Le procès de Gilles de Rais

Je partage cet avis Raymond et Suréna. Je viens de lire l'album avec surprise et plaisir. Surprise, car je ne m'attendais pas à ce qu'il suive le véritable procès d'aussi près, mais avec suffisamment de liberté pour introduire des péripéties d'aventure et de vie intérieure confinant au fantastique d'une manière que je trouve très maîtrisée et très équilibrée.
Le dessin est magnifique, paré des somptueuse couleurs que lui apport Corinne Pleyers, et demanderait une analyse symbolique approfondie. Le rôle des oiseaux dès la première case est central, comme commentaire allégorique des situations et des âmes des personnages.

J'exprimerais une légère divergence avec l'analyse de Suréna quant au dessin : si je suis d'accord avec lui pour dire que certains albums des dernières livraisons de Pleyers étaient moins soignés, il faut toutefois faire exception à cette impression pour le cas de Draculea, le précédent Pleyers que j'ai trouvé aussi beau que les opus plus anciens de la série où rayonnait pleinement le talent de Pleyers, et en cela bien supérieur par exemple à La Sérénissime.

Pour le reste, il est certain qu'avec le présent album, la richesse des détails est admirable et ménage de grandes joies au lecteur contemplateur des cases qui sont chacune une petite oeuvre.

La fin éclaire le lien symbolique de Jhen et Gilles de Rais d'une manière remarquable, en jouant de la dualité nocturne et lumineuse de la psyché, comme si Jhen était devenu une part de l'âme tourmentée de Gilles, laissant aussi imaginer entre eux, ou du moins de la part du Maréchal, une attraction amoureuse sublimée. On peut en tout cas interpréter les sinuosités de la relation entre les deux personnages de mille façons : la confrontation de deux personnalités dissemblables mais aussi fortes l'une que l'autre, assez pour se comprendre et se fasciner, même si le Maréchal ne cesse de manipuler Jhen. Mais on peut aussi voir ce jeu comme une manifestation de l'âme de Gilles lui-même, qui ne cesse de fluctuer et se tendre à soi des pièges, Jhen figurant à la fin ce double spirituel demeuré pur au plus noir de Gilles, au point de figurer un Ange de la mort salvateur au lieu que d'être destructeur, le feu cessant alors d'être châtiment pour devenir pure lumière préparant une conversion au sens propre du terme, sur le chemin d'un salut paradisiaque. Les ultimes paroles de Gilles à Prelati pourraient le laisser penser.

Tout ceci est-il jeu fantastique, réalité mystique, projection dans le récit de l'étrange foi contradictoire de Gilles ? Témoignage des mentalités médiévales dans ce qu'elles ont pour nous de plus étonnant ? Tout cela à la fois, sans doute.

stephane a écrit:Waouh quelle claque !un très bon Jhen avec un scénariste Néjib qui a compris la grammaire Martinienne et un jeune dessinateur de 76 ans en pleine forme graphique.
Malgré tout, j’attends de recevoir l’album en noir et blanc pour le relire et approfondir un détail ( qui me perturbe )notamment sur le Barron car il y a une case qui peut donner à penser à  une autre interprétation que celle écrite par Draculea (qui est aussi ma première analyse.)

Ce que tu écris me donne à songer. Mais je crois deviner un peu......... Je vais d'abord relire moi aussi.

Voici ce que déclare Jean Pleyers dans la seconde partie de l'entretien accordé à Raymond pour Alixmag : "Jhen est devenu la conscience de Gilles de Rais."
C'est ainsi que je le sentais dans ma lecture de l'album. D'où cette fusion intérieure entre anima sombre et anima claire laquelle doit pour pénétrer la première emprunter elle aussi des habits de nuit. Sans doute cette superposition explique aussi qu'à l'instant ultime Gilles adresse à Jhen un dernier témoignage d'affection où le mystique, l'éthique et l'amical, sinon l'amoureux platonique coïncident parfaitement

Pourrais-tu nous en montrer quelques aspects cher Stéphane ?

J'ai aussi le volume des Voyages de Jhen intitulé Gilles de Rais. Du coup en effet, même si la version noir et blanc de ce nouveau récit doit être belle aussi, je me sens moins enclin à acquérir cette édition collector. La documentation historique du Gilles de Rais est très fouillée et il est vrai que c'est un complément intéressant à l'histoire qui vient d'en être tirée. Le seul petit bémol peut-être corrigé dans la présente édition était une écriture documentaire d'une rédaction souvent lourde et maladroite quand elle ne comprenait pas de navrantes fautes de français. Cela m'avait à l'époque assez surpris.