Matteo Sixième époque est une des sorties phares de cet automne et je l'ai découverte avec plaisir.
Apres avoir combattu en Espagne, notre héros revient en France où il a la surprise d'être emprisonné à Collioures. Lors de son transfert dans la prison de Perpignan, Mattéo s'évade. Il se réfugie alors chez son vieil ami Paulin ce qui lui permet de renouer avec Juliette, son amour de jeunesse. La jeune femme apprend à Mattéo que que leur enfant illégitime a été capturé par les armées nazies et se retrouve emprisonné à Sedan. Mattéo réussit à délivrer son fils mais ne parvint pas à lui confier être son père biologique. Fuyant l'invasion allemande, le vieil anarchiste et son rejeton prennent alors la direction des plages de Dunkerque...
Ce nouvel opus conclut la sage de Mattéo et c'est avec un peu de tristesse que j'ai tourné la dernière page. Bon. Bah. Gibrat a récemment informé que ses prochaines BDs porteraient sur la Guerre d'Indochine et que nous retrouverons Cécile et Jeanne. Et donc, au final, nous resterons en terre connue
.
Pour en revenir à l'intrigue, elle illustre parfaitement le diction "
A quelque chose malheur est bon". Et donc, les retrouvailles du héros et de son fils, leur apprivoisement mutuel, se réalisent sur fond de tragédie.
Le deuxième thème de cet ouvrage est bien évidemment l'Histoire. Nous vivons la Bataille de France de l'intérieur, aux côtés d'une armée française en déroute, et assistons au début de l'Exode. Comme à son habitude, Gibrat porte son regard sur le petit peuple. Nous ne verrons donc ni généraux, ni ministres mais une galaxie de persnnages humbles, parfois courageux, parfois effrayés. Et la BD en acquière une épaisseur et une crédibilité fortes.
Bien sûr aussi, nous allons retrouver Amélie. Et sa relation ambiguë avec Mattéo, leur étrange danse de séduction où chaque pas en avant de l'un correspond exactement à un pas en arrière de l'autre, va pouvoir se poursuivre en Angleterre car la fin est bien entendu ouverte…
Mais la vraie question qu'on peut se poser porte sur le message de Gibrat. Mattéo l'anarchiste, après Julien le déserteur et François le voleur, incarnent les valeurs de générosité, d'engagement, de courage et de bonté. L'auteur en promouvant un a priori anti-héros, en le gratifiant de toutes les qualités humaines essentielles, nous fait part de sa méfiance profonde de l'ordre constitué. Tout bien considéré, il véhicule un message quasi individualiste, méfiant vis-à-vis des corps constitués, et mettant en avant le marginal. On ne peut donc que saluer une vision annonciatrice, lancée voilà vingt-cinq avec
Le sursis, et qui a perçu la montée de l'activisme citoyen.
Côté graphisme, les vignettes caressent langoureusement le regard. Et les splendides aquarelles se succèdent, page après page. On ne peut que saluer l'immense talent du dessinateur. Ainsi, les paysages variés et splendides constituent les plus beaux des décors possibles pour ce drame, en en renforçant la magistrale théâtralité. Une seule réserve, les personnages. Etrangement, Gibrat oscille entre des visages de mannequin et des caricatures. Amélie et Matteo, la Belle et la bête ?
Au final, l'auteur ne se renouvelle pas mais ce nouvel opus reste d'un excellent niveau. Nous avons là un immense artisan, qui, avec méthode et génie, trace un chemin, droit et magnifique
EEEEléanore