Je n'ai pas encore fini de lire ce recueil du journal Tintin (777 pages, c'est plutôt long !), mais il y a déjà un certain nombre d'évidences qui s'imposent.
Tout d'abord, l'intérêt du livre ne provient pas seulement des BD qu'il contient. Les auteurs ont aussi réussi à raconter la vie du journal, grâce à la présentation des séries par ordre chronologique, grâce aux textes de Philippe Goddin, bien sûr, et surtout grâce aux multiples reprises du rédactionnel de l'époque. Ces textes d'époque ont un caractère assez désuet, mais ils révèlent bien l'ambiance du journal d'alors.
Ensuite, le choix des récits complets est souvent assez judicieux. Certes, un grand nombre d'entre eux ne sont pas vraiment inédits (comme ceux de Michel Vaillant, Ric Hochet, Chevalier Ardent etc.), mais tout le monde ne possède pas forcément l'intégrale de ces séries. De plus, certains récits comme celui de la découverte du tombeau de Toutankhamon (dessiné par Jacobs) ou comme l'Iliade (dessiné par Cuvelier) sont plutôt difficiles à trouver pour l'amateur moyen. Et enfin, le mélange de toutes ces BD est assez bien fait, et il donne une bonne idée de la qualité du journal à une époque donnée.
En plus, les grands classiques des débuts du journal (Tintin, Blake et Mortimer, Alix) sont présentés avec leurs savoureux pastiches. Ceux-ci avaient été publiées dans le "numéro spécial 35 ans" en 1981, et c'est une bonne idée que d'intégrer ces pages rares dans ce gros recueil.
Je suis en revanche moins content de trouver de longs extraits d'albums classiques pour des séries comme Jonathan (L'espace bleu entre les nuages), Simon du Fleuve (Les pèlerins) ou Thorgal ("Première Neige" qui est repris dans "Aaricia"). Il y avait certainement des alternatives plus intelligentes, permettant de proposer du matériel inédit (par exemple, les BD rares qui ont été publiées dans le Tintin "Spécial 40 ans").
Et puis, j'ai déjà parlé de quelques manques regrettables, comme par exemple le RC dédié à E-P. Jacobs et dessiné par Francis Carin en 1985. C'est bien sûr un choix purement personnel, donc contestable, mais ce genre de recueil était l'occasion rêvée d'offrir aux lecteurs une BD devenue très rare.
Une autre remarque évidente surgit de la lecture de ce recueil : le journal Tintin avait sérieusement décliné à partir du milieu des années 80. Cette baisse de niveau s'est faite progressivement, en raison surtout du manque d'intérêt des nouvelles séries qui étaient publiées. Certes, la fin du journal est d'abord due à la décision de Moulinsart SA, qui voulait éditer son propre "journal de Tintin", mais le titre ne volait déjà plus très haut à ce moment-là. Il en résulte que cette fin prématurée ne suscite finalement pas beaucoup de regrets.
Malgré ces quelques petites remarques, ce gros volume est passionnant à découvrir, et il réveille surtout de nombreux souvenirs.
Il vaut certainement la peine d'être acheté !