Une série bien structurée historiquement et politiquement :
Une génération française
Comment réagir face à des événements qui bouleversent radicalement une société ? Lutter ou subir ? Dans cette série chorale s’incarnent, en trois personnages principaux, trois attitudes de la population française face à l‘Occupation nazie : l’exil et la lutte armée suite à l’appel du Général de Gaulle
; la collaboration dans les traces du maréchal Pétain ; la Résistance. Une génération française constitue un panorama général de la société française d’avant-guerre, où se dessinent 3 choix de vie, façonnés par l’histoire familiale des héros et par le tournant de l’Histoire.
Martin Favre est étudiant à la faculté de langue de la Sorbonne. Il habite une chambre de bonne d’un grand hôtel particulier, et donne des cours aux lycéens des beaux quartiers, ce qui lui assure un niveau de vie très convenable. Séducteur, il virevolte des serveuses du quartier Latin, aux mères de ses élèves. Quand la guerre éclate, Martin tombe des nues.
« Nos gars ont fait ce qu’ils ont pu avec les ordres qu’ils avaient. »
Le lieutenant Tanguy Brettin d’Arconnet, militaire de carrière et fils d’un héros de 14-18 est au front sur une ligne Maginot que l’on prétendait infranchissable. L’armée allemande est cependant surentrainée et la française mal dirigée par un état-major vieillissant. Les hommes se défendent pour la forme et pour l’honneur, mais dans les rangs personne n’a le moral, personne n’y croit. Bref, la débandade est totale. Une fraction des soldats fuit vers la Grande-Bretagne d’où elle espère se réorganiser. Mais à quoi bon puisque le maréchal Pétain plaide pour la capitulation.
Cette première partie d’un diptyque (inscrit dans Une génération française, une trilogie de doubles albums ; les deux autres traitant de la résistance et de l’exil) constitue à peine un récit. Les acteurs ont peu de charisme, le protagoniste n’a d’ailleurs pas vraiment de densité, sinon à l’occasion de quelques actes présentant un conflit larvé avec son père. En terminant le livre, le lecteur se souvient d’un climat, des états d’âme des combattants, mais surtout de l’évocation d’un triste épisode de l’histoire de l’Hexagone. Cette approche impressionniste n’est pas inintéressante, elle souligne que la figure centrale est tout simplement la guerre et que dans ce cadre les conscrits occupent des rôles de soutien.
Le découpage de Manuel Garcia est très créatif. Les cadrages sont variés, les pages sont souvent imprimées à marge perdue, les illustrations s’empilent ; peut-être certaines planches sont-elles trop chargées ? Cette construction, un peu chaotique, évoque pourtant bien la violence des affrontements. Le dessin, réaliste, est percutant. Les personnages et les situations sont crédibles. Les nombreuses scènes d’action sont énergiques. Au final, le bédéphile ressent toute l’intensité des hostilités et la douleur de la défaite.
Un propos didactique, qui s’attarde sur une toute petite partie de la déroute. D’une belle efficacité.
Par J. Milette
« Aux armes ! Les Allemands ont gagné une bataille, pas la guerre. Des Français continuent de lutter. »
1940, la majeure partie de l’Hexagone est occupée. Dans les chambres de bonne, les caves et les arrière-boutiques, l'insurrection s'organise. Elle est certes un peu brouillonne et amateur, mais elle est bien là. Zoé, étudiante à la Sorbonne, s’insurge contre l’envahisseur germain. Sur un bout de papier, elle écrit un manifeste d’une vingtaine de mots. Avec ses copains, elle le copiera 200 fois et le distribuera à la fac. De fil en aiguille et sans complètement le réaliser, la protagoniste se trouve à la tête d’un petit réseau qui se bat avec sa plume. Pendant ce temps, les hommes politiques, pragmatiques, composent avec ces « invités » venus d’outre-Rhin.
Le scénario, signé Thierry Gloris, s’inscrit dans une trilogie de diptyques. Le premier est consacré à la lutte armée, le deuxième à la collaboration et le troisième à la résistance. L’intérêt de la saga est d’exposer ces trois angles, avec, en alternance, les réflexions des militaires et des politiciens qui s’accrochent au semblant de pouvoir qu’il leur reste. Tous les points de vue sont donc au rendez-vous, sauf peut-être celui de l’ennemi.
Dans Ayez confiance !, au-delà des opérations des activistes, l’auteur présente le portrait d’une femme forte. Le rythme est lent et c’est au travers d’une foule de gestes plus ou moins anodins que l’héroïne se construit et s’affirme. La série n’est pas au niveau du Vol du corbeau et du Sursis de Jean-Pierre Gibrat qui abordent sensiblement le même thème, mais cet épisode d’Une génération française s’avère une agréable lecture et il constitue un ajout significatif à l’ensemble.
Le lecteur devine que le mandat confié Ana Luiza Koehler vient avec un lourd cahier des charges. Son dessin doit en effet demeurer cohérent avec celui d’Eduardo Ocana et de Manuel Garcia, lesquels tiennent les pinceaux des deux autres segments. Malgré ces contraintes, l’artiste tire son épingle du jeu. Les comédiens ont du caractère (et ceux déjà présentés par ses confrères sont aisément reconnaissables), les décors réalistes et le découpage efficace. Le bédéphile découvre par ailleurs une créatrice talentueuse au trait dansant qui arrive, en quelques mouvements à donner vie à ses acteurs. Mentionnons la très belle mise en couleur réalisée par Cyril Saint-Blancat, laquelle renforce la transition entre le travail des trois illustrateurs.
Représentation réussie d’un personnage féminin fort qui tient tête aux troupes d’Adolf Hitler, mais également à la phallocratie de son époque.
Par J. Milette