Bonsoir,
Ma préférence pour le Fauve Polar SNCF allait à
Gramercy Park, le superbe roman graphique de Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux. Le jury en ayant décidé autrement, une petite voix m’a susurré à l’oreille qu’il y a peut-être là matière à une belle découverte.
Villevermine est un diptyque écrit et dessiné par Julien Lambert. Le premier tome,
L’homme aux babioles est paru en octobre 2018. Le deuxième volume,
Le Garçon Aux Bestioles, est annoncé pour le 3 avril 2019.
Villevermine (la ville des vermines ?) est une cité minée par la pauvreté et par les gangs. Jacques Peuplier, un détective, y est chargée de retrouver la fille d’une mafieuse. Son enquête va le conduire à rencontrer un savant fou qui, tel Frankenstein, joue au créateur.
Le scénario mélange allègrement plusieurs genres. A tout seigneur, tout honneur, le roman noir. Le héros est un marginal, à la réussite douteuse, et qui n’hésite pas à faire le coup de poing pour arriver à ses fins. Il se retrouve bien malgré lui engagé par les
Corleone locaux pour retrouver leur enfant prodigue, une
Castafiore en herbe, enlevée par un étrange homme volant. Oui, un homme volant !
On retrouve là le deuxième thème de la BD, le fantastique urbain. Villevermine est peuplée de créatures étranges. Elle fait vaguement penser à La Nouvelle Crobuzon (https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle-Crobuzon), la citée imaginée par l’écrivain britannique de science-fiction : China Mieville. Le héros possède d’ailleurs des talents extraordinaires puisqu’il discute avec les objets.
Villevermine est une ville sur le déclin, avec des moisissures nauséabondes un peu partout. Des enfants sont laissés à eux-mêmes et vivent on ne sait comment. Je perçois donc un troisième thème, plus sociétal.
Le dessin fait penser à Folon (les bras hypertrophiés), mais avec un côté (beaucoup) plus sombre.
Les personnages sont caricaturaux et les corps sont stylisés. Le style de Lambert rappelle parfois celui des mangakas, notamment lorsqu'il veut créer une impression de mouvement ou lorsqu'il dessine un chat.
Notons que les combats au sabre sont clairement inspirés des arts martiaux voire même de
Kill Bill, le film de Tarantino. Les couleurs sont dominées par un bleu-gris sinistre, à l’unisson du récit.
Au final, j’ai apprécié cette BD, notamment parce que la gravité du scénario est éclairée ici ou là par des touches d’humour. Ainsi, la relation entre Peuplier et son mobilier est fort cocasse. L’entente n’est pas vraiment cordiale et les objets n’apprécient que très modérément leur propriétaire !
Je regrette néanmoins l’absence du registre émotion. En tout cas, ce sera avec plaisir que je lirai le tome 2.
Eléanore
PS : et je maintiens ma préférence à
Gramercy Park, plus mature, plus riche. L’action n’est pas tout !