Damned a écrit:Plausibles oui, mais s'appuyant sur de l'existant peu éloigné de leurs engins :
La fusée du professeur Tournesol n'était qu'un V2 géant !
Sa télé en couleur s'appuyait déja sur une télé !
Le requin à hélice n'était qu'une extrapolation des sous marins de poche et des propulseurs pour hommes grenouille.
L'espadon ressemblait au Styletto !
Donc rien de novateur en la matière, rien que des extrapolations !
Bon, alors faisons l'impasse sur Hergé et sur Jacobs qui ne seraient pas novateurs quand ils ont imaginé la fusée lunaire, la télé couleur, l'Espadon, etc, et remontons plus loin dans le temps, avant que les inventions réelles existent (avant la fusée V2 de Von Braun, etc). Remontons par exemple à Jules Verne qui a imaginé des tas de trucs de façon prémonitoire, et en particulier, puisqu'on en parle, du moyen d'aller vers la Lune (roman De la Terre à la Lune). Remontons à Léonard de Vinci qui a imaginé le parachute, l'hélicoptère, etc, et ce, plusieurs siècles avant que ça existe. Mais même eux se sont basés sur des choses existantes. N'importe quel inventeur se sert de son expérience et de l'observation de ce qui l'entoure, y compris dans la nature. N'importe quel romancier, auteur, se sert de ce qu'il voit, ce dont il a connaissance, pour en extrapoler quelque chose pour son oeuvre. Verne se documentait énormément, et tout ce qu'il apprenait (y compris par ses voyages car il a beaucoup voyagé), il le resservait dans ses écrits ; il a même tellement extrapolé qu'il a eu de stupéfiantes et véritables visions.
Seulement, ce qui fait la différence, c'est que non seulement ces inventions ont fait rêver en leur temps, mais en plus elles tenaient la route car basées sur des réflexions et une étude sérieuses menées par les auteurs concernés. A preuve : elles ont trouvé bien plus tard des applications réelles.
Un peu dans le même ordre d'idées, Charlier disait toujours que pour chaque histoire qu'il invente, chaque thème pour un scénario, il se sert d'un point de départ réel. Puis il se documente, parfois à fond. Il était connu pour l'étendue de ses archives et pour son carnet d'adresses très étoffé lui permettant de contacter n'importe quel spécialiste. A partir de là, il extrapole, il imagine, comme tout auteur. C'est le meilleur moyen d'écrire une BD qui tienne la route - et qui fasse néanmoins rêver, puisque c'est ça que nous cherchons tous. Mais, que ce soit Hergé, Jacobs ou Charlier - ou Verne -, à la base souvent il n'y a rien de nouveau. Quand on interroge n'importe quel inventeur, n'importe quel romancier, il arrive toujours un moment où il dit "Oui, j'ai eu telle idée parce que j'avais lu dans tel journal ou dans tel livre, ou : on m'a raconté que, ou : en me rendant à la Bibliothèque nationale, j'ai découvert que", etc. C'est bien connu : rien ne se crée vraiment...
Au sujet de la fusée lunaire, une digression et une anecdote intéressante, en passant. Au début du XXe siècle, un ingénieur soviétique du nom de Konstantin Tsiolkovski avait inventé, bien avant Hergé, bien avant Von Braun, bien avant Goddard et d'autres, le principe de la fusée propulsée permettant de se déplacer et de vivre dans l'espace. Il en a réalisé des plans très réalistes. Il est considéré comme le "père" de l'astronautique russe, et même de l'astronautique mondiale. Personne n'en parle. J'ai depuis longtemps toute une documentation à son sujet (sur Internet, aujourd'hui, il doit y avoir tout ce qu'on peut trouver sur cet ingénieur ; je n'ai pas cherché mais ça doit y être). En 1989, l'éphémère hebdomadaire Tintin Reporter - il n'avait duré que 10 mois - m'avait demandé de réaliser un certain nombre de BD type "Oncle Paul" qui parurent à raison d'une histoire dans chaque numéro, parallèlement à la republication, dans les pages du journal, des planches
originales de l'histoire d'Hergé On a marché sur la Lune ; à chaque anecdote ou information ou péripétie de l'histoire d'Hergé, devait correspondre en vis-à-vis ou presque une de mes BD racontant un événement réel (ainsi, le numéro de Tintin Reporter paraissant autour du 20 juillet 1989 devait publier - et c'est ce qui est arrivé - les planches d'Hergé où Tintin pose le pied sur la Lune, et mon histoire de la première marche sur la Lune par Armstrong, tout ceci à peu près à la date du vingtième anniversaire de l'événement). Le dessinateur était un certain Bruno Derrien. Nous avions prévu que dans le cadre de cette série documentaire, je publie l'histoire de Tsiolkovski, dont j'avais appris l'existence à la rédaction. Et j'avais surtout appris à toute l'équipe que ce Tsiolkovski n'est pour moi ni plus ni moins que le modèle du professeur Tournesol, inventeur de la fusée lunaire dans Tintin. Je n'ai jamais su si Hergé s'en était inspiré pour créer Tournesol - je suis presque sûr que non, vu que le "modèle" de Tournesol était le fameux physicien Auguste Piccard - toujours est-il que ce Tsiolkovski ressemble plus qu'étrangement à Tournesol : mêmes petites lunettes rondes, même barbiche (à une époque du moins), même surdité (eh oui...) et même distraction (dans le sens d'étourderie), même caractère emporté et impulsif parfois, et bien sûr même génie inventif, y compris quand Tsiolkovski a imaginé la fusée spatiale avec des astronautes-pilotes à bord - au début du XXe siècle, donc. Cette ressemblance est pour moi incroyable... Une différence : autant Tournesol est petit et malingre, autant Tsiolkovski était du genre costaud...
Hélas - pour l'anecdote dans l'anecdote -, mon scénario racontant la biographie de cet ingénieur n'a pas pu paraître, le journal Tintin-Reporter ayant cessé d'exister, au milieu de l'été 1989, faute de succès et de fric (la rédaction et la veuve d'Hergé, partie prenante, avaient tenu à maintenir la parution jusque fin juillet 1989 pour que la scène de la marche sur la Lune de Tintin puisse être publiée ; mais les gérants ont mis la clé sous la porte deux numéros après et de nombreux projets BD sont tombés à l'eau).