Les écorcheurs

Je suis sans doute mal placé pour répondre à ta question, Monocle. Il faudrait que je me replonge dans les minutes du procès, que j'ai quelque part dans un autre carton (et que je m'y colle). Sauf erreur, c'était Georges Bataille qui les avait publiées... et qui dit "Bataille" dit "cul".

Elle a beau se dire chrétienne, la société médiévale est, à mon avis, au moins aussi pyramidale que la société antique : les serfs remplaçant les esclaves. C'est tout. Que des manants, ou pire leurs enfants, soient maltraités ou assassinés... on s'en fout. Comme écrivait ce bon Jean de la Fontaine, "que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir". En revanche avoir commerce avec le Diable (ou avec la Science alchimique, c'est pareil)... ce n'est pas bon. C'est pire encore que l'hérésie... C'est plutôt sous ces couleurs-là qu'il faut voir la condamnation de Gilles.

Mais ce n'était probablement que le prétexte à un autre litige relatif à des espèces sonnantes et trébuchantes. Je ne me risquerai pas à davantage m'avancer sur ce terrain glissant qu'est (pour moi) le Moyen Age. Je redoute un peu de me laisser aller à des lieux communs - autant puis-je, en revanche, être catégorique lorsqu'il s'agit de la Grèce ou de Rome...

En tout cas, Jhen est une série qui vaut le détour. Je sens que je vais bien m'amuser quand mon nouveau logis sera en ordre.

En effet, je dirai que Jhen est ma série préférée, juste devant Alix. Peut être justement parce que c'est une série plus adulte, ou que je l'ai découverte à un âge plus adulte? Alix m'a toujours paru un peu décalé dans ce monde antique, notamment par sa position vis a vis de l'esclavage (qu'il a connu néanmoins plusieurs fois), son intérêt pour les sciences, sa volonté de secourir le faible etc.. cela donne de très bonnes aventures, mais il me fait plutôt l'effet d'un homme de la renaissance égaré dans l'antiquité romaine alors que Jhen est beaucoup plus en accord avec son époque.
Tout cela même si certains scénarios de Jacques Martin sont plus durs, plus désabusés (je pense à la tour de Babel, l'enfant grec, le cheval de Troie...)
Et pour finir j'espère que toi aussi tu éprouve beaucoup de plaisir à ranger ta bibliothèque. Ah! retrouver ses livres dans les cartons, les humer, les feuilleter au passage, redécouvrir un ouvrage oublié, passer des heures à leur trouver une nouvelle place, j'avoue que j'adore ça... surtout qu'il faut des jours avant d'être satisfait du résultat.

Monocle a écrit:
Et pour finir j'espère que toi aussi tu éprouve beaucoup de plaisir à ranger ta bibliothèque. Ah! retrouver ses livres dans les cartons, les humer, les feuilleter au passage, redécouvrir un ouvrage oublié, passer des heures à leur trouver une nouvelle place, j'avoue que j'adore ça... surtout qu'il faut des jours avant d'être satisfait du résultat.

De grandes satisfactions que la lecture sur tablette ne peut apporter...
N'en déplaise aux partisans du modernisme !
Et c'est un informaticien de 40 ans d'expérience qui vous le dit, informaticien qui a terminé sa carrière dans les domaines les plus pointus du 21eme siècle, mais qui connait bien les dangers (mais aussi les avantages) de cette technologie ....

Raymond Damned

Plaisir très mitigé, en vérité. C'est avec une certaine satisfaction que j'ai mis en carton ma doc, car j'en faisais l'index et, comme tu dis, je retrouvais avec surprise des choses oubliées. C'était l'occasion ou jamais. C'est qu'on en accumule des choses en 40 ans à la même adresse. Mais à ce tarif-là, j'ai mis six mois à tout emballer (dont une dizaine encore "à trier"). 10.000 bouquins, dossiers, revues, BD, VHS, DVD, CD - sans oublier les affiches et photos de cinéma... Le chiffre est au pif mais doit approcher la réalité, si toutefois cela a du sens d'additionner des pommes et des poires.

Maintenant, j'aspire à ce que tout soit en ordre et pouvoir me remettre tranquillement à mes recherches, à mes articles... au lieu d'écrire, comme sur ce Forum, ça c'est dans le carton "vampires" pas encore ouvert, et les Jhen dans un des cartons "Martin". Mais avant de ramener les bibliothèques qui sont dans le garage, il faudrait d'abord que le living-salon soit en ordre, or il reste pas mal de travaux à faire.

Monocle a écrit:Alix m'a toujours paru un peu décalé dans ce monde antique, notamment par sa position vis a vis de l'esclavage (qu'il a connu néanmoins plusieurs fois), son intérêt pour les sciences, sa volonté de secourir le faible etc.. cela donne de très bonnes aventures, mais il me fait plutôt l'effet d'un homme de la renaissance égaré dans l'antiquité romaine alors que Jhen est beaucoup plus en accord avec son époque.

"J'peux pas mieux dire", comme chantait Jean Gabin ("Je sais, je sais..."). Un de mes correspondants, André Simon, du temps où il rédigeait sa thèse LE MYTHE GAULOIS, avait écrit un article sur Alix qu'il définissait comme un boy-scout égaré dans la Rome antique - le cahier de charge du JOURNAL TINTIN, sans doute ?
Il y a toute une littérature là-dessus. Le personnage principal d'un roman historique se doit d'exprimer nos sentiments modernes...

... Bref, les "méchants" sont toujours plus "vrais", plus "authentiques" que le héros et sa moraline... Vraiment fascinant, ce Gilles de Rais qui si bien parle à notre côté obscur...

Bonjour

Grâce au fil "50 ans avec Jacques Martin", je poursuis ma découverte de la série Jhen.

Les écorcheurs est une BD écorchée vive ( ). Un mélange de furie, de mort et de violence. Brrrr. L'intervention salvatrice de Gilles de Rais et, dans une moindre mesure, la destruction de la forêt entourant La Gore illustrent parfaitement deux proverbes : "combattre le mal par le mal" et "aux grands maux les grands remèdes". Le Moyen-âge représenté ici est sombre, très sombre. Et pourtant, cette période a vu la création de grandes beautés comme Les très riches heures du Duc de Berry (https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Tr%C3%A8s_Riches_Heures_du_duc_de_Berry) ou encore la Cathédrale de Strasbourg (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cath%C3%A9drale_Notre-Dame_de_Strasbourg), d'ailleurs évoquée dans un autre Jhen ().
La résilience de Parfait est une métaphore de celle de l'humanité. Elle me fait aussi penser à celle de Mattéo (Gibrat) qui survit à tous les conflits, en perdant celles et ceux qu'il aime. Et la dernière phrase de la BD est d'un fatalisme terrible : "Que veux-tu, il faut bien continuer à vivre", même si Jacques Martin se sent obligé de créer une lucarne en introduisant, un peu artificiellement, la cadette Fabienne.

Le dessin de Pleyers regorge de détails. Et les planches 28 et 29 témoignent d'une formidable maitrise du cadrage. Raymond les a d'ailleurs magnifiquement commentées dans le message n°148, situé en bas de la page 6 du fil "50 ans" (https://lectraymond.forumactif.com/t1923p125-50-ans-avec-jacques-martin).

Bonne journée
Eléanore

Pour ma part, j'ai découvert "Les Écorcheurs" à sa sortie, en 1984-85, à la médiathèque. J'avais une douzaine d'années, cette BD figurait dans le rayon jeunesse (!). Elle m'a terriblement marquée! A l'époque, je lisais beaucoup Alix et, comme vous l'avez souligné, Alix est bien plus soft que Jhen! J'ai longtemps gardé en mémoire, fasciné, les images des tortures abominables subies par ces innocents!

Il s'est passé plus de 30 ans avant que je ne relise cet album qui m'avait laissé un souvenir sulfureux. Alors bien sûr, alors que je m'attendais à un truc hyper violent, j'ai été un peu déçu (si l'on peut dire). Il faut dire qu'entre Walking Dead et Game of Thrones, ces Écorcheurs semblent bien ternes!

Mais de fait, ça reste un des Jhen les plus aboutis. Le scénario est simple, et le dessin vraiment magnifique. On notera que, finalement, Gilles de Rais y apparait à rebours de son rôle habituel: rien moins que le sauveur!

Jhen était d'abord une bande dessinée prévue pour un public de tous les âges ! Ce n'est pas une série réservé aux adultes.  

Par ailleurs, avec Giles de Rais, c'est quand même une BD qui sent le souffre. Il est clair qu'aujourd'hui, cela devient presque banal mais j'aime tout de même cette espèce de "juste milieu" que Jacques Martin essaie de préserver. Il ne cherche pas seulement à choquer, mais aussi à montrer le Moyen-Âge tel qu'il était. Cela n'a donc rien à voir avec Game of Thrones, une série télévisée que j'apprécie beaucoup par ailleurs.

Bien sûr! Mon propos était plutôt de dire que ce qui était sulfureux hier l'est bien moins aujourd'hui...

Jean-Pierre Quinet démontre sur Alix Mag la précision des détails historiques que l'on trouve dans Jhen, en particulier dans l'album les Ecorcheurs.

http://alixmag.canalblog.com/archives/40215752.html

Cela laisse rêveur !  

la BD de Jhen très sombre à certains égards mais aussi très lumineuse par d'autres est probablement la BD médiévale où le souci du détail y est élevé à son optimum.