Comme Raymond, je l'ai acheté. Je me suis fait avoir, bêtement ; je me suis précipité sur l'objet, sans hésiter une seule seconde. Une fois parcourue la chose, j'ai vite déchanté.
Les seuls points positifs, c'est la couverture, plutôt réussie et le format qui respecte celui de la dernière mouture du Pilote hebdomadaire. On a évité une réduction trop importante des planches. Pour le reste, Raymond a tout dit : il n'y a rien à ajouter.
L'idée même, à la réflexion, était une fausse bonne idée. Car la meilleure période de Gotlib, la meilleure au sens qualitatif, c'est celle du journal Pilote.
Et pour la découvrir, il existe l'intégrale de la Rubrique à Brac ou encore les albums à l'unité.
On se lasse assez vite de la période Pipi-Caca entamée à l'Echo des Savanes, même si graphiquement Gotlib était à son apogée. "Hamster Jovial" pour Rock & Folk et "Pervers Pépère" pour Fluide ont donné lieu à quelques bons gags, mais cela reste tout de même marginal par rapport à la Rubrique à Brac. Et si les planches livrées à Vaillant et Pif ("Nanar et Jujube" puis "Gai Luron") sont quantitativement nombreuses, elles contiennent le génie de Gotlib en germe, mais ce dernier n'aura explosé qu'au contact d'autres auteurs, avec les fameuses réunions du journal Pilote : cette période où des auteurs classiques comme Goscinny, Charlier, Morris, Uderzo, Godard, Martial, Tabary, Jijé, Giraud cotoyaient des dessinateurs satiriques venus de Hara Kiri (Fred, Reiser, Cabu, Gébé) mais aussi des gens venus de tous horizons (Parras, Clavé, Hubuc, Pélaprat, Poppé, De Beketch, Loro, Mézières, Bretécher, Mandryka, Lob, Alexis, Forest, Druillet, Pichard, etc...) fut très profitable et la plus bénéfique, sur le plan créatif. Pour Gotlib, mais aussi pour la plupart des auteurs mentionnés ci-dessus, qui ont produit quelques oeuvres majeures au cours de cette période enchantée.
Dans "Les Années Pilote", Charlier répondant à une interview de de Philippe Bronson pour l'émission "Bretzel liquide", datant de 1983, apporte un éclairage :
"Pilote est peut-être le seul journal de bande dessinée qui ait eu une véritable rédaction, à l'égal de la presse classique. Nous faisions une réunion toutes les semaines, qui durait très longtemps, avec tous les collaborateurs du journal, où tout le monde apportait ses idées.... Trop souvent, les journaux d'aujourd'hui se limitent à un rédacteur en chef, un maquettiste et une secrétaire... Point final. Il n'y a plus d'esprit. A l'époque, tous nos numéros étaient préparés en commun... C'était une vraie rédaction, je crois que ce cas reste unique dans les annales de la bande dessinée. Même à la grande époque de Spirou ou de Tintin, je n'ai pas connu cela."