... J'en arrive donc au "Trompettiste du Strasbourg-Paris", qui est pour moi non seulement l'acmé de la série Alex, mais une grande BD tout court - mais chacun pourra se faire une opinion, puisque Raymond a prévu d'en livrer les planches dans ce forum.
Je ne vais donc pas en chanter les louanges, sauf à signaler que PB a particulièrement soigné les dessins et les décors de cette histoire - peut-être parce que les éditions de la rue de Fleurus prévoyaient d'en faire une importante promotion, via une "mise en disque" (à la façon de "La marque jaune", qui avait remporté le Grand Prix du disque de l'Académie Charles Cros en 1956, et qu'on écoutait dans le noir de sa chambre avant de s'endormir pour avoir vraiment peur...) : dès la rentrée 59, càd longtemps avant la fin de la pré-publication dans Cœurs Vaillants (mars 1960), fut mis en vente par souscription un coffret de 10 microsillons 33 tours 17 cm, "au prix spécial de 2.400 fr." racontant cette "sensationnelle histoire policière". Elle fut ensuite reprise sous forme d'un album-disques, qui remporta à son tour le Grand Prix du disque en 1963 (voir post 172 de 2J).
Dans cette adaptation radiophonique, le jeune comédien Jean-Marie Fertey prêtait sa voix à Jérémie Valbon en imitant l'accent américain, comme le "révélait" un article du CV n°52 de 1959, illustré de photos de Guy Hempay et Jean-Marie Fertey mises en regard de deux vignettes de l'album (9-II-2 et 3) :
Pour la petite histoire, Jean-Marie Fertey a joué par la suite aux côtés de la belle Estella Blain dans "Colère froide", un film policier de 1960 où son personnage avait pour nom... Alex!
Et puisqu'on est dans le cinéma, je voudrais revenir sur mon post 141. Je n'ai découvert "Ascenseur pour l'échafaud", le célèbre premier long-métrage de Louis Malle, qu'à l'occasion d'un passage récent à la télé. Il y a une séquence, vers la fin, qui se déroule la nuit sur l'autoroute de l'ouest. Louis (Georges Poujouly) et sa petite amie fleuriste (Yori Bertin) roulent à tombeau ouvert, pleins phares, dans la grosse décapotable volée au héros du film (que les fans de belles américaines ne perdent pas leur temps comme pour "Le Cercle rouge" : c'est un coupé Chevrolet Styleline De Luxe de 1952!). Soudain, la voiture vire à gauche, traverse le terre-plein et repart sur la voie de droite, vers le haut de l'écran, tandis que la petite fleuriste s'écrie : "Louis, tu es fou!"
En voyant cette séquence, j'ai immédiatement pensé à celle de la page 26 du "Trompettiste du Strasbourg-Paris".
Que Guy Hempay et Pierre Brochard aient eu ou non à l'esprit le souvenir d'"Ascenseur pour l'échafaud" (qui venait de sortir sur les écrans) en travaillant sur cette planche n'est pas très important - encore qu'il y ait de quoi être séduit par l'idée que le chorus de Stars in my head, qui valut la célébrité à Jérémie Valbon, soit inspiré de la trompette magique de Miles Davis... pas plus qu'il n'est important de repérer les différences entre les 2 séquences (la Chevrolet du film ne franchit pas le terre-plein, et Eurêka dans la BD reste muet, même s'il pense à l'évidence que Lestaque conduit comme un fou!). Non, ce qui m'a frappé, c'est la façon dont j'ai "retrouvé" dans le film
l'ambiance de la BD de Brochard, càd que tout s'était passé comme si ses dessins avaient le pouvoir de mobiliser non pas la mémoire visuelle ou auditive, mais la mémoire synesthésique.
Et là encore je me suis dit : total respect!