J'ai passé une belle soirée hier à Yverdon, en assistant au vernissage de l'exposition
Mondes imparfaits. C'est le nom de la toute dernière scénographie de Benoit Peeters et François Schuiten, que l'on peut visiter dans la "Maison d'Ailleurs".
J'y ai retrouvé un petit groupe "d'obscurophiles endurcis" qui étaient emmenés par Théo, le spécialiste des spécialistes de Schuiten, qui vient de temps en temps sur notre forum. Avec lui, la visite de cette exposition est devenue une véritable leçon de maîtrise sur la connaissance des images et objets apparentés aux Cités obscures. Je me suis bien sûr régalé.
Mais quel était donc le sens du titre de cette expo. Eh bien, il faut simplement se souvenir de ce qu'étaient au départ les Cités Obscures : un monde utopique ! Toute utopie (qui est en principe un système parfait) peut cependant avoir ses travers, qui ne se révèlent que lorsque les humains passent aux applications concrètes. C'est ainsi que plusieurs grandes catastrophes du XXème siècle (le Goulag, les grandes famines dans la Chine de Mao) furent le résultat de ce qui était au départ des utopies politiques. Quelqu'un inventa alors le terme de "dystopie", désignant un principe opposé à l'utopie, Cette notion de dystopie se fondait sur le vécu des hommes subissant les défauts d'un système social ou politique. De célèbres œuvres littéraires (le "Meilleur des Mondes" d'Aldous Huxley ou "1984" de Georges Orwell) ou des films (comme "Brazil") ont imaginé les horreurs d'un système social fondé sur des théories plutôt que sur la réalité, et ce sont de belles dystopies. Les Cités obscures elles-mêmes en fait relèvent de cette logique, même si les auteurs y ajoutent volontiers quelques événements fantastiques ou absurdes.
Mondes imparfaits nous montrait donc un véritable panorama de ces dystopies littéraires, cinématographiques ou bédéphiles, tout en mettant en vedette les Cités obscures qui y insinuaient leur charme particulier, à savoir ce mélange d'humour, de science, de beauté picturale, d'architecture et de vieilles rêveries.
Pour les collectionneurs comme Théo, c'était aussi l'occasion de retrouver quelques pièces rarissimes créées par Schuiten. Il y avait par exemple la fameuse statue en résine intitulée "l'Enfant de Phoebus", que je voyais pour la deuxième fois de ma vie.
Je retrouvais bien sûr beaucoup d'images connues, provenant de vieilles lithographies, affiches ou illustrations de toute sortes, mais il y avait parfois des dessins peu connus et ... je me demandais si je les avais déjà vus.
La Découverte inattendue, célèbre scène du Musée des Ombres, faisait sa réapparition sous la forme d'une image lumineuse, qui permettait à merveille de montrer le passage de l'ombre nocturne à une luminosité solaire. C'était de belles retrouvailles !
L'organisation un peu labyrinthique de la Maison d'Ailleurs permettait aussi de beaux effets de mise en scène, et les images de Schuiten apparaissaient parfois entourée d'un curieux système mécanique. Mais on sait maintenant que le dessinateur est aussi un passionné de vieilles machines.
il y avait enfin de nombreuses images de vieilles scénographies, souvent reconnaissables mais pas toujours identifiables, car elles apparaissaient dans un nouveau contexte.
Il est bien sûr impossible de tout montrer, car cette exposition était très riche. Une bonne moitié des images provenait de la collection de la Maison d'Ailleurs et leur incroyable variété se mariait à merveille avec la fantaisie du monde graphique de Schuiten.
Il y eut ensuite la partie officielle, avec des discours de tous les organisateurs de cette expo. Schuiten et Peeters se soumirent volontiers à l'exercice, avec comme d'habitude beaucoup d'humour.
Le nouveau catalogue des
Mondes imparfaits venait de sortir, et il y eut bien sûr une séance de dédicaces. J'étais un peu réticent à faire la queue mais Théo insista pour que je reste avec lui. J'avais mon album, et la récompense vint heureusement assez vite.
François Schuiten utilisait une technique spéciale, qui lui permettait de dédicacer rapidement. Il faisait imprimer un tampon sur les pages de garde du catalogue, qu'il rehaussait ensuite au feutre blanc. Le résultat était assez joli.
Et c'est ainsi que j'ai assisté à un nouvel événement dédié aux Cités obscures ! Cela va être un beau souvenir !
La passion ne s'est toujours pas éteinte.
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