Cela fait au moins 3 ans que je n'avais pas acheté un nouvel album de Sfar, car je trouvais qu'il se cantonnait à de la production courante, parfois un peu médiocre !
Mais voilà qu'il vient de publier
la Synagogue, un album dans lequel l'auteur se remémore de sa jeunesse tout en réfléchissant à sa judéité. Le sujet semblait plus intéressant que d'habitude et je me suis donc laissé tenter !
Et cela démarre d'une façon assez forte. Ce livre a en effet été conçu au moment où Joan Sfar était hospitalisé en raison d'un Covid sévère. Le livre commence donc au printemps 2021 lorsque l'auteur est couché sur un lit d'hôpital. Il pense à son parcours de vie et il va en sortir un déluge de confidences !
Et Sfar se remémore de son adolescence, lorsqu'il fréquentait une école de combat rapproché, lui qui est plutôt d'un tempérament doux et non violent. A la base de ce choix, il y avait un véritable paradoxe, car le jeune homme préférait être un gardien à l'entrée de la Synagogue (pour la protéger des terroristes) plutôt que d'assister aux cérémonies religieuses. Tout en voulant se détacher d'une pratique religieuse qu'il détestait, il se retrouvait obliger de fréquenter les juifs les plus fanatiques, en particulier ceux qui étaient prêts à devenir violents.
Et l'auteur nous emmène ensuite dans une longue suite de confidences souvent inattendues, plutôt sincères, sans chercher à minimiser les multiples contradictions de son étonnant parcours. Le récit est malheureusement assez décousu car les digressions sont aussi nombreuses que les bavardages, parfois insignifiants et parfois révélateurs. C'est presque une sorte de journal quotidien, dans lequel le malade nous parle de tout ce qui lui passe par la tête, de son père par exemple (c'est une partie intéressante du livre) ou de ses virées nocturnes à travers les vieux quartiers de Nice (ce qui m'a bien moins passionné). Et derrière tous ces récits se faufile bien sûr l'inoxydable question philosophique : mais qui suis-je ? Joan Sfar n'a pas vraiment la réponse, mais il a manifestement du plaisir à en parler.
Ce journal d'une infection Covid n'est pas inintéressant, mais il n'est pas exceptionnel non plus. Il séduira en fait les fans de l'auteur qui suivent depuis des années avec amusement l'évolution un peu chaotique de son inspiration. On y trouve de belles réflexions sur la condition juive, teintées d'une tendre ironie et exemptes de tout fanatisme, ainsi que de jolis paradoxes apportés par la vie de tous les jours, que nul ne peut éviter mais que peu de personnes osent confier au grand public. Joan Sfar, pour sa part, n'a pas ce genre de problème !
Et pour la note, comme ce livre m'a laissé plutôt de bonne humeur, ce sera un
EEE ! Il y a bien longtemps que Sfar n'avait plus mérité une appréciation de cette importance.