Nombre de messages : 2050 Date d'inscription : 22/09/2009
eleanore-clo a écrit:Bonjour
Raymond a écrit:J'avais beaucoup aimé Come Prima à l'époque, et j'avais trouvé que le Fauve d'Or en 2014 était largement mérité.
J'ai donc lu Come Prima . Un beau livre que je suis heureuse d'avoir découvert ! Merci
Et au final, il me semble que Senso et le Fauve d'or présentent beaucoup de points communs : - les lieux puisqu'Alfred nous emmène à chaque fois en Italie - la rédemption du héros. Tant Germano que Fabio (le boxeur) retrouvent une insertion sociale, morale et familiale - un rédempteur plus que motivé... Elena d'un côté, Giovanni (le frère) de l'autre - l'intrusion du fantastique dans l'ordinaire. Le parc de la Villa et le chien abandonné recèlent bien des secrets et portent une magie régénératrice - les scénettes découpant l'intrigue principale. Les amants de la chambre 104 sont le pendant des ami(e)s de jeunesse de Fabio et Giovanni - la force du passé. Tant Germano que Fabio sont confrontés à leurs erreurs passées
L'inscription deCome Prima dans l'histoire italienne et dans la montée du fascisme confère à la BD une dimension politique et dramatique que n'a pas Senso, plus léger. La famille est aussi à l'honneur dans le Fauve d'or alors que la dernière parution relève plus de la comédie de mœurs.
Qu'en pensent les membres du forum ayant lu les deux BD ?
Eléanore
Je pense qu'Alfred (qui a vécu en italie) met beaucoup de lui-même dans ses récits, ce qui peut peut-être expliquer pourquoi certaines séquences qui pourraient parfois nous paraître "non nécessaires", comme tu le disais plus haut, le sont sans doute pour lui, et pourquoi du coup chacun est libre de les interpréter selon son propre sentiment, son propre vécu... ??? Après la lecture de Come prima, trouves-tu toujours que les livres d'Alfred sont plutôt destinés à un lectorat "masculin" ? J'ai toujours trouvé pour ma part qu'il y avait au contraire une sensibilité "féminine" dans ses récits, et même dans son dessin... (Si cela a un sens de faire cette distinction masculin/féminin...)
Nombre de messages : 38492 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
En relisant l'interview qu''Alfred avait donné à Tonnerre de Bulles en 2015, je réalise que la parenté entre "Senso" et Come Prima" va encore plus loin. Ils ont tous deux été rédigés avec beaucoup de lenteur, sans que l'auteur sache vraiment vers quoi il allait, et ce travail a duré plusieurs années.
A cette époque, Alfred venait de publier "Come Prima" et il commençait à travailler sur "Senso". Voilà ce qu'il en disait :
"En piochant dans tous mes carnets (…), j'ai mis en forme la colonne vertébrale d'un prochain livre que je réaliserai en solo. Un livre "cousin" de Come Prima, dans son ton, sa forme et sa pagination … Pour le coup, je ne sais pas encore combien de temps il me faudra pour en venir à bout."
Alfred a donc mis 4 à 5 ans pour faire "Senso".
Ceci dit, je te recommande aussi delirePourquoi j'ai tué Pierre, eleanore-clo.
Nombre de messages : 2050 Date d'inscription : 22/09/2009
Je sais, je retarde mais, motivé par la parution prochaine du nouvel album de Blake et Mortimer, jeviens enfin delire d'une traite "Rampokan", de Van Dongen, réédité chez Aire Libre en 2018, enfin plutôt la version monochrome en deux tomes ("Java" et "Célèbes") de chez Vertige graphic qui attendait patiemment dans ma bibliothèque depuis des années ! L'histoire avec ses très nombreux personnages est assez touffue ce qui explique pourquoi le tome 1 m'était tombé des mains plusieurs fois jusqu'à présent, mais il faut reconnaître que la reconstitution de l'Indonésie en cette période de décolonisation est splendide. Elle s'inspire en partie des souvenirs de la mère de l'auteur. 20 ans avant la reprise de Blake et Mortimer Van Dongen maîtrisait déjà à la perfection cette ligne claire qui n'est pas juste un effet de style mais apporte à mon avis ici un côté rétro et nostalgique à ce tragique récit engrenée dans la grande Histoire... A lire cul-sec (mais je pense qu'évidemment, la plupart d'entre vous, passionnés par la ligne claire et la bande dessinée historique l'ont déjà lu depuis belle lurette...)
Nombre de messages : 38492 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Pour ma part, je l'avais lu "en deux fois" car il s'était passé plusieurs longues années avant que le deuxième tome (intitulé "Célèbes") ne paraisse à son tour. J'avais alors eu un peu de peine à m'immerger de nouveau dans cette histoire.
Je pense en effet que l'on profite mieux de cette œuvre en la lisant d'un trait.
Nombre de messages : 2306 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonsoir
En repensant à la scène grotesque du lac où Elena racole outrageusement Germano, je pense qu'on peut y voir une deuxième signification, plus plausible, plus élégante, plus fine... Le parc est devenu un jardin d'Éden, et bien évidemment, Eve (Eléna) et Adam (Germano) y vivent nus, à l'abri du péché. Dès lors, Senso prend le contrepied du chapitre 3 du Livre de la Genèse. Eve et Adam ne sont pas chassés du paradis. Ils y viennent pour se régénérer et y trouver un bonheur simple et innocent.
La même approche peut être appliquée à Come Prima. Fabio et Giovanni deviennent des anti-Abel et anti-Caïn. Le meurtre du frère est remplacé par la résurrection du frère.
Bon, toutes ces analyses sont un peu (beaucoup) tirées par les cheveux, je vous l'accorde
Quoiqu'il en soit, Senso est vraiment une BD d'une grande richesse qui peut être lue, relue et re-relue. Et chaque passage permet de découvrir de nouvelles interprétations possibles.
Nombre de messages : 38492 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Raymond a écrit:J'ai donc lu ce week-end les Indes fourbes et … je suis passé par tous les états d'âme.
Alain Ayrolles a construit son scénario à la manière d'un puzzle, dont il faut peu à peu mettre en place les pièces pour finalement arriver à comprendre toute l'histoire. Cela signifie que malgré son apparence très classique, la lecture de cette BD n'est pas si facile que ça. Ce long récit (160 pages) est par ailleurs divisé en 3 parties, et elles sont loin d'être équivalentes.
Résultat : la lecture des 80 premières pages m'a un peu "barbé". Ce premier chapitre met bien sûr en place les personnages, mais il multiplie aussi les flash-backs, les raccourcis, les jeux avec la vérité et les allusions incompréhensibles. Je ne voyais pas vraiment l'intérêt de ce récit très emberlificoté, et je me suis même endormi un moment en lisant l'album.
Avec la deuxième partie, le récit devient plus linéaire. Il y a moins de récitatifs à double sens (qui sont généralement ennuyeux en première lecture) et plus de dialogues. C'est donc plus facile à suivre et on découvre enfin une vraie BD d'aventure, assez standard.
Mais c'est avec le troisième chapitre que cette œuvre dévoile tout son charme. Le récit était habilement crypté et le scénariste dévoile peu à peu certains mystères. L'aventure devient plutôt invraisemblable, mais également pleine d'humour, et j'ai ressenti une véritable jubilation … de tout comprendre.
C'est donc une œuvre malicieuse, qui ne se comprend pas d'emblée et pour laquelle il faut un peu insister, car il y a quelques obstacles.
En fait, cette BD est présentée comme un "roman picaresque" et ce n'est dans le fond pas très juste. Ce terme conduit un peu à une certaine confusion. Il y a bien sûr une aventure pleine de rebondissements, mais le récit m'apparait surtout être un roman plein d'énigmes, dont on ne comprend que très tard la signification. Cette construction incite bien sûr à la relecture (au minimum du chapitre 1) afin de mieux savourer le double sens de certains situations.
Le dessin de Guarnido est par ailleurs dynamique, élégant et plein de trouvaille. On l'apprécie en fait mieux en deuxième lecture, lorsque l'attention est moins concentrée sur la "quête du sens". Il est lui aussi un peu trompeur, car il donne à cette BD une apparence faussement classique.
Et finalement ... oui, malgré (ou à cause de) sa construction complexe, cette BD est une des bonnes surprises de la rentrée.
C'est une lecture que je n'oublierai pas.
Les Indes fourbes viennent de recevoir le Prix Landerneau 2019 !
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Et mon intuition féminine me susurre que, sauf surprise de dernier trimestre, le prix des Libraires Canal BD pourrait bien échoir aux Indes fourbes... Le cadeau idéal pour les fêtes Attention de bien offrir la BD et un tableau de Velazquez pour ne pas faire oeuvre de ladrerie .
Nombre de messages : 1690 Age : 64 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 14/03/2009
eleanore-clo a écrit:Et mon intuition féminine me susurre que, sauf surprise de dernier trimestre, le prix des Libraires Canal BD pourrait bien échoir aux Indes fourbes... Le cadeau idéal pour les fêtes Attention de bien offrir la BD et un tableau de Velazquez pour ne pas faire oeuvre de ladrerie .
Eléanore
Le choix entre les 12 titres en lice pour ce Prix des Libraires de Bande Dessinée (Canal BD) ne va pas être simple, au vu de la concurrence
NYMPHÉAS NOIRS LE DIEU VAGABOND LE DERNIER ATLAS T01 LE PATIENT LE LOUP DANS LA TÊTE DE SHERLOCK HOLMES T01 LES INDES FOURBES IN WAVES LE CHÂTEAU DES ANIMAUX T01 JUSQU'AU DERNIER MÉCANIQUE CÉLESTE PRÉFÉRENCE SYSTÈME
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Les Indes fourbes viennent de remporter le Grand Prix RTL de la BD 2019 : https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/les-indes-fourbes-d-ayroles-et-guarnido-grand-prix-rtl-de-la-bd-2019-7799578590
Dernière édition par eleanore-clo le Dim 1 Déc - 13:54, édité 3 fois
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Bonsoir
Aldobrando est un conte écrit par Gipi (auteur du très remarqué La terre des fils, Grand Prix RTL de la BD en 2017) et dessiné par Critone (Je, François Villon, lauréat du Prix Cases d'Histoire 2016).
Le père d’Aldobrando, pressentant qu’il va mourir lors d’un « jugement de Dieu » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordalie), confie son fils à un mage. Celui-ci l’élève comme son apprenti. Quelques années plus tard, le sorcier est blessé en exécutant un sortilège et demande au jeune homme d’aller lui chercher le seul remède possible : l’herbe du loup. Aussi, Aldobrando part en quête du simple. Il rencontre rapidement Genaro, un autre jeune homme, étrange, armé d’une lance, et qui le prend comme son écuyer. Leur périple les amène dans une ville dont le fils de roi est mourant, transpercé par une lance... Aldobrando est capturé et accusé du crime par l’inquisiteur Gueulevice. La fille adoptive du roi, Bianca, est persuadée de l’innocence du jeune homme et le vient le réconforter dans sa cellule. Un insurgé, Beniamino, est capturé et incarcéré dans le cachot d’Aldobrando. Or, la servante de Bianca, est l’épouse de Beniamino. Elle délivre les deux prisonniers. Mais Viola a oublié un collier de la princesse dans la basse-fosse. Bianca est donc accusée. Elle se retrouve rapidement prise dans un complot opposant le Roi et Geulevise, qui, tous les deux, la convoitent. En application des lois organiques du royaume, la jeune femme est soumise à l’ordalie. Celle-ci va prendre la forme d’un combat judiciaire et Aldobrando choisit de revenir dans la ville et de défendre la princesse dans la fosse judiciaire, pour un combat dont il ignore qu’il est truqué…
Gipi, en digne compatriote de Collodi (https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Collodi) nous livre un nouveau Pinnochio, un conte d’une très grande moralité où les mauvaises personnes seront châtiées à hauteur de leur faute et par ce en quoi elles ont fauté, où les bons triompheront de l’injustice grâce à leur courage et où les victimes d’injustice obtiendront réparation. Le côté philosophique de l’œuvre n’est pas à négliger : qui sommes-nous ? que deviendrons-nous ? Et j’ai beaucoup apprécié le vieux sorcier qui use d’un artifice pour envoyer Aldobrando vers son destin. Une belle image de l’éducation où les parents doivent s’effacer pour que leur progéniture s’envole du nid. Les noms des personnages sont tous choisis avec beaucoup de soin. La pure princesse s’appelle bien évidemment Bianca. Et le gardien des lois organiques du royaume se dénomme Paperasse ! Enfin, le nom du héros Aldobrando vient de l’allemand Alt Brand, qui signifie expert dans le maniement de l’épée (https://it.wikipedia.org/wiki/Aldobrando#Origine_e_diffusione). L’épopée moyenâgeuse est construite avec beaucoup de soin. On y perçoit la lointaine influence de Tolkien avec la construction d’un univers cohérent, s’étalant sur plusieurs générations. Les traditions orales devenues écrites et intégrées dans les lois organiques du royaume rappellent (de très loin) les poèmes des Terres du Milieu (Three Rings for the Elven-kings under the sky, Seven for the Dwarf-lords in their halls of stone, Nine for Mortal Men doomed to die, One for the Dark Lord on his dark throne, In the Land of Mordor where the Shadows lie. One Ring to rule them all, One Ring to find them, One Ring to bring them all, and in the darkness bind them, In the Land of Mordor where the Shadows lie.). La fin est semi-ouverte et on peut imaginer toute sorte de suite, de « ils se marièrent furent heureux et eurent beaucoup d’enfants » à une nouvelle quête initiatique où Bianca et Aldobrando retrouvent le père biologique de la princesse.
Les dessins de Critone sont de toute beauté (la pluie, la chute de neige, etc.) et j’ai beaucoup apprécié son travail sur les expressions des visages et la pantomime des personnages.
Les décors sont magnifiés par les couleurs, faites à l’aquarelle. Ainsi la pluie ruisselle d’un gris désespoir, le feu rougeoie sa magie et la neige immaculée cache notre monde pour mieux en ouvrir un autre.
Casterman croit beaucoup en l’œuvre et a sorti une édition de luxe reprenant les planches en noir et blancs, complétées par des études. Je partage pleinement leur vision. Aldobrando est clairement une des très grandes BD de ce début 2020 et je suis très heureuse de vous en parler.
Eléanore
Dernière édition par eleanore-clo le Mar 21 Jan - 22:23, édité 3 fois
Nombre de messages : 2306 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
A noter que Critone dessine le jugement de Dieu, le combat judiciaire dans la fosse, à l'instar d'un combat de gladiateurs. Ce que les membres d'un forum consacré aux BDs historiques et plus particulièrement à une certaine BD antique ne peuvent qu'apprécier
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Bonjour
Le lion de Judah est le premier opus d'une trilogie est-afrricaine écrite par Stephen Desber et dessinée par Hugues Labiano.
L'action se déroule dans les années 1920. Wallace, jeune colon britannique, propriétaire d'une plantation au Kenya, assassine deux indigènes pour une raison connue de lui seul. La justice le rattrape et il est envoyé dans un bagne. Il fait la connaissance d'un autre criminel, Bishop (traduction anglaise du mot évêque), un fou mystique, avec lequel il s'échappe de la prison. Bishop décède durant la cavale mais donne à son compagnon d'évasion la clé d'une consigne dans la gare d’Addis-Abeba, premier jalon d'une piste conduisant à un trésor fabuleux. Wallace part en Éthiopie sachant qu'il est recherché par la police mais aussi par une mystérieuse sorcière, Naïsha, qui ne semble pas étrangère aux meurtres des indigènes....
Le scénario est celui d'une BD d'aventure, sur fond de décor africains. Le fantastique est présent, à travers Naïsha, mais aussi du fait de l'incroyable résistance physique de Wallace. Le bagne fait penser au célèbre roman Papillon d'Henri Charrière (https://fr.wikipedia.org/wiki/Papillon_(livre)).
Quant au titre, c'est clairement une référence religieuse (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lion_de_Juda) dont le sens nous sera probablement révélé dans les items suivants.
Les dessins reconstituent l'Afrique coloniale britannique avec beaucoup de réalisme.
.
J'ai particulièrement apprécié les couleurs de Jérôme Maffre. Son rouge respire les soirées du rift africain
Une BD honnête pour les longues soirées d'hiver, devant le feu de cheminée .
Nombre de messages : 2510 Age : 62 Localisation : Lyon Date d'inscription : 13/07/2014
Chère Amie, puis-je faire un aveu ? D'abord je suis fasciné par Aldobrando que vous nous avez présenté. Mais, et voici l'aveu, malgré toute ma bonne volonté, je n'rive toujours pas à adhérer à l'enthousiasme unanime envers Les Indes fourbes. J'ai beau tenter de m'y forcer, je n'aime pas cet album. Effet de mon insuffisance sans doute, mais je n'arrive pas à saisir ce qui le distingue aussi fortement par rapport à d'autres oeuvres parues en 2019.
Nombre de messages : 38492 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
J'ai fini par lireAldobrando, ce curieux récit un peu médiéval de Gipi, dessiné par Luigi Critone.
C'est avant tout un formidable scénario, très malin et un peu labyrinthique, qui finit par trouver une certaine logique alors que le début est totalement bizarre. Ce gros roman graphique montre en effet des personnages un peu stupides plongés dans des situations excessives. On pense très vite que le récit va aboutir dans une impasse mais ce n'est pas le cas. Toute cette incroyable succession d'événements semble à la fin très logique, même si le récit reste fondamentalement irréel. C'est un joli tour de force.
Et puis, ce n'est pas désagréable delire une BD qui est totalement différente de la production courante.
J'ai donc plutôt apprécié cette histoire, tout comme le dessin de Luigi Critone qui est élégant et qui crée de belles ambiances. Critone a dessiné jadis un biopic sur François Villon et il faudra que je lise un jour.
Pour le reste, je suis assez d'accord avec ce qu'a écrit eleanore-clo !
Nombre de messages : 2306 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour
Merci pour cet avis et cette lecture . J'ai eu la chance de rencontrer Critone qui m'a offert une superbe dédicace, un lavis représentant la princesse.
Il m'a alors appris que Gipi et lui se sont inspirés du Candide de Voltaire https://fr.wikipedia.org/wiki/Candide. Le manifeste social d'Aldobrando n'est pas évident à la première lecture. En y re-réfléchissant, il n'en est pas moins réel.
Par ailleurs, Canal-BD a publié un carnet de croquis dont voici quelques extraits. On peut noter l'évolution du visage d'Aldobrando, plus caricatural dans sa version finale, pour accentuer le côté fabuleux du conte.
Nombre de messages : 2306 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour
Le chanteur perdu est une quête philosophique, écrite, dessinée et colorisée par Didier Tronchet.
Jean, ancien soixante-huitard, devenu bibliothécaire, a maintenant la cinquantaine. Il s’interroge sur le sens de sa vie, et sur ce qui le motive encore. A force de se remémorer son passé, il finit par découvrir le fil rougede son existence, les chansons de Rémy-Bé, un artiste doué mais peu soucieux de sa carrière, et disparu des bacs depuis bien longtemps. Jean décide alors de retrouver l’idole de sa jeunesse. Les textes de Rémy-Bé seront les indices d’un incroyable jeu de piste, qui va permettre à notre héros de remonter le temps, de découvrir les origines du chanteur, de refaire son parcours et à la toute fin de le retrouver. Cette enquête prend l’aspect d’une quête initiatique car Jean ne recherche pas que Rémy-Bé, il se recherche lui-même.
La BD est émouvante, un brin nostalgique. Elle traite avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité deux questions majeures de l’existence : qu’avons-nous fait de nos rêves d’enfant et quel sens voulons-nous donner à notre vie ? On pense au tableau de Gauguin : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (https://fr.wikipedia.org/wiki/D%27o%C3%B9_venons-nous_%3F_Que_sommes-nous_%3F_O%C3%B9_allons-nous_%3F) et la retraite finale de Rémy-Bé fait bien évidemment référence aux Iles Marquises. La venue de la cinquantaine et la remise en question des acquis et des habitudes rappellent une autre BD, de JC Denis cette fois, Quelques mois à l’Amélie. La fin du Chanteur perdu est douce-amère, et surtout très morale. Les rêves de jeunesse peuvent s’être concrétisés comme pour Maxence l’ami de Jean. Dans le cas contraire, ils peuvent être recréés grâce à la magie du contact humain. Et Tronchet prend le contrepied de Sartre (https://la-philosophie.com/enfer-autres-sartre) : le bonheur c’est les autres.
Le scénario aborde bien d’autres sujets comme le colonialisme, et la condition des femmes indigènes compagnes forcées des « occupants » dans le meilleur des cas, violées dans les autres. Ipso-facto, la BD se penche sur le mal-être des enfants issus de ses unions, écartelés entre deux civilisations, entre leur père et leur mère.
La relation fils-père est aussi traitée, avec beaucoup de pudeur, à travers les trois générations Bé : un père qui fuit la France pour tenter fortune en Indochine et un fils qui fait de même pour trouver le bonheur dans une île paradisiaque, un fils qui parle de son petit-fils dans une chanson et un petit-fils qui se présente en utilisant son surnom dans cette chanson (les chaussettes à l’envers).
L’auteur s’est plongé avec délice dans la chanson française des années 1970 et a pris beaucoup de plaisir à mettre en scène des vedettes comme Georges Brassens ou Pierre Perret. La BD s’inspire d’ailleurs d’un vrai artiste, Jean-Claude Rémy, et une postface nous permet de faire connaissance avec lui. Notons que le fils de Jean-Claude Rémy est l’auteur de BD Gaston (https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_(auteur_de_bande_dessin%C3%A9e)) et que son parrain est Pierre Perret. La boucle est bouclée .
Les chansons de Rémy, dont les plus belles sont reprises dans le scénario de Tronchet, sont magnifiques et chacune d’entre elles nous invite à méditer sur la vie et son sens. Le style engagé et poétique, ainsi que le vocabulaire argotique font beaucoup penser à Pierre Perret. Pour illustrer mon propos, voici tout d’abord Les Corniaudsde Jean-Claude Rémy :
Il adorait le foot, les balades en traction, Les jupons, les chansons, tous ces bonheurs qui font qu’une vie est si courte. Cet étourneau, ce grand costaud Ce passereau c’était mon père…
Les cancans, les ragots des « Anciens d’Indochine » Content qu’il fut dingo d’une souillon de cuisine Longtemps sa concubine : Cette fille en Tablier blanc, Obéissant, c’était ma mère…
Et voici Lily de Pierre Perret
On la trouvait plutôt jolie, Lily Elle arrivait des Somalies Lily Dans un bateau plein d'émigrés Qui venaient tous de leur plein gré Vider les poubelles à Paris
Elle croyait qu'on était égaux Lily Au pays de Voltaire et d'Hugo Lily Mais pour Debussy en revanche Il faut deux noires pour une blanche Ça fait un sacré distinguo
Les dessins de Tronchet sont simples, caricaturaux et manquent un peu de force ou de dynamisme. Ils sont adaptés à une BD dont le but est de faire réfléchir. A noter le joli travail sur les décors comme l'illustrent les deux vignettes représentant le pont ferroviaire de Morlaix.
Une œuvre à découvrir donc, et qui s’est vue décernée le titre de BD RTL du mois par la critique Monique Younès.