J'ai finalement lu cette
Revue Dessinée, qui est un journal de reportages en BD !
Il y a un peu de tout : du bon et du moins bon ! J'ai lu cet album en me demandant ce que la BD apportait à chacune des enquêtes (ou des récits) qui étaient réalisés. On pourrait en fait formuler cette question d'une façon plus directe : est-ce que la séquence d'images est le moyen adéquat d'expliquer ou de présenter un fait d'actualité ?
Historiquement, la BD est en partie issue du dessin caricatural. Il n'y a donc aucune difficulté pour dessiner une BD d'humour qui traite de l'actualité. La chose devient plus délicate lorsqu'il faut développer un sujet d'une façon sérieuse, comme souhaite le faire la
Revue Dessinée. Certains dessinateurs (comme Cabu) ont jadis montré que le reportage dessiné était tout à fait possible, et qu'il avait même son charme. Il faut cependant trouver un style approprié, afin de réaliser quelque chose d'autre qu'un simple reportage avec photos.
C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit en découvrant les pages dessinées par Stassen. Il explique une manifestation qui s'est déroulée à Bruxelles, et qui était organisée par des africains qui protestent contre la politique de l'état du Congo. Pour faire cela, il donne la parole aux africains qu'il a rencontré. Cela donne une suite d'images assez statique, envahies par un texte pléthorique.
Sur le plan journalistique, c'est très correct, mais est-ce que cela a un intérêt en bandes dessinées ? Le meilleur vecteur d'un tel reportage aurait plutôt été un petit film, ou alors un article écrit avec quelques photos. Cette BD n'est donc (à mon avis) pas une véritable réussite. Il suffit de comparer avec certains albums de Stassen, qui
racontent l'histoire d'enfants africains et qui sont de véritables petits chefs d'oeuvre.
On trouve aussi dans cette revue une courte biographie racontée en BD. C'est un genre qui est bien connu, et qui se rapproche des
Histoires de l'Oncle Paul (cette comparaison n'étant pas péjorative pour moi). C'est à ce registre qu'appartiens "Face B", une courte évocation de la vie du musicien Moondog, qui est réalisée par Moog et Le Gouefflec.
Les BD les mieux réussies sont probablement celles qui racontent une expérience. C'est pas exemple le cas de "Terres australes" de Christian Cailleaux, qui présente en image un voyage vers les îles françaises proches de l'Antarctique. La Bd permet alors de construire un récit concis, nuancé, précis et jamais ennuyeux.
Parfois, il y a de fausses bonnes idées, comme par exemple "Passion Byte" qui raconte l'histoire de l'informatique. La BD est un excellent moyen de résumer une histoire longue et complexe, et l'usage d'un dessin synoptique donne même l'impression qu'il s'agit d'un exposé théorique. Hélas, il faut tout de même avoir un certain talent de conteur, si on veut que le résultat soit intéressant.
D'une autre côté, certains dessinateurs ne peuvent s'empêcher de garder une démarche artistique. C'est le cas de l'excellent Jorge Gonzalez qui raconte les derniers jours d'Allende, et l'intérêt nait alors de la correspondance (ou du constraste) entre le style et le sujet qui est raconté.
Il y a donc tout cela, ainsi que beaucoup d'autre BD plus ou moins intéressantes, dans la
Revue Dessinée. Il faut toutefois reconnaître à cette publication l'immense mérite d'effectuer un véritable travail de défrichage dans le domaine du reportage. Le résultat n'est pas inintéressant, loin de là, mais il y plus de bonne volonté que de belles trouvailles. La faculté d'intéresser le grand public va être le principal défi à relever pour cette équipe, je pense, si elle souhaite pérenniser ce genre de publication.