de maquis. En l'occurrence, il s'opposa au second triumvirat formé par Octave-Lépide-Antoine, comme chef d'escadres pirates basées en Sardaigne-Corse-Sicile, affamant Rome en interceptant son ravitaillement en blé (41). Il prend alors le titre de « Fils de Neptune ». Il sera finalement vaincu par Octave à la bataille de Nauloque (36). Ayant fui en Orient, il sera assassiné l'année suivante à Milet, sur l'ordre de Marc Antoine.
En -2, Auguste construisit aussi une naumachie au pied du Janicule, de l’autre côté du Tibre
(Trans Tiberim )).
PEPLUMSQuelques péplums italiens se sont offerts de modestes naumachies. Dans LES DERNIERS JOURS D’HERCULANUM (1962), Gianfranco Parolini fait embraquer sur deux radeaux deux dizaines de gladiateurs. Un cercle de naphte enflammée et quelques crocodiles rehaussent de leur présence cette modeste empoignade (minutes 67-71). Accourant à la rescousse de Lawrence Weber (pseudo) pour LES ORGIES DE CALIGULA (1983), Parolini en reprendra quelques images.
Un peu plus classes, Irving Rapper et Giampaolo Callegari montreront Ponce Pilate [Jean Marais !] célébrant à Césarée l’anniversaire de son beau-père, l’empereur Tibère, en faisant s’affronter trois mini-galères à 20 rameurs – une jaune, une verte et une rouge – s’éperonnant mutuellement. Le jeu consistant pour les naufragés à ensuite échapper aux crocodiles (toujours eux !) (PONCE PILATE, 1961) (minutes 22-25).
Dans son SPARTACUS (1953), Riccardo Freda inonde les arènes de Vérone autour du décor d’une unique galère (avec ses voiles et tout !). Ludmilla Tcherina y danse les amours de la Néréïde Balkis et d’un beau marin. Puis des lions sont lâchés qui dévorent les « rameurs », jusqu’à ce que Spartacus et ses amis réussissent à voler au secours de la belle. Les lions, ça nous changera des crocos !
Raymond a écrit: Au total, cela donne une aventure qui ne se lit pas trop rapidement (je préfère), qui ne se permet pas trop de fantaisie avec l'Histoire Romaine (c'est indispensable), …
Là j’ai des réserves à émettre ! Comme je l’ai dit plus haut, l’histoire romaine est ici totalement malmenée (Tullia, le braquage du Trésor Public) et c’est à Alix qu’il appartiendra d’en rétablir le cours. L’Alix venanzien redevient un héros agissant – comme dans les premiers opus de la saga – ; il rompt avec le personnage de témoin passif qu’il était devenu ces dernières décennies.
Le Rubicon franchi, ce n’est qu’après avoir pris Rome désertée par Pompée et les optimates que César a braqué le Trésor de Saturne. Tel un vulgaire gangster, mettant la pointe de son glaive sur la gorge du tribun de la plèbe L. Metellus en lui disant « Casses-toi ou je t’égorge, et crois-moi jeune homme, ce sera plus facile à faire qu’à dire » (APPIEN, Guerre civile) (*).
Tarmac a écrit: Par ailleurs, je trouve que le Pompée de Marco ressemble à celui de la série TV "Rome".
Ah bon ? Tu trouves ? Vois ici Kenneth Cranham http://www.peplums.info/pep39k.htm#21
Marco Venanzi me semble avoir dessiné pp. 18, 20, 23 etc. un Pompée parfaitement crédible, avec cet espèce d’épi couronnant son crâne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pomp%C3%A9e
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(*) Cité par J. CARCOPINO, Jules César (1935), P.U.F., 1990, 6e éd., p. 381.