Raymond a écrit: Jean-Luc a écrit:http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2013/08/11/asterix-comment-albert-uderzo-a-cede-le-flambeau_3460059_3208.html
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Article n'étant que le premier d'une série
Les coulisses du prochain Astérix... 1/6.
Par Toutatis, Bélénos et Amora réunis ! Un prochain album d'Astérix sortira en octobre et, pour la première fois, celui-ci ne portera la signature d'aucun des deux créateurs de la série, René Goscinny (mort en 1977) et Albert Uderzo. Ce dernier avait repris seul, deux ans après le décès de son alter ego, les aventures du petit Gaulois en assumant le scénario en plus de sa partie, le dessin. Neuf albums s'en étaient suivis et, en 2008, alors âgé de 80 ans, Albert Uderzo avait rangé ses pinceaux en décidant que son personnage disparaîtrait avec lui – comme Hergé avec Tintin.
Le cours des choses s'est donc inversé. Le temps d'une histoire – la 35e de la série, appelée Astérix chez les Pictes –, les habitants de l'irréductible village gaulois ont de nouveaux "papas" : le scénariste Jean-Yves Ferri et le dessinateur Didier Conrad, deux auteurs incontestables de la bande dessinée francophone d'aujourd'hui, choisis au terme d'un processus assez singulier dont nous vous dirons tout ces prochains jours.
"DANS LE FOND DE MOI-MÊME, CELA ME DÉCHIRE UN PEU"
Au dernier étage du luxueux hôtel particulier qu'il habite à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Albert Uderzo affecte une indifférence polie quand on lui demande, et redemande, ce qu'il ressent à l'idée que ses personnages vont évoluer sans lui, ce qu'ils n'ont jamais fait depuis leur création en 1959. Le fait qu'il ait lui-même supervisé la réalisation de l'album à venir, observant à la loupe chaque vignette et faisant corriger si besoin tel détail, explique sans doute une certaine retenue dans sa voix – cet album est aussi en partie le sien. Il n'empêche : "Dans le fond de moi-même, voir Astérix entre d'autres mains me déchire un peu", finit-il par lâcher.
Uderzo s'était-il quelque peu précipité en annonçant qu'il n'y aurait plus d'Astérix après lui ? "Oui, répond-il aujourd'hui. C'est une décision que j'avais prise bêtement en oubliant que l'ayant droit (Anne Goscinny, la fille unique de René Goscinny) n'était peut-être pas d'accord avec moi." Codétentrice du titre, Anne Goscinny avait effectivement un avis contraire sur la question : "J'ai toujours pensé que le personnage était suffisamment fort pour survivre à ses auteurs", confie-t-elle.
On peut légitimement penser, par ailleurs, que Hachette Livre, à qui Albert Uderzo a vendu les parts qu'il détenait dans sa société (les éditions Albert René) en décembre 2008, ne fut pas étranger à ce revirement. Cette cession avait à l'époque provoqué l'ire de sa fille et associée, Sylvie, avec qui il est aujourd'hui en conflit à travers plusieurs procédures. Uderzo père avait alors décidé qu'Astérix partirait dans la tombe avec lui, sur l'air de : A quoi bon se fatiguer dans la vie... si le but est de se déchirer au sein de sa propre famille ?
LA QUESTION DE LA TRANSMISSION
Le temps a fait son œuvre, et si Uderzo ne s'est pas réconcilié avec sa fille, il est revenu sur sa décision, un peu comme il l'avait fait après la mort de René Goscinny : "J'avais passé deux années dans le brouillard en me disant qu'Astérix, c'était fini", se souvient-il. La pression des fans, entre autres choses, l'avait alors convaincu de reprendre le flambeau. "L'un d'eux m'avait écrit pour me dire : "Vous n'avez pas le droit d'arrêter. Astérix appartient à ses lecteurs." Il avait raison. Le succès de notre petit Gaulois doit sans doute beaucoup à ses deux créateurs, mais il doit tout autant à ses lecteurs. Il ne faut jamais oublier ce que l'on doit aux gens."
La suite ne fut pas simple. Après un premier album de correcte facture (Le Grand Fossé, 1980) publié au sein de sa nouvelle maison d'édition, Uderzo n'eut de cesse, pendant trente ans, de se faire éreinter par la critique pour qui ses scénarios n'ont jamais eu la sève de ceux de René Goscinny. "Cela ne nous a pas empêchés de réaliser de grosses ventes à chaque fois. Le public a toujours suivi", se console-t-il.
Dans sa décision de prolonger la vie d'Astérix, le dessinateur s'est aussi rappelé l'époque où, jeune professionnel au sein d'une agence de presse parisienne, on lui avait demandé de reprendre pour le magazine Bravo ! un superhéros américain du nom de Captain Marvel Junior. Aux Etats-Unis, les personnages de comics appartiennent aux éditeurs et ont la particularité de voir se succéder les dessinateurs et les scénaristes, à l'inverse de ce qui se fait en Europe, où les héros de bande dessinée sont la propriété de leurs créateurs (à l'exception notable de Spirou, détenu par les éditions Dupuis).
Plus complexe de ce côté-ci de l'Atlantique, la transmission d'un personnage après la mort de son créateur n'en reste pas moins possible. Lucky Luke, les Schtroumpfs, Boule et Bill, le Marsupilami et bien d'autres continuent d'exister aujourd'hui sous la plume d'"autres" auteurs – et avec plus ou moins de bonheur, certes...
Chemin faisant, Albert Uderzo s'est finalement rangé à l'idée que son héros aux 350 millions d'albums vendus dans le monde méritait de vivre après lui. A une seule condition cependant : que les lecteurs n'y voient que du feu ; qu'ils aient l'impression d'une "continuité" en lisant les prochaines aventures d'Astérix. Tout sauf une sinécure, comme nous allons bientôt le voir...