Voilà, j'ai lu
Ma Vie de Rêves et c'est un livre bien sympathique mais ... eh oui il y a quand même un "mais" !
Commençons toutefois par présenter ce livre d'une manière générale ! C'est donc un album autobiographique qui repose sur une vingtaine d'anecdotes et d'événements vécus par Fournier tout au long de sa vie. Ce sont souvent des faits peu importants mais ils sont tous révélateurs de l'état d'esprit du narrateur et de l'époque pendant laquelle il a vécu. C'est ainsi que la moitié des historiettes rapportées dans ce livre concernent l'enfance de Fournier. Cette partie de sa vie semble avoir été paisible et surveillée par des parents compréhensifs et, ayant lu cela, il ne fait pas de doute que Fournier soit aujourd'hui une belle personne.
Le moment le plus intéressant de cette autobiographie concerne bien sûr les relations de Fournier avec les grands auteurs du journal
Spirou comme Franquin, Morris, Tillieux ou Will. Elles sont relatées sous la forme d'anecdotes à la fois honnêtes et instructives. J'ai en particulier été intéressé par tout ce qui concerne l'apprentissage du "métier d'auteur de Spirou", qui était à l'époque loin d'être facile. On découvre en même temps que l'auteur la multiplicité des difficultés et exigences (provenant des rédacteurs du journal) qui ont longtemps repoussé la publication de sa première bande dessinée. La figure tutélaire de Franquin domine cette dure période d'apprentissage et ce témoignage du dessinateur est certainement le moment le plus fort du livre.
La mise à l'écart de Fournier en tant que dessinateur de Spirou est également racontée d'une façon très honnête, même si certains intervenants nous sont présentés d'une façon caricaturale. C'est ainsi que le fameux "directeur du concept" (qui se nommait en fait José Dutilieu) est présenté sous la forme d'un "crannibale", ce terme désignant une BD de Fournier qui racontait la vie ordinaire de monstrueux anthropophages au sein de la France du XXe siècle. Le narrateur se montre cependant très prudent en racontant son limogeage. Il évite de révéler des noms et c'est bien gentil de sa part mais ... n'est-ce pas un peu trop gentil ?
Gentil ! Le mot fatidique est lâché ! Jean-Claude Fournier est en effet gentil et honnête, et c'est à la fois une force et une faiblesse. Un bon raconteur d'histoire se doit d'être parfois un peu piquant, voir même franchement impitoyable, mais l'auteur de "Ma Vie de Rêves" ne veut pas faire de mal à qui que ce soit. Et c'est ainsi que le récit de son licenciement ne suscite pas d'émotion véritable ! L'auteur a pourtant dû souffrir de ce processus d'éviction très larvé, exprimé par des sous entendus et caché par des discours rassurants et hypocrites, qui ont finalement poussé Fournier à écrire lui-même sa lettre de démission. Tout cela n'est exprimé que par des dessins un peu symboliques (Fournier est habillé comme Spirou tandis ses adversaires ont la mâchoire des Crannibales), sans que l'essentiel ne soit vraiment dit. Et le récit de cet événement manque donc un peu de force.
Avouons-le ! En terminant cette partie du livre, je me suis souvenu de mes lectures des premières aventures de Spirou qui avaient été dessinées par Fournier. C'était gentil et correctement dessiné mais ... pas très intéressant. Cela manquait en fait de mordant. Il a d'ailleurs fallu 4 ou 5 albums pour que la série dessinée par Fournier reprenne son envol. Curieusement, c'est après avoir créé de bonnes histoires (comme l'Ankou ou le Gris-Gris) qu'il a été mis à l'écart et remplacé Cauvin et Nic Broca, qui ont lamentablement échoué. Il y avait donc beaucoup de choses à dire sur cette période de sa vie mais Fournier n'ose pas trop s'indigner, mordre ou tout simplement établir "sa vérité". J'ai donc l'impression que son livre n'en dit pas assez.
Ceci dit, il y a de belles anecdotes dans ce livre ! L'histoire enfantine de Fournier reste un peu faible mais le témoignage de ses expériences dans le journal Spirou présente un intérêt indiscutable. Ce n'est pas un chef d'œuvre, mais c'est quand même une bonne "BD qui raconte la BD".
Sans trop forcer, on peut lui accorder un
EEE.