Roger Seiter nous gâte. Après un excellent
Alix, voilà un très bon
Lefranc.
La BD mélange avec beaucoup de bonheur l'Histoire et les histoires ainsi que le présent et le passé. La Guerre d'Espagne nous est ainsi restitué à travers le regard des humbles, de ceux qui l'ont vécue, loin des généraux. De plus, le scénariste porte un regard critique sur les divisions du camp Républicain très éloigné de celui de Gibrat dans les deux derniers tomes de
Matteo.
La guerre se taille la part du lion dans l'ouvrage, qu'elle soit froide ou active. Nous passons ainsi des années 30 aux années 60 avec une mise en perspective tendant à démonter que l'homme reproduit inlassablement les mêmes tragédies. cette alternance d'époques se retrouve dans les deux romances, celle d'Ines, la compagne de l'oncle de Lefranc, et celle de Soledad, sa fille.
Le tout est empreint d'une douce tristesse.
L'intrigue défile à toute vitesse, ponctuée par quelques rebondissements, mais surtout admirablement tendue par l'étrange alliance entre la bombe H et l'ancien phalangiste.
La BD se veut aussi morale car à la toute fin, chacun semble avoir eu le destin qu'il mérite.
Le graphisme de Régric sonne parfaitement juste et le dessinateur qui vit en Espagne met beaucoup de lui-même dans les décors et dans l'ambiance. Les visages sont tristes, gais, en colère, apaisé et la mise en image d'une kyrielle de personnages passent très bien. je regrette juste un micro détail : certains yeux étrangement trop grands.
Au final, ce sera entre
EEE et
EEEE. Ce nouvel opus trône au sommet des reprises de la série, juste à côté de
La Rançon. Clovis Sangrail peut donc sacrifier quelques 6 mm de rayonnage
. L'ouvrage le mérite. Il est à noter que je n'ai pas encore comparé l'édition standard avec celle de Canal BD. J'essaierai de le faire cet après-midi.
Eléanore