Bonjour
Giant est un dyptique écrit, dessiné et colorié par l'auteur québecois Mikaël. Le premier tome vient juste de sortir en librairie.
L'intrigue se déroule en 1932. Elle suit la vie de Giant, un colosse irlandais, riveteur sur le chantier de construction du Rockefeller Center. Un des collègues de Giant meurt en chutant du chantier, et le jeune homme récupère ses affaires. Il découvre alors que cet ouvrier avait une famille en Irlande, une femme, Mary Ann, et trois enfants. Les lettres de Mary Ann sont bouleversantes, car à la toute fin, son mari, ruiné et désespéré, ne répondait plus. Giant va alors décider de se faire passer pour le mari. Il récupère une vieille machine à écrire, et renoue la correspondance. Lui, l'homme seul, se crée ainsi une famille. Il envoie de l'argent, raconte sa vie et fait renaitre l'espoir.
Le scénario est poignant. Mikhaël assemble en les transcendant de nombreux images d’Épinal. Ainsi, Giant, le taiseux, le solitaire, se révèle prolixe et poète sur la feuille de papier, comme si ce média lui permettait de surmonter ses inhibitions. Le titan, qui semblait n'être qu'une force de la nature, cache une âme sensible et généreuse. Et Giant se rapproche progressivement des autres ouvriers du chantier. Il sympathise notamment avec son compatriote Dan, aussi frêle et bavard que lui est massif et silencieux. Et donc, au final, la correspondance est rédemptrice. L'esprit du goliath s'élève en même temps que le gratte-ciel se construit. L'auteur recourt aussi à un parallèle cinématographique, et brosse une comparaison entre l'imposture de Giant et celle de Charlot, dans Les lumières de la ville.
Le rêve américain est ici déconstruit. Les constructeurs de gratte-ciels vivent misérablement. Ils prennent des risques insensés et travaillent durement pour que le magnat Rockefeller puisse disposer d'un palais moderne, d'une demeure écrasant la ville de sa hauteur et de sa beauté. La crise et la chômage résultant broient toute velléité de révolte face à l'injustice. Les seuls réconforts des ouvriers viennent des prostituées, toutes aussi malheureuses qu'eux, et de leur mutuelle compagnie. Une petite Irlande nait ici, devant l'église gothique de Saint-Patrick d'ailleurs. L'ironie est mordante car Giant, dans le but de réconforter Mary Ann, construit, dans ses lettres, un faux rêve américain : un rêve doré fait de mensonges. Faut il globaliser ?!
Pour être plus positive, je souhaite mettre en avant une phrase du scénario illustrant parfaitement le melting-pot américain : Harpie ou squarehead, quelle différence, m'sieur ? Ici, tout le monde vient de quelque part. Pis maintenant, on est tous New-York aussi !. Un manuel de civilisation américaine ne l'aurait pas mieux dit !
Les couleurs sont adaptées à la situation. Mikaël recourt à des tonalités automnales, brunes, jaunes, noires, reflétant parfaitement le contexte sombre de la Grande Dépression. Quelques notes de verts émergent des scènes irlandaises.
La couverture est magnifique. Les tours et les poutres dessinent un damier en brun et jaune, d'où émerge la silhouette pensive de Giant. On ne sait si c'est le soir ou le matin. L'instant est intemporel. L'homme est ici face à lui même, et les fenêtres éclairées des bureaux ou des appartements incarnent un monde vivant dont il est exclu. La référence aux célèbres photographies des ouvriers new-yorkais au dessus du vide s'impose.
Cette BD m'a beaucoup émue. Espérons que sa conclusion, dont la publication est prévue début 2018, sera aussi belle. Mikaël nous a laissé avec de nombreuses interrogations. Qui est vraiment Giant ? Comment la relation entre Giant et Mary-Ann va évoluer ? L'attente va être longue !
Bon week-end
Eléanore
Giant est un dyptique écrit, dessiné et colorié par l'auteur québecois Mikaël. Le premier tome vient juste de sortir en librairie.
L'intrigue se déroule en 1932. Elle suit la vie de Giant, un colosse irlandais, riveteur sur le chantier de construction du Rockefeller Center. Un des collègues de Giant meurt en chutant du chantier, et le jeune homme récupère ses affaires. Il découvre alors que cet ouvrier avait une famille en Irlande, une femme, Mary Ann, et trois enfants. Les lettres de Mary Ann sont bouleversantes, car à la toute fin, son mari, ruiné et désespéré, ne répondait plus. Giant va alors décider de se faire passer pour le mari. Il récupère une vieille machine à écrire, et renoue la correspondance. Lui, l'homme seul, se crée ainsi une famille. Il envoie de l'argent, raconte sa vie et fait renaitre l'espoir.
Le scénario est poignant. Mikhaël assemble en les transcendant de nombreux images d’Épinal. Ainsi, Giant, le taiseux, le solitaire, se révèle prolixe et poète sur la feuille de papier, comme si ce média lui permettait de surmonter ses inhibitions. Le titan, qui semblait n'être qu'une force de la nature, cache une âme sensible et généreuse. Et Giant se rapproche progressivement des autres ouvriers du chantier. Il sympathise notamment avec son compatriote Dan, aussi frêle et bavard que lui est massif et silencieux. Et donc, au final, la correspondance est rédemptrice. L'esprit du goliath s'élève en même temps que le gratte-ciel se construit. L'auteur recourt aussi à un parallèle cinématographique, et brosse une comparaison entre l'imposture de Giant et celle de Charlot, dans Les lumières de la ville.
Le rêve américain est ici déconstruit. Les constructeurs de gratte-ciels vivent misérablement. Ils prennent des risques insensés et travaillent durement pour que le magnat Rockefeller puisse disposer d'un palais moderne, d'une demeure écrasant la ville de sa hauteur et de sa beauté. La crise et la chômage résultant broient toute velléité de révolte face à l'injustice. Les seuls réconforts des ouvriers viennent des prostituées, toutes aussi malheureuses qu'eux, et de leur mutuelle compagnie. Une petite Irlande nait ici, devant l'église gothique de Saint-Patrick d'ailleurs. L'ironie est mordante car Giant, dans le but de réconforter Mary Ann, construit, dans ses lettres, un faux rêve américain : un rêve doré fait de mensonges. Faut il globaliser ?!
Pour être plus positive, je souhaite mettre en avant une phrase du scénario illustrant parfaitement le melting-pot américain : Harpie ou squarehead, quelle différence, m'sieur ? Ici, tout le monde vient de quelque part. Pis maintenant, on est tous New-York aussi !. Un manuel de civilisation américaine ne l'aurait pas mieux dit !
Les couleurs sont adaptées à la situation. Mikaël recourt à des tonalités automnales, brunes, jaunes, noires, reflétant parfaitement le contexte sombre de la Grande Dépression. Quelques notes de verts émergent des scènes irlandaises.
La couverture est magnifique. Les tours et les poutres dessinent un damier en brun et jaune, d'où émerge la silhouette pensive de Giant. On ne sait si c'est le soir ou le matin. L'instant est intemporel. L'homme est ici face à lui même, et les fenêtres éclairées des bureaux ou des appartements incarnent un monde vivant dont il est exclu. La référence aux célèbres photographies des ouvriers new-yorkais au dessus du vide s'impose.
Cette BD m'a beaucoup émue. Espérons que sa conclusion, dont la publication est prévue début 2018, sera aussi belle. Mikaël nous a laissé avec de nombreuses interrogations. Qui est vraiment Giant ? Comment la relation entre Giant et Mary-Ann va évoluer ? L'attente va être longue !
Bon week-end
Eléanore