Bob de Moor l'histoire et Barelli

Bob de Moor a dessiné beaucoup de choses (séries d'aventure, BD humoristique, science-fiction, reprise de personnages célèbres) et je suis loin de tout connaître ce qu'il a fait. Un des aspects les plus intéressants de son oeuvre, à mon avis, ce sont ses BD consacrées à l'histoire.

Commençons par le Lion des Flandres. C'est un récit fondé sur un événement historique, à savoir la bataille des Eperons d'Or en 1302. La chevalerie française y a été vaincue par une armée de paysans et d'artisans flamands.

Cette BD est parue en 1949 dans Kuifje, la version flamande de Tintin. Elle n'a été traduite que tardivement en français, lors de l'édition en album par Deligne dans les années 70.

En lisant cette histoire, j'y ai redécouvert le Bob de Moor "première manière", c'est à dire avant qu'il n'intègre le studio Hergé. Je crois qu'il avait à l'époque des assistants car sa prodiution était phénoménale (il produisait au moins autant que Vandesteen en une année).



J'ai par ailleurs été surpris par le ton très "militaire" (pour ne pas dire militant) de cette histoire. C'est devenu aujourd'hui un peu pénible. Peut être que cette bataille a été importante dans l'histoire de la Flandre, ou de la Belgique.

Bernard, ou Jean-Marc, est-que vous connaissez cette bataille ? Est-ce qu'on enseigne cela aux écoliers belges ?

Oui Raymond on connait par nos livres scolaire Par contre je ne sais pas si c'est encore dans le programme actuel
pour votre info, c'est un Namurois qui commandait les troupes Flamandes contre l'Ost Royale, ci-dessous le lien wikipedia sur la bataille dite aussi : "de Courtrai".
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Courtrai_(1302)

Effectivement, cela vaut la peine de regarder l'article de Wiki. Il y a dans cette histoire une profusion de personnages et il n'est pas facile de garder le fil en première lecture. J'aurais dû lire ce résumé avant de s'attaquer au Lion des Flandres.

Cette bataille doit avoir quelque chose de fondateur, puisque que j'ai lu que sa date correspond à une sorte de fête nationale pour les flamands. Il y a eu des événements semblables dans l'histoire de la Suisse, comme par exemple la bataille de Morgarten en 1315, que l'on enseignait bien sûr aux écoliers, et qui a vu des paysans suisses mettre en déroute l'armée des Habsbourg.

Détail amusant : on ne parle pas beaucoup de cette bataille dans les livres d'histoire de France. C'est une chose qu'il faut bien sûr mettre dans la colonne "passif" lorsqu'on fait le bilan du règne de Philippe le Bel (il a dû reconstituer son armée après la bataille et s'est endetté pour cela). C'est peut-être pour cela que je ne savais rien de cet événement.

Au détail intéressant à propose de cette bataille de Courtrai: parmi les notables français qui sont morts à cette bataille, on trouve le comte Robert d'Artois. Il n'avait pas d'héritier mâle et ceci a entraîné une longue lutte entre sa fille Mahaut et son petit-fils Robert III. Tout ceci a été raconté avec talent par Maurice Druon dans les Rois Maudits, et ces événements sont en partie à l'origine de la Guerre de Cent-Ans.

Autre album de Bob de Moor dans la même veine, les Gars des Flandres.

Cette histoire est parue en 1952 dans Kuifje. Elle a été directement traduite en album en 1978 par Bedescope. Les dessins y sont en noir et blanc.



Une réédition, cette fois en couleur, est parue en 2002, mais je ne l'ai jamais vu en librairie.

Le récit est tiré d'un roman de Hendrik Conscience. Je pense qu'il se fonde sur des événements historiques et il se passe à Bruges en 1126. Il raconte la lutte contre le roi de France et ses vassaux d'une caste de flamands rudes et bagarreurs, surnommés les "gars". Ceux-ci bénéficient de la condition d'hommes libres et ont le droit de porter une épée. Ils entrent en guerre contre leur suzerain, et tout ceci est raconté sur un ton guerrier et nationaliste.

Comme dans l'autre album qui précède, Bob de Moor y maîtrise bien le noir et blanc mais on est loin de ce qu'il fera plus tard avec Cori. Il y a une multitude de personnages qu'il n'est pas toujours facile de reconnaître, car leur portrait est souvent assez sommaire.

A nouveau, je me tourne vers les amis belges du forum.    S'agit-il d'événements célèbres dans l'histoire de la Belgique ?

Raymond a écrit:Une réédition, cette fois en couleur, est parue en 2002, mais je ne l'ai jamais vu en librairie.

Effectivement, les 2 récits "Le lion des Flandres" et "Les gars de Flandre" ont bien été réédités en couleur en 2002 dans la collection éditée par le CBBD et la Poste belge.
Tu peux encore trouver relativement facilement ces albums (par exemple dans la boutique du site Auracan.com)

Acheter l'album couleur alors que j'ai déjà l'histoire en noir et blanc ... il faut avouer que je l'ai déjà fait.

Toujours la collectionite.

C'est par exemple le cas du premier récit de Cori le moussaillon. A l'origine, c'est une histoire de 62 pages, et l'édition de départ (en noir et blanc) en reprend l'intégralité.



La réédition Casterman en couleur des années 80 (intitulée Cap sur l'or) a été raccourcie à 46 pages par Bob de Moor lui-même, qui a par aileurs supprimé ou allégé certains récitatifs pour rendre l'histoire plus moderne. Elle se lit plus vite et plus facilement, mais cela dénature le projet original.



Si je préfère nettement l'édition d'origine, c'est parce qu'au départ, ce livre est né de l'adaptation d'un vieux récit de voyage écrit par un marin hollandais. Des extraits de ce texte avaient été repris par Bob de Moor et il les avait introduits dans les premiers récitatifs. On peut les considérer comme vieillots, mais ils avaient un caractère authentique et je trouve dommage qu'il les aie supprimés.

Dans l'histoire de départ, il y a également une longue séquence qui raconte comment Cori se met à grandir et à devenir un vrai marin, et la supression de cette partie crée un raccourci qui est regrettable. Dommage car tout cela déséquilibre un peu le récit.

A part cela, Cori reste tout de même le chef d'oeuvre de Bob de Moor. c'est en particulier le cas de l'Invincible Armada.

Je suppose que beaucoup d'entre vous l'ont lu ?

Raymond, je suis entièrement d'accord avec toi pour dire que le raccourcissement d'une oeuvre est toujours préjudiciable, car elle prive le lecteur d'éléments essentiels voulus par l'auteur pour la cohérence de son récit (sur ce sujet, je recommande d'ailleurs fortement la lecture du numéro 38 de la revue "Le Rocambole qui s'intitule les "Les réducteurs de texte" )



Le dyptique "l'Invincible Armada" démontre effectivement la très grande maîtrise de Bob de Moor pour retracer les épopées historiques au travers des grandes guerres maritimes.

La force d'évocation de son dessin réaliste est magnifique jusque dans les moindres détails (les couvertures de ces deux tomes en sont une parfaite illustration).

A lire absolument.

Je n'ai jamais lu un seul numéro du Rocambole. Cela a l'air intéressant, d'autant plus qu'ils ont consacré un N° spécial à Bob Dan.

Sinon, je vous recommande bien sûr le BLOG consacré à Bob de Moor, qui est riche en illustrations, planches et extraits de fanzines. On y trouve des planches de Lion des Flandres et de Cap sur l'Or.

Raymond a écrit:Je n'ai jamais lu un seul numéro du Rocambole. Cela a l'air intéressant, d'autant plus qu'ils ont consacré un N° spécial à Bob Dan.

Raymond, je rappelle quil s'agit d'un article figurant dans un numéro spécial (et non pas d'un numéo spécial consacré uniquement à Bob Dan)

Revenons plutôt à Bob de Moor

Je suis fasciné par ce qui s'est passé avec l'Invincible Armada. C'est d'ailleurs l'un des plus invraisemblables événements qui se soient produit dans l'Histoire. Comment cette flotte espagnole, qui avait tout de même vaincu les turcs à Lépante quelques décennies plus tôt, et qui dominait toutes les mers du globe, bref, comment a t-elle pu dégringoler de cette manière ?

Bob de Moor prend tout son temps pour raconter tout cela. Il utilise 2 tomes, le premier racontant plutôt une histoire d'espionnage à Cadix, alors que le 2ème se consacre à la désastreuse odyssée de l'Armada autour de l'Angleterre. C'est cette deuxième partie que je trouve vraiment passionnante car Bob de Moor nous relate les événements avec beaucoup de précision. En dehors de quelques exploits de Cori, il se concentre sur les faits historiques. La piteuse figure du duc de Medina devient le personnage central du récit et on ne peut être que fasciné par tant de bêtise.

C'est je pense le chef d'oeuvre de Bob de Moor, qui reprend en l'occurence le style de Jacques Martin plutôt que celui d'Hergé.

Qu'en pensez-vous ?

J'ai le souvenir que l'invincible armada fut victime de la météo en voulant attaquer l'Angleterre.

Je me souviens avoir lu les deux Cori dont vous parlez et c'était effectivment du grand Bob. Faudra que je me les reprocure ...

Pierre a écrit:J'ai le souvenir que l'invincible armada fut victime de la météo en voulant attaquer l'Angleterre.

Eh bien ... oui et non !

Il y a eu effectivement très peu de combats entre navires. Le duc de Medina a emmené son armada dans un très long voyage de plusieurs mois, d'abord de l'Espagne vers l'Angleterre, puis autour de l'Angleterre, et enfin un long retour vers l'Espagne en passant par l'Océan Atlantique. Ce n'était bien sûr pas le trajet prévu.

Il faut tout de même se rappeler que la navigation n'était pas si sûre en ce temps là. Il était normal qu'il y ait des pertes en mer si le voyage se prolongeait. Il y a eu des tempêtes sur l'Atlantique qui ont fait beaucoup de dégats, mais l'Armada n'était pas censée se trouver à ce endroit . En fait, si le commandant de l'escadre avait continué assez longtemps son voyage (autour du monde par exemple) , il n'y aurait finalement plus eu de navire du tout.

Ce qui est incroyable, c'est que le commandant de l'Invincible armada avait peur de se battre Les seuls affrontements ont été provoqués par les anglais, et les dégats n'étaient pas si importants. A la fin, la flotte espagnole s'est enfuie vers le Nord, alors qu'elle n'était pas en état d'infériorité.

Ce qui s'est passé me fait penser à un affrontement entre deux boxeurs : un de 100 kg et un de 50 kg. Le combat est en principe inégal, mais pour une cause mystérieuse, seul le petit se met à taper, tandis que le gros reste debout passivement et encaisse les coups. On peut imaginer qu'au bout de quelques heures, le gros musclé se sente assez mal.

Bob de Moor raconte assez bien les hésitations et les craintes de l'amiral espagnol. C'est un des mérites de son livre que de nous faire mieux comprendre cette lamentable expédition.

La bêtise est parfois fascinante

En reprenant une pile de vieux Tintin (le journal), je suis tonbé sur une petite histoire complète un peu oubliée de Bob de Moor. Elle s'intitule Le sous-marin perdu et elle est parue en 1959. Elle fait d'ailleurs la couverture du journal.



Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est de retrouver le style réaliste de Bob de Moor. En faisant le bilan, il a peu utilisé cette manière dans le journal Tintin avant de dessiner Le repaire du loup puis L'invincible armada dans les années 70.

Je suppose que certains d'entre vous la connaissent déjà. Voici tout de même la première page de cette histoire qui en compte quatre. Son dessin correspond exactement à ce qu'il fera plus tard pour Lefranc.

La suite ?

avec plaisir

Voici donc la page 2.

Cette histoire me permet de rappeller que Bob de Moor avait passé quelques jours sur un cargo en compagnie d'Hergé en 1956, pour préparer les décors de Coke en Stock. Il a certainement réutilisé sa documentation dans ce récit au réalisme très bien rendu.

Dans leur album des Aventures d'Hergé, Stanislas et Bocquet consacrent un chapitre amusant à ce voyage des deux dessinateurs dans un cargo, qui semble s'être accompagné de beuveries mémorables.



Bob de Moor était un personnage haut en couleur

Allez, la suite quand même !

La page 3 est un peu moins belle car elle a été imprimée en bichromie. C'était le cas de la moitié des pages du journal Tintin à cette époque (1959). On devine toutefois que le dessinateur aime cette ambiance maritime.

Merci Raymond, ces petites planches font plaisir à voir.

L'histoire se termine avec la page 4, qui est malheureusement un peu décevante. Comme beaucoup de ces petits récits écrits par Yves Duval, la fin est un peu "expédiée". En fait, le récit aurait mérité une bonne vingtaine de pages, voir même plus, pour devenir vraiment intéressant. Dommage, car le début est excellent, et le dessin de Bob de Moor crée une atmosphère remarquable. Cette ambiance de marins me fait par moment penser à SOS Bagarreur, autre lecture que je vous recommande.

Oui, cette ambiance rappelle un film de 1959 avec Gary Cooper et Charlton Heston : Cargaison Dangereuse. On y voit la même dramaturgie sur un cargo en détresse...

L'histoire : "Par une nuit de tempête, le capitaine John Sands et son associé découvrent un navire à la dérive. Il est abandonné par l'équipage. Sands monte à bord et y trouve Patch, le commandant du Mary Deare. Patch a une attitude très étrange. Que s'est-il passé sur le Mary Deare ?"

La plupart des auteurs de BD ont illustré les murs de Bruxelles, mais je n'avais pas eu l'occasion de voir la contribution de Bob de Moor lors de mes promenades. Elle est justement consacrée à Cori. Elle est ici :

http://img31.imageshack.us/content.php?page=done&l=img31/9259/bobdemoorbruxellescori.jpg&via=mupload

La connaissiez-vous ?

Oui, absolument.

Et pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Bruxelles, je conseille l'achat de cette petite brochure reproduite ci-après.

Un conte historique du tandem Yves Duval / Bob de Moor.


https://i.servimg.com/u/f24/13/64/65/00/duvalm10.jpg

Si seulement le prix de cette alléchante intégrale du Barelli de Bob de Moor était plus abordable...

http://www.boulevarddesbulles.fr/news/integrale-8-albums-barelli_217/