J'avais déjà évoqué cet album sur l'ancien forum. Je remets ici ma chronique.
J'ai lu à mon tour ce livre, et c'est une excellente surprise.Tout d'abord, il faut remercier l'éditeur qui publie enfin ces dessins à leur juste format. Je les avais vu dans la monographie Avec Alix, mais je me rend compte que la petite taille des vignettes ne permettait pas de les apprécier à leur juste valeur.
Graphiquement, c'est le travail d'un dessinateur qui n'est pas encore professionnel. Il y a un aspect naïf, voir même "art brut" dans ces dessins, mais cela s'accorde à merveille avec le projet de Jacques Martin. Il n'y a pas de mise en scène, mais simplement une transcription immédiate de la chose vue. La simplicité et le sérieux des images correspondent à merveille avec la gravité du sujet. Derrière la représentation de ces moments de vie, on découvre déjà le sens théatral, mais aussi la fermeté du trait et la recherche de rigueur qui caractérisera par la suite les albums de Jacques Martin.
L'interview de Jacques Martin est tout aussi intéressant. Il avait déjà raconté cette époque de sa vie dans Avec Alix, mais il restait quelques imprécisions. J'ai apprécié les questions directes de Patrick Weber, par exemple sur le STO, et je crois que les réponses de Jacques Martin apportent une clarification définitive. Il apparait ainsi que ces Carnets de Guerre constituaient un véritable acte de résistance. Si ils avaient été découvert par les allemands (au moment où ils ont été dessinés), cela aurait entraîné pour leur auteur une punition sévère (du genre camp de concentration).
Le texte de Julie Maeck apporte au livre un regard plus général sur le STO et l'attitude des français pendant la 2ème guerre mondiale. Elle adopte un ton très neutre sur Jacques Martin mais elle souligne l'intérêt historique de ces Carnets. En fait, ce million de travailleurs français qui a été déporté en Allemagne, entre 1942 et 1945, a toujours embarrassé les historiens, et on ne s'est jamais intéressé à ce qu'ils avaient vécu. Des esprits manichéens voudraient que l'on simplifie ce sujet, en les considérant soit comme des colaborateurs, soit commes des victimes, mais la réalité est manifestement plus complexe. Je me rappelle de certaines controverses des années 70, lorsqu'on se rappelait que Georges Marchais, premier secrétaire du parti communiste, avait passé la guerre en Allemagne à cause du STO. Il y avait déjé cette incapacité à voir les choses comme elles étaient, et cette tentation de sataniser (ou de béatifier) les personnes qui avaient dû partir en Allemagne. Par rapport à tout cela, ces Carnets de Guerre apportent un regard juste, libéré de certaines passions, en cherchant d'abord à restituer la vérité quotidienne de ces travailleurs exilés (le plus souvent contre leur gré).
L'expérience de Jacques Martin aux "Chantiers de la Jeunesse", cette espèce de "service civil" organisé par le gouvernement de Pétain en remplacement du service militaire, est également racontée sur une page. Ce chapitre représente lui aussi une clarification utile sur ce qu'a fait le jeune Jacques Martin pendant cette période troublée. Détail intéressant, il a produit à cette époque sa première BD, intitulée "les aventures du jeune Toddy". Est-ce que quelqu'un la connait ? Il devrait en tout cas être possible de la retrouver puisque cela a été publié dans cette revue vichyste (Je Maintiendray) dont il doit rester quelques archives
Voilà ! Ce billet est assez long et je m'arrête à ce stade. Il s'agit en tout cas d'un livre passionnant, qui pourrait d'ailleurs réveiller bien des discusions (les passions politiques au sujet de la France de Vichy ne se sont pas encore éteintes). J'espère que cela ne sera pas le cas, car cela ne rendrait pas justice à ces Carnets qui apportent un regard équilibré, parfois accusateur, parfois simplement journalistique, sur le sort des français dans cette Allemagne en guerre.
J'ai lu à mon tour ce livre, et c'est une excellente surprise.Tout d'abord, il faut remercier l'éditeur qui publie enfin ces dessins à leur juste format. Je les avais vu dans la monographie Avec Alix, mais je me rend compte que la petite taille des vignettes ne permettait pas de les apprécier à leur juste valeur.
Graphiquement, c'est le travail d'un dessinateur qui n'est pas encore professionnel. Il y a un aspect naïf, voir même "art brut" dans ces dessins, mais cela s'accorde à merveille avec le projet de Jacques Martin. Il n'y a pas de mise en scène, mais simplement une transcription immédiate de la chose vue. La simplicité et le sérieux des images correspondent à merveille avec la gravité du sujet. Derrière la représentation de ces moments de vie, on découvre déjà le sens théatral, mais aussi la fermeté du trait et la recherche de rigueur qui caractérisera par la suite les albums de Jacques Martin.
L'interview de Jacques Martin est tout aussi intéressant. Il avait déjà raconté cette époque de sa vie dans Avec Alix, mais il restait quelques imprécisions. J'ai apprécié les questions directes de Patrick Weber, par exemple sur le STO, et je crois que les réponses de Jacques Martin apportent une clarification définitive. Il apparait ainsi que ces Carnets de Guerre constituaient un véritable acte de résistance. Si ils avaient été découvert par les allemands (au moment où ils ont été dessinés), cela aurait entraîné pour leur auteur une punition sévère (du genre camp de concentration).
Le texte de Julie Maeck apporte au livre un regard plus général sur le STO et l'attitude des français pendant la 2ème guerre mondiale. Elle adopte un ton très neutre sur Jacques Martin mais elle souligne l'intérêt historique de ces Carnets. En fait, ce million de travailleurs français qui a été déporté en Allemagne, entre 1942 et 1945, a toujours embarrassé les historiens, et on ne s'est jamais intéressé à ce qu'ils avaient vécu. Des esprits manichéens voudraient que l'on simplifie ce sujet, en les considérant soit comme des colaborateurs, soit commes des victimes, mais la réalité est manifestement plus complexe. Je me rappelle de certaines controverses des années 70, lorsqu'on se rappelait que Georges Marchais, premier secrétaire du parti communiste, avait passé la guerre en Allemagne à cause du STO. Il y avait déjé cette incapacité à voir les choses comme elles étaient, et cette tentation de sataniser (ou de béatifier) les personnes qui avaient dû partir en Allemagne. Par rapport à tout cela, ces Carnets de Guerre apportent un regard juste, libéré de certaines passions, en cherchant d'abord à restituer la vérité quotidienne de ces travailleurs exilés (le plus souvent contre leur gré).
L'expérience de Jacques Martin aux "Chantiers de la Jeunesse", cette espèce de "service civil" organisé par le gouvernement de Pétain en remplacement du service militaire, est également racontée sur une page. Ce chapitre représente lui aussi une clarification utile sur ce qu'a fait le jeune Jacques Martin pendant cette période troublée. Détail intéressant, il a produit à cette époque sa première BD, intitulée "les aventures du jeune Toddy". Est-ce que quelqu'un la connait ? Il devrait en tout cas être possible de la retrouver puisque cela a été publié dans cette revue vichyste (Je Maintiendray) dont il doit rester quelques archives
Voilà ! Ce billet est assez long et je m'arrête à ce stade. Il s'agit en tout cas d'un livre passionnant, qui pourrait d'ailleurs réveiller bien des discusions (les passions politiques au sujet de la France de Vichy ne se sont pas encore éteintes). J'espère que cela ne sera pas le cas, car cela ne rendrait pas justice à ces Carnets qui apportent un regard équilibré, parfois accusateur, parfois simplement journalistique, sur le sort des français dans cette Allemagne en guerre.