Je ne sais pas si les textes dans cet album sont justes, ne l'ayant pas lu, mais il faut signaler qu'il existe toute une littérature (livres et articles) sur la disparition d'Albert Londres et sur l'accident du paquebot
Georges Philippar à bord duquel le célèbre journaliste est mort. Y compris une littérature parlant du complot dont il aurait été victime. Du coup, à quoi sert une BD pour re-raconter la fin du journaliste - avec, apparemment, beaucoup moins d'informations que dans ces livres et les articles de fond existants...? En faire un résumé ? Certes... Mais le travail d'auteurs de BD n'est-il pas de faire de la création ? D'inventer des histoires ? (je ne suis pas le seul à le dire ; le grand scénariste Jean Van Hamme le dit aussi dans ses interviewes).
Est-ce que l'album parle d'une étrange affaire dans l'affaire ? Voici de quoi il s'agit : au départ d'Indochine, sur le chemin du retour du
Georges Philippar transportant Londres, le paquebot a failli embarquer les véhicules à chenilles de la fameuse "Croisière Jaune" de Citroën, qui retournait aussi en France après son long périple en Asie. Le paquebot devait aussi embarquer le cercueil de Haardt, le chef de l'expédition, mort à l'arrivée en Chine. Or, des menaces diffuses traînaient contre le paquebot. Du coup, les responsables de la Croisière Jaune ont préféré embarquer dans un autre paquebot, le
Félix Roussel. Ils ont ainsi échappé au drame qui allait survenir une quinzaine de jours plus tard...
On pourrait imaginer que le "plus" avec la BD est de montrer plein d'images. Si celles-ci étaient justes elles aussi, pourquoi pas. Mais sur le site de Glénat, on voit les premières planches. Je suis déjà surpris par deux images qui démontrent une approximation gênante dans les dessins, qui n'augurent pas bien de la suite :
- dans une planche, Londres embarque à Marseille sur un autre paquebot qui va le mener en Chine, l'
Athos II. Quand il met le pied sur le pont, Londres, une célébrité, est accueilli et salué par le commandant du paquebot et par deux matelots. Or, ce commandant n'a rien d'un commandant ! On repère tout de suite un commandant de la marine marchande à ses quatre "sardines" dorées qui font le tour du bas de ses manches. La ganse autour de la casquette devrait être dorée également. Là, rien, le type est un simple clampin. Je crois voir aussi des rayures verticales sur la veste, or, une veste marine comme ça est bleue marine unie. On voit ce "commandant" dans deux images, et dans la première, il manque des boutons à sa veste - des gros boutons difficiles à ne pas voir, normalement.... En outre, le dessinateur ne semble pas savoir qu'une veste d'homme se boutonne avec le rabat gauche par-dessus le rabat droit, et pas l'inverse.
- les deux matelots sont des marins militaires, avec un pompon rouge sur le béret blanc (on appelle ce béret un "bachi", dans la marine). Que font-ils là, sur un paquebot marchand, à l'accueil des passagers ??? On les voit à la planche suivante en train de porter les valises de Londres. Ce travail est celui des grooms ou des garçons de cabines, qui ont une toute autre tenue que celle de marins militaires...
- dans cette même planche suivante, on voit l'appareillage dudit paquebot, l'
Athos II. J'ai peine à reconnaître l'
Athos II, pourtant un prestigieux et grand paquebot français de la compagnie des Messageries maritimes. Sa coque et ses cheminées devraient être noires. Le navire est ramassé et dessiné comme un jouet grossier. Sur la coque noire, il manque deux rangs horizontaux de hublots (pour des passagers). Il manque plein de mâts à l'avant (entre la passerelle et l'avant du navire). La passerelle ne ressemble à rien, ni dans la forme ni dans le nombre de sabords. L'ancre rentrée dans son écubier à l'avant est remplacée par deux étranges ronds. Les embarcations de sauvetage sont réduites (en nombre et en forme) à presque rien. Surtout, des plans inclinés ont été ajoutés, l'un à l'avant et l'autre à l'arrière. Je joins le dessin où j'ai mis des flèches rouges pour désigner ces plans inclinés :
Ces plans inclinés sont des radeaux de sauvetage supplémentaires, qui ont été ajoutés pendant la Seconde guerre mondiale, et qui n'étaient donc pas présents sur le paquebot en 1931 ! Ces radeaux sont pleins, or, le coloriste a cru que ce sont des échelles (car dessinés comme des échelles), et il a colorié ces "échelles" avec un fond de ciel bleu, qu'on apercevrait entre les barreaux...!
Au bout de la flèche bleue que j'ai ajoutée également sur le dessin, je désigne des hublots qui sont en petit nombre, alors qu'il faut bien davantage de hublots à cet endroit (26 exactement) car la coque à cet endroit est bien plus longue que ça ; pour dire que le dessin, très ramassé, rétrécit la longueur du navire.
Bref. Si le
Georges Philippar, navire très important dans la BD, de la même compagnie que l'
Athos II (et que le
Félix Roussel, d'ailleurs, que j'ai cité plus haut), est aussi sérieusement représenté, hum hum...