La meilleure histoire de Tif et Tondu ?

Eleanore-Clo m'a posé la question et je pense qu'elle gagne à être publiquement débattue !  

Pour ma part, il n'y a pas de réponse évidente car il existe plusieurs périodes assez distinctes dans la carrière de Will, et elles ont toutes leur intérêt.

J'apprécie particulièrement la Main blanche (et toute la période "franquinienne" d'ailleurs), mais c'est une lecture d'enfance et mon jugement est peut être biaisé.

Certains scénarios de Rosy me laissent aussi de bons souvenirs, même s'ils sont parfois un peu délirants.

Il y a sinon la "période Tillieux" qui est excellente, mais les scénarios sont souvent des reprises des histoires de Félix.

Que choisir ?

Et quel sera donc votre choix ?  

Ma préférence va sans conteste à La villa du Long Cri.

L'ambiance des premières pages est extraordinaire. Avec un art consommé du suspens, Rosy place Tif et Tondu dans un lieu a priori normal, paradisiaque (la Côte d'Azur!), mais qu'une succession de petits détails va rendre de plus en plus angoissant. Cela commence par la réponse d'un autochtone auquel Tif demande son chemin. Puis cela se poursuit par les marionnettes, le cendrier, le réservoir de carburant vide, etc...

Les villas sont superbement croquées. La villa du Long Cri avec ses tuiles, ses cyprès, son palmier respire le midi alors que celle de Forlon est digne des créations de l'américain Franck Llyod Wright ()https://fr.wikipedia.org/wiki/Robie_House. Il est d'ailleurs amusant de voir que Rosy rejoint là Hitchcock et son film La Mort aux trousses. En effet, la villa de Vandamm sur le Mont Rushmore est manifestement "wrightienne". La comparaison entre la BD et le film peut d'ailleurs être davantage poussée. Tondu espionne la villa de Forlon depuis l'extérieur pour y voir Tif prisonnier, comme l'a fait Thornhill (Carry Grant) qui lui s'inquiétait pour Eva Kendall (Eva Marie Saint).
Concernant la villa Forton et son mobilier, il est dit, dans l'introduction à l'intégrale, que le talent de décorateur de Will était tel que Franquin lui a confié la représentation d'Incognito City dans Les Pirates du silence (Spirou et Fantasio).

Une autre caractéristique du scénario est le recours à l'imposture. De nombreux personnages ne sont pas ce qu'ils semblent être, que ce soit de Forlon, Morez (le propriétaire de la villa du Long Cri) ou encore le pêcheur Bruno.

La pirouette finale avec Choc est très classique et ouvre bien évidemment sur un futur Tif et Tondu et une nouvelle confrontation avec Choc. Choc dont on peut d'ailleurs se demander s'il n'est pas le vrai héros de l'opus tant Tif et Tondu ne font que réagir face à ses agissements.

J'ai aussi été séduite par l'ambiance provençale du petit village de pêcheur (les platanes!) qui m'a rappelé des vacances sur la Côte avec mes parents il y a bien longtemps.
Enfin, la variété des visages dessinés par Will mérite un coup de chapeau. Ils sont tous différents et tous typés.

L'ouvrage est vraiment très bien fait et je n'ai été déçue (mais c'est très peu de chose) que par le numéro de Tarzan auquel se livre Tondu lorsqu'il s’échappe de la villa du Long Cri.

Cordialement
Eléanore-clo

Il y a en tout cas une personne qui t'approuverait, c'est le critique Hugues Dayez. Ce dernier a justement choisi la Villa Long Cri pour représenter Tif et Tondu dans cette fameuse collections d'albums Dupuis commentés par lui-même.



Mais il y a beaucoup d'autres suspenses policiers très réussis dans les aventures de Tif et Tondu. Certaines scénarios de Tillieux, comme le Scaphandrier mort, ou Sorti des abîmes, valent le détour.