Jean-Claude Floc'h et la ligne claire

J'ai cherché un peu partout, mais je n'ai pas trouvé de sujet à son nom. Ce forum a encore des lacunes !  

Jean-Claude Floc'h, c'est le troisième compère du trio infernal : Joost Swarte (l'inventeur), Yves Chaland (l'OVNI) et Jean-Claude Floc'h (l'illustrateur délicat), qui a plus ou moins dominé la BD des années 80. C'était l'époque du "retour de la ligne claire", et de nombreux dessinateurs avaient alors adopté ce style.

Il y a bien longtemps que cette mode a disparu, et les vedettes de la ligne claire se sont effacées. Chaland est mort, tandis que Floc'h et Swarte se sont tournés vers l'illustration tout azimuts. Il vint ensuite le temps du "graphic novel" et des indépendants, et le monde de la BD oublia ce qui s'était fait avant.

On ne parle quasiment plus de Jean-Claude Floc'h, mais il ne faut pas l'oublier. Voici tout d'abord son portrait  !

D'abord, rappelons les grandes oeuvres de Jean-Claude Floc'h !

Il a été révélé au grand public grâce à Guy Vidal, qui avait d'abord publié dans le journal Pilote le Rendez-vous de Sevenoaks. Cette BD admirable était à la fois un hommage amusé au style ligne claire (en particulier celui de Jacobs) et surtout une enquête policière surréaliste fort bien racontée par François Rivière. Ce fût d'emblée une réussite éclatante, qui imposa le nom de Floc'h au grand public.



Le style graphique de Floc'h se distinguait de la vulgaire imitation grâce à son côté gracieux, et aussi par un évident souci de recherche esthétique. La BD pouvait bien sûr se lire au premier degré, mais la suite de sa carrière montra que Floc'h était avant tout guidé par une passion du dessin, qui devint assez rapidement l'intérêt prépondérant de ses œuvres.



Il continua à faire quelques albums apparemment standard, qui reprenaient un personnage secondaire de "Sevenoaks" et cela devint une petite série. Elle s'intitula "les aventures de Francis Albany" mais elle ne dura pas longtemps.



Floc'h se tourna ensuite vers les beaux livres d'images un peu ambigus, qui racontaient vaguement quelque chose et qui avaient surtout pour vocation de séduire l'oeil. C'était encore un peu de la BD ... mais plus vraiment !





Floc'h a toujours été un "dessinateur rare", qui faisait peu d'albums, mais sa production se raréfia encore plus au cours des années 2000. Et depuis une dizaine d'années, on n'avait plus beaucoup entendu parler de lui.

Et nous assistons maintenant au retour de Jean-Claude Floc'h, avec un bel art-book intitulé Art by Floc'h.



Et là-dedans, il y a du dessin, rien que du dessin et … que des images contemplatives. On le savait depuis longtemps, mais Floc'h aime les images qui donnent à rêver, sans y ajouter quoique ce soit.



Filippini célèbre cette nouvelle parution dans cet article de BDZoom :

http://bdzoom.com/143197/actualites/deux-ouvrages-remarquables-publies-par-dupuis-invitent-floc’h-et-olivier-cinna…/

Scénariste-Dessinateur - (Français) - Pays de résidence : France
Par choix esthétique, Floc'h se verrait bien orphelin, mais par le sang, il appartient à une lignée liée au monde du papier. Son père et son oncle sont les imprimeurs de Gallimard et de quelques autres éditeurs parisiens. D'où sans aucun doute son amour des livres mais aussi de l'image car son père dessinait et peignait pour son plaisir personnel.

Il entre à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris au début des années 70 mais impatient d'être dans la vie active, il fait de l'illustration (livres et magazines) et surtout sa première bande dessinée Le Rendez-vous de Sevenoaks (1976) avec François Rivière, mélange de bande dessinée classique et de nouveau roman.

Le succès - naissance d'un courant graphique appelé "la ligne claire" par les critiques et le grand public - lui permet de se consacrer totalement à la bande dessinée et l'illustration.

Se succèdent alors 3 bandes dessinées Le Dossier Harding (1979), Blitz (1981), A la Recherche de Sir Malcolm (1983).

Puis Un homme dans la foule (1985), chez Albin Michel un livre qui recueille son travail d'illustrateur pour la publicité, les magazines et les éditions sérigraphiques.

Life (1985) et High Life (1986), deux petits livres de fausses couvertures de Life Magazine, hommage aux artistes qu'il admire (Carton Editeur).

Ma Vie (1986), livre de réflexion sur sa vie amoureuse (Humanoïdes Associés).

Il publie aussi deux portfolios de sérigraphies Je me souviens (L'Atelier) et 35 rue Victor-Massé (Carton Editeur).

Plus tard, deux autres bandes dessinées Jamais deux sans trois (1991) avec Fromental et Une Trilogie Anglaise (1992) avec Rivière.

A 36 ans, il a la révélation de la peinture, fait sa première exposition en 1990 à la Galerie PIXI (publication d'un catalogue), une deuxième en 1991, une troisième en 1992 , une quatrième enfin en 1993.

Il participe aussi à quelques expositions collectives.

En 1993, Alain Resnais appelle Floc'h pour collaborer à ses films Smoking no Smoking pour les affiches mais aussi pour une trentaine de dessins s'incrustant totalement dans le film.

En 1994, Floc'h rencontre Didier Christmann chez Dargaud qui lui publie deux nouveaux livres, Meurtre en Miniature, Journal d'un New-Yorkais et réédite Ma Vie dans une nouvelle présentation.

Une célébre bd publicitaire qui nous a fait écumer les pharmacies à l'automne 80' !






https://www.youtube.com/watch?v=_Lu_zz3Q8R4

Je ne l'ai pas mais on retrouve cette petite BD dans l'album Un Homme dans la foule. Evidemment, cela n'a évidemment pas du tout le même charme.

Belles images de M. Floc'h :

Raymond a écrit:D'abord, rappelons les grandes oeuvres de Jean-Claude Floc'h !

Il a été révélé au grand public grâce à Guy Vidal, qui avait d'abord publié dans le journal Pilote le Rendez-vous de Sevenoaks. Cette BD admirable était à la fois un hommage amusé au style ligne claire (en particulier celui de Jacobs) et surtout une enquête policière surréaliste fort bien racontée par François Rivière. Ce fût d'emblée une réussite éclatante, qui imposa le nom de Floc'h au grand public.



Le style graphique de Floc'h se distinguait de la vulgaire imitation grâce à son côté gracieux, et aussi par un évident souci de recherche esthétique. La BD pouvait bien sûr se lire au premier degré, mais la suite de sa carrière montra que Floc'h était avant tout guidé par une passion du dessin, qui devint assez rapidement l'intérêt prépondérant de ses œuvres.

La bande dessinée Le Rendez-vous de Sevenoaks, publiée en 1977, œuvre du scénariste François Rivière et du dessinateur Floc'h, est un hommage discret et malicieux, mais sans équivoque au Grand-Guignol, transposé dans l'Angleterre d'après-guerre. Le personnage de Basil Sedbuk, « prince du théâtre de la folie et de la mort », transpose la figure d'André de Lorde, prolifique auteur de pièces sanglantes et débridées pour le théâtre de la rue Chaptal.
planche originale :

coloriée:

C'était l'an passé :

et avant aussi:

2J a écrit:
La bande dessinée Le Rendez-vous de Sevenoaks, publiée en 1977, œuvre du scénariste François Rivière et du dessinateur Floc'h, est un hommage discret et malicieux, mais sans équivoque au Grand-Guignol, transposé dans l'Angleterre d'après-guerre. Le personnage de Basil Sedbuk, « prince du théâtre de la folie et de la mort », transpose la figure d'André de Lorde, prolifique auteur de pièces sanglantes et débridées pour le théâtre de la rue Chaptal.
planche originale :

Je ne connaissais pas André de Lorde ! Es-tu sûr que ce soit le modèle de Basil Sedbuck, car il n'est pas très ressemblant ?

Le texte dit :"transpose"
Il n'y a pas , à ma connaissance , de bd tirée de piéces d'A. DE LORDE .



la seule bd évoquant le grand guignol :

Revenons à J.C. FLOC'H :

Yves Klein traverse au bleu

MAGNIFIQUE :

Une grosse intégrale va regrouper quasiment tous les albums BD de Jean-Claude Floc'h. Ce bouquin de plus de 400 pages s'intitule Une amitié singulière !



Philippe Tomblaine décrit dans BDZoom ce livre ainsi que toute la carrière de Jean-Claude Floc'h :

http://bdzoom.com/153643/lart-de/«-une-amitie-singuliere-»-une-fascinante-affaire-de-style-selon-floch-et-riviere/

Bonjour







J'ai découvert récemment la trilogie du Blitz.
Celle-ci regroupe trois volumes : Blitz, Underground et Black-Out. Elle est scénarisée par le compère habituel de Floc'h : Rivière.
Les trois BD se déroulent à Londres, durant le Blitz (https://fr.wikipedia.org/wiki/Blitz), cette période dramatique de la Seconde Guerre mondiale où l'aviation nazie bombarda la capitale britannique.

Blitz a pour décor le salon de la demeure de Lord Hewston-Davis. Deux intrigues se partagent l'ouvrage. La première relève de l'espionnage et la deuxième du vaudeville.

Nous y découvrons la vie quotidienne des britanniques durant les attaques aériennes : un mélange de flegme et de patriotisme. Les personnages sont merveilleusement différenciés. Je confie avoir beaucoup apprécié le contraste entre le vieux lord, tourné vers le passé et se réfugiant dans les abris souterrains durant les alertes, et son fils, ancré dans le présent et poursuivant sa vie mondaine comme si de rien n'était. Heureusement l'afternoon-tea les réconcilient !
L'existence d'une cinquième colonne britannique est peu connue et la sympathie de nombreux anglais pour le nazisme reste dans l'ombre. Rien que pour cela, la BD est fort instructive (https://fr.wikipedia.org/wiki/British_Union_of_Fascists). La pirouette finale est surprenante et très bien amenée.

Le graphisme de Floc'h relève de la ligne claire et plaira aux amateurs de Chaland.



Au final, Blitz est une œuvre attachante, ancrée dans l'histoire et à la tonalité très british. Rivière et Floc'h l'inscrivent résolument dans le mouvement littéraire du nouveau roman (https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouveau_roman).

Underground a pour décor deux stations de métros, une desservant un quartier bourgeois et l'autre un quartier populaire. Durant un bombardement, nous y partageons la vie du peuple anglais. On y retrouve un mélange d'héroïsme et de civisme, mais aussi d'égoïsme et de trahison. La conclusion de la BD est un copier/coller de celle de Blizt, la modernité en plus !

Black-out nous ramène en surface et à l'espionnage. L'ouvrage assemble une BD et des nouvelles, déployant une redoutable mise en abîme.

Je n'ai pas apprécié Le rendez-vous de Sevenoaks, un peu trop surréaliste, un peu trop noir à mon goût. Aussi ai-je été heureuse de redécouvrir le couple Floc'h / Rivière dans une série plus historique et tout aussi surprenante.

Eléanore

C'est amusant ! Pour ma part, j'ai toujours préféré la "trilogie Francis Albany", peut-être parce que ce sont les toutes premières BD de Floc'h que j'ai lues, et qu'elles m'avaient enthousiasmé. La fin satirique (voir surréaliste) du "Rendez-vous de Sevenoaks" ne m'a jamais gêné, bien au contraire.  

Je n'ai par contre jamais relu cette trilogie du "Blitz", peut-être parce que sa lecture me paraissait un peu plus fade, peut-être aussi à cause de l'éloignement assez précoce par Floc'h du monde de la BD ... qui m'a beaucoup déçu.

Mais maintenant, Floc'h appartient au fond à l'histoire de la BD. On parle plutôt de lui au passé, tout comme on le fait pour Yves Chaland ou Ted Benoit. Il n'y a guère de Joost Swarte qui pourrait peut-être encore nous surprendre.

Pour poursuivre l'échange sur Blitz, on peut remarquer que chacune des deux intrigues de la BD respecte (ou peu sans faut), la règle des trois unités du théâtre classique : unité de temps (moins de deux jours), unité de lieu (le salon de Lord Hewston-Davis) et unité d'action (cohérence, absence d'intrigue secondaire et convergence de tous les personnages vers le dénouement). La conclusion de la BD est donc éminemment logique ! Rivière réussit l'exploit d'être classique tout en s'inscrivant dans le mouvement du nouveau roman !

Eléanore

Oui, Blitz est très classique, peut-être même un peu trop à mon goût. Ce sont des pièces de théâtre, et je ne suis hélas pas arrivé à me passionner pour les personnages. Mais je relirai cela un jour.

Jean-Claude Floc'h était la vedette des dernières rencontres Chaland à Neyrac ! Je l'ai déjà signalé ailleurs.



Une interview a été réalisée à cette occasion par Didier Pasamonik et elle vient d'être mise en ligne par ActuaBD :

https://www.actuabd.com/Floc-h-aux-Rencontres-Chaland-de-Nerac-l-essence-de-la-Ligne-claire

Je signale au passage qu'il existe un excellent article sur les liens entre Jean-Claude Floc'h et Yves Chaland (qui sont deux géants de la ligne claire) dans le dernier numéro des Cahiers de la BD.

Jean-Claude Floc'h est toujours très actif et il travaille surtout dans l'illustration.  Sa dernière œuvre est consacrée à son chien et elle s'intitule Chienne de vie.




ActuaBD commente cette nouvelle parution :

Floc’h et sa "Chienne de vie" - ActuaBD

Il y a un mois, Floc'h publiait un autre livre d'illustrations intitulé La femme de ma vie !



ActuaBD en parle ici :

Floc’h nous parle de la femme de sa vie. - ActuaBD

Allez, un petit hommage à Jean-Pierre Bacri avec quelques unes des affiches de films dans lesquels il jouait que Floc'h a réalisé

https://p1.storage.canalblog.com/13/77/914813/86335992_o.jpg

Il gagne certainement plus d'agent en dessinant des affiches ou des illustrations qu'en faisant des BD.   

Hélas pour nous...