Raymond a écrit:J'ai par ailleurs été surpris par le ton très "militaire" (pour ne pas dire militant) de cette histoire. C'est devenu aujourd'hui un peu pénible. Peut être que cette bataille a été importante dans l'histoire de la Flandre, ou de la Belgique.
Bernard, ou Jean-Marc, est-que vous connaissez cette bataille ? Est-ce qu'on enseigne cela aux écoliers belges ?
Je n'ai pas eu la patience de lire les 13 pages de ce post : peut-être que ce que je vais indiquer l'a déjà été entre-temps. Le ton militaire dont tu parles, Raymond (faudrait que je relise l'album) s'explique sans doute parce que cette histoire a été dessinée juste après la fin de la guerre (paru en 1949). Je me suis laissé conter que Bob De Moor était très proche des milieux nationalistes flamands; en tout cas d'après Wikipédia il a commencé à dessiner pendant l'occupation... je n'en dirai pas plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bob_de_Moor
Oui, les Flamingants ont fait de la bataille des Eperons d'or leur évènement fondateur, et la date du 4 juillet (1302) est devenue celle de la fête de la Communauté flamande (la Communauté française a choisi le 27 septembre 1830, quand nous avons bouté dehors les Hollandais. C'est fou ce qu'on s'aime
).
Cette BD est tirée du LION DES FLANDRES, le roman d'Henri Conscience (fils d'un ancien soldat de Napoléon, originaire de Besançon). On dit d'Henri Conscience, né à Anvers, qu'il
"a appris à lire à son peuple". Le peuple flamand, s'entend. C'est le bréviaire du nationalisme flamand. Je l'ai lu aussi
(ook in het frans, natuurlijk !), mais c'était il y a bien longtemps.
J'avais alors été frappé par le fait que le mot "wallon" n'est cité qu'à peine deux ou trois fois. Pourtant le Comté de Flandre et celui de Hainaut(*) ont souvent partagé le même destin : Baudouin, roi de Jérusalem, était comte de Hainaut et de Flandre, mais les manuels scolaires de ma jeunesse en parlaient uniquement comme du comte de Flandre; il faut dire que l'histoire scolaire de la Belgique est une construction hybride s'efforçant de coller ensemble les Anciens Pays-Bas espagnols et la Principauté de Liège (qui elle appartenait au Saint-Empire (marrant, on retrouve la même chose en France: la rive gauche du Rhône appartenait aussi au Saint-Empire, et notamment Marseille)).
Bon. Bref. Le brave comte de Flandre Gui de Dampierre était en fait un noble français en bisbrouille avec son suzerain, le roi de France et sa rage taxatoire accablant des tisserands flamands. Il ne parlait sûrement pas le patois thiois, sauf peut-être avec ses domestiques. On fait du nationalisme avec ce qu'on peut.
Il est de bon ton d'éluder - dans les bistrots où l'on réécrit l'Histoire - que les Communiers flamands armés de leur
goedendag (*) étaient soutenus par le Comte de Namur, et épaulés par des mercenaires d'Outre-Rhin.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Courtrai_(1302)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hendrik_Conscience
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(*) Pour les visiteurs du Forum à qui la Belgique n'est pas trop familière : les comtés de Hainaut et de Namur, ainsi que la principauté de Liège sont wallonnes.
Wallo* vient de
Welche, nom méprisant (opposé à
Deutsche) décerné par les Germains aux descendants des Celtes romanisés (cf.
Walsh (Gallois) en Grande-Bretagne, ou
Valaques en Roumanie).
(**) Le goedendag ("bonjour", rappelle par ironie les "matines brugeoises" et le massacre au saut du lit des francophones de Bruges) est une combinaison d'un épieu avec une masse d'arme.