Avec "Le procès de Gilles de Rais" se termine ainsi le cycle, le chapitre consacré au maréchal de France et connétable, Gilles de Rais, le personnage phare de Jean Pleyers, inauguré il y a plus de 40 ans avec le personnage Xan dans "L'or de la mort". Entre chronique judiciaire, syncrétisme paganique, ésotérisme et Dualisme, il faut envisager ce chapitre final non moins tant comme une conclusion que plutôt comme la reconstitution d'un puzzle avec la fameuse pièce manquante qui donne le sel et apporte toute la substantifique moelle à cette thématique inhérente au héros médiéval créé par Jacques Martin et permet in fine de mieux appréhender cette amitié somme toute très ambiguë entre un baptisseur faiseur de sacré et un tueur en série de la noblesse d'épée.
Cette histoire peut se subdiviser en deux parties, l'histoire événementielle de la chronique judiciaire du procès d'une part, la quête de la vierge qui pleure sur fond d'ésotérisme et de dualisme manichéen d'autre part. Il va sans dire que c'est cette deuxième partie qui à mon sens, est la plus intéressante en tant qu'elle donne en définitive les clés pour décrypter cette amitié et mieux cerner la psychologie des hommes de la société féodale. C'est à une véritable plongée symbolique dans la légende noire des ténèbres à laquelle nous convient Jean Pleyers et Néjib pour nous mener progressivement vers la marche du salut, les yeux tournés vers le ciel et la lumière.
Le scénario de Néjib se conjugue parfaitement avec le dessin, l'enluminure colorée de Jean et Corinne Pleyers pour nous dépeindre la réalité d'un monde sombre de moines, de clercs, de guerriers, pour nous restituer une part résiduelle de cette société de la féodalité et de la psychologie de l'Homme médiéval.
Pour planter le décor, les auteurs nous présentent un personnage au préalable torturé psychologiquement, en proie à ses tourments et ses démons; le point de départ de l'histoire qui commence symboliquement dans la pénombre nocturne et les ténèbres de l'enfer (p3-4).
S'en suit un dialogue avec la lumière du jour et la conscience retrouvée qui n'est autre que Jhen (p5 à p8). Pas à pas, le scénario de Néjib nous amène vers la genèse du procès, la causalité racine qui pour paradoxale soit-elle, n'est pas tant les infanticides ou pratiques démoniaques que la ligne rouge qui a été franchie (p6-7) lorsque Gilles de Rais est entré armé dans l'église pour reprendre son bien immobilier (p6). A partir de ce moment se mettent en place les éléments à charge constitutifs du procès de Gilles de Rais.
Parallèlement à la chronique événementielle du procès (p17 à p20), (p29,30,34,40), les auteurs s'attachent à livrer les factorielles du devenir d'un monstre, son enfance (p23,24,31,32,33,38) et la césure, le point de rupture psychologique qui a enfanté la légende noire que l'on connaît.
Au demeurant, les auteurs nous offrent une procession spirituelle qui commence en enfer ( à travers le procès et les factorielles psychologiques) pour aboutir au purgatoire avec la quête de la vierge qui pleure et finir au paradis sur le bûcher, ce moment ultime où Gilles de Rais retrouve la lumière, une part infime de son humanité et se trouve libéré de ses névroses. De ce point de vue, je n'hésite pas à classer définitivement cet album parmi les meilleurs de la série..