Ce n'est pas grave ! Je peux tout-à-fait m'en contenter.
Sinon, pendant cette même année 2008, je me décidais finalement à acheter
le Fleuve de Jade. Je n'avais pas changé d'avis sur la BD, il faut bien l'admettre, et je faisais cet achat uniquement pour compléter ma collection d'albums d'Alix !
C'est comme cela, quand on est collectionneur !
Le début de l'histoire était plutôt plaisant à lire, car j'y découvrais de belles images d'Alexandrie et d'autres lieux archéologiques célèbres. Rafael Morales était un bon dessinateur de décors et sa reproduction minutieuse des monuments, des meubles d'intérieurs ou des costumes d'époque avait des aspects séduisants. L'album était en fait un petit "voyage" dans l'Egypte au temps des Romains.
Comme dans "le Prince du Nil", Alix et Enak étaient invités en Haute Egypte par le Prince de Meroe. Cette fois-ci, le projet était de marier Enak (toujours considéré comme "prince de Menkhara") avec la jeune sœur de Djerkao, pour rassembler ainsi les deux provinces de la Nubie. Il y avait bien sûr un piège et plusieurs mauvais présages confirmaient cette impression pendant le voyage, mais la première partie de l'aventure restait assez contemplative. Alix et son compagnon remontaient donc le Nil en bateau et visitaient plusieurs sites célèbres, comme par exemple Abou Simbel.
Une fois arrivés chez Djerkao, Alix et Enak faisaient connaissance avec la princesse Markha qui, elle non plus, n'avait pas envie de se marier. Elle proposait donc à son fiancé une alliance afin d'échapper à ce mariage forcé. Mais hélas, dès que le récit reposait davantage sur le dessin des personnages, l'intérêt de l'album commençait bien sûr à faiblir.
Alix et ses amis s'enfuyaient donc en bateau sur le Nil, en direction de la Nubie, et l'aventure changeait complètement de style. Poursuivis par le prince Djerkao, les fuyards s'enfonçaient dans le désert pour y affronter une nature étrange et hostile. Ils arrivaient près d'un nouveau fleuve dont l'eau apparaissait dangereuse, verdâtre et gluante, tandis qu'ils rencontraient un dangereux troupeau de buffles ainsi qu'une troupe de singes au comportement agressif. Incapable de supporter tout cela, la jeune princesse Markha cherchait à fuir ce monde malveillant mais, pourchassée par les buffles, son chariot était précipité dans le "fleuve de jade" dont les eaux visqueuses aspiraient aussitôt ses occupants, pour les noyer. Il n'y avait aucune possibilité de s'en échapper et, en découvrant tout cela, j'avais bien de la peine à croire à ce fleuve anormal (et à toute cette histoire).
Mais l'horreur ne faisait que commencer. D'étranges monstres gigantesques, à moitié humanoïdes et à moitié reptiles (qu'un voyant décrivait comme des "titans") surgissaient alors du désert. Ils massacraient sauvagement les singes et en dehors de cet aspect macabre, l'aventure semblait complètement échapper à toute réalité. Était-il possible de croire à ces montres fantaisistes ? Le scénario aurait-il gagné un peu de crédibilité avec un dessinateur plus talentueux ? Je n'avais pas de réponse satisfaisante à cela, et il me semblait que l'imagination de Jacques Martin s'était aventurée au delà du bon sens.
Je ne m'attarderai pas sur la fin de l'aventure et sur le difficile retour d'Alix vers la Basse Egypte. De toute évidence, le scénario était étrange et difficilement vraisemblable. Jacques Martin avait probablement été mal inspiré, mais peut-être que cet album très faible aurait été plus crédible s'il l'avait dessiné lui-même. Après tout, on découvrait aussi un étrange homme-reptile dans la dernière aventure de Corentin, et les qualités graphiques du dessin de Cuvelier avaient été suffisantes pour nous faire oublier certaines impossibilités du scénario.
Aujourd'hui, je n'ai pas de réponses à ces questions. Je suis devenu un peu moins sévère avec les aspects fantastiques de cette histoire, mais il est clair qu'elle serait complètement oubliée si elle n'appartenait pas à une série vedette comme Alix.
Il restera probablement de cet album quelques belles images de l'Egypte, ainsi que l'un des plus curieux scénarios que le maître ait jamais imaginé.