Ayant vécu dans la région, je ne pouvais pas manquer cette adaptation du chef d’œuvre de Charles Exbrayat
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Les deux premiers tomes de la trilogie se ressemblent et diffèrent en même temps.
Le premier nous campe un Jules volontaire et équilibré, à mille lieues de l'ancien combattant traumatisé du second opus.
La triade commence avant la Grande guerre par des scènes de la vie rurale. Aussi, l'ouvrage nous conte une vie rude, fort éloignée des fanfreluches et des paillettes de la Belle époque. Puis vient le conflit avec le départ des hommes vers le front. Les lettres que les soldats envoient, ou pas, à leurs familles rythment la narration. Et il en est de même avec les courriers officiels de l'administration informant le maire du décès de tel ou tel habitant du village. Exbrayat s'attarde sur chaque cas pour mieux montrer la surprise dévastatrice de ces missives. Sur le fond, l'auteur consacre l'essentiel de son propos à "ceux qui restent", même si les vignettes sur les tranchées ont fière allure. La Haute Loire, superbement dessinée, sonne juste et j'ai retrouvé les paysages et fermes de mon enfance.
Le deuxième volet de l'adaptation aborde le retour au domicile des soldats. Leur réadaptation à la vie civile apparaît très difficile avec des souvenirs envahissants, source d'un mal être profond et contagieux. Ainsi, la naissance d'un enfant mort-né traduit dans les faits cette impossibilité à reprendre une vie normale.
Des dialogues magnifiques, où chaque mot compte et est prononcé posément, délivre une subtile musique, un ode funèbre mais aussi un chant campagnard.
Les couleurs à la fois douces et fortes se marient parfaitement avec la narration et restituent les éclairages et les tonalités altiligériennes.
Et comme Raymond, ce sera bien évidemment un
EEEE, même si je regrette la sur-focalisation sur le drame et le côté misérabiliste car la majorité des anciens combattants ont pu reprendre une certaine forme de vie.
Eléanore