Bonjour
J'ai lu l’œuvre et ai beaucoup hésité sur quoi en dire.
La situation des femmes japonaises est très surprenante pour nous autres occidentales : tous les métiers ne leur sont pas accessibles (une guide m'a dit un jour que la pression sociale a été tellement forte qu'elle a dû arrêter son métier d'analyste financier pour devenir guide touristique), les hommes japonais assument pleinement et publiquement leur infidélité. Les hommes boivent de l'alcool alors que les femmes dégustent les pâtisseries...
On peut aussi trouver que la BD est mièvre, un hymne à la soumission féminine.
Tomoji a t elle le droit d'exister ? Le sujet est d'autant plus important qu'elle renonce à ses études et qu'elle est "vendue" à son mari par sa famille, etc. Que dire encore de la lettre à Fumiaki ?
Je suis pas certaine que cette grille soit la meilleure même si elle est très facile (trop facile) ?
Sartre disait "L'enfer c'est les autres". Il me semble que Taniguchi véhicule un message opposé : "le bonheur, c'est les autres". Un message quasi religieux qui rapproche Tomoji de Sainte-Thérèse de Lisieux. La personnalité de Tomoji est forte, terriblement forte, écrasante (son demi-frère dit explictement qu'elle n'en fait qu'à sa tête!). Elle choisit pleinement son destin. La soumission apparente est elle réelle si elle est pleinement choisie dans une logique d'aider l'autre. Est-ce toujours de la soumission ?
Taniguchi met en scène la nature japonaise avec une maestria impressionnante. Hiroshige est là, juste derrière. La montagne et les paysages sont peints avec amour dans une successions de vignettes qui flirtent avec les estampes. Ces paysages, cette nature ne sont pas que des images mais plutôt une matrice qui donne le "la". Tomoji est le fruit de la nature. Comme Déméter, elle incarne la mère nature dans une logique positive, génératrice. La mort est présente dans l’œuvre, très présente. Le destin de Tomoji est âpre, amer : elle perd de nombreux êtres chers. Mais Taniguchi ne s'arrête pas sur les accidents de la vie. Tomoji transcende sa condition. L'exemple du repas-à-emporter (le bento) perdu qui se termine par la réparation de la sandale va bien au-delà de épiphénomène. Il semble que Taniguchi essaye, essaye encore, essaye encore et toujours, de démontrer que le flot puissant de la vie ne s'arrête jamais sur un caillou mais le contourne voire l'emporte. L'analogie avec la nature est là. Les catastrophes, les saisons passent mais la nature est là, immuable.
Un autre point intéressant de l’œuvre (et Taniguchi en parle lors de ses interventions à Angoulême) est le témoignage sur l'ère Meiji. Par exemple, mettre en scène des écoliers apprenant l'anglais casse l'image d'un Japon replié sur lui même. Le pays oscille entre tradition et modernité.
On peut aussi dire que la BD est profondément humaine. Le tremblement de terre de 1923 de Tokyo est présentée à travers le regard des hommes et du cousin Fumiaki. Il est d'ailleurs amusant de voir que la campagne s'en sort bien alors que la ville souffre. Un message écologiste peut être ?
Je suis très curieuse de lire d'autres réactions....
Cordialement
Eléanore-clo