Comme le site Alix mag a mis en ligne un lien vers un texte de Régric qui énonce un certain nombre de contre-vérités à mon égard, j'ai envoyé, en commentaire de leur article, la réponse suivante :
D'abord, le relevé des mails essentiels que j'ai envoyés concernant notre collaboration :
22OCT08:
accord verbal du Comité pour le projet « La Mine » - 31OCT07: envoi du synopsis définitif et approuvé de « Noël Noir » - 11NOV07: envoi scénario planches 1 à 5 – (17 NOV: visite du Bois du Cazier) – 17DEC07: pl 6 à 10 – 26FEV08: pl 11 (+12 à 14 non dialoguées) – 10MAR08: pl 12 à 15 – 16AVR08: pl 16 – 21AVR08: pl 17 (+18 à 27, mais doivent être
relues) – 02MAI08: pl 18 à 20 – 30JUN08: pl 21 à 46.
A chaque envoi, je donnais un "feed-back" de ce que j'avais déjà reçu, ainsi que félicitations et encouragements: 14MAI08 – 29MAI08 – 10 SEP08 - 17SEP08 – 03OCT08 – 10 OCT08. Eventuellement, j'envoyais de la documentation complémentaire. L'essentiel de la documentation sur la mine avait été remise en début de travail, plus des photos et films de mes repérages au charbonnage de Blégny, sous forme d'un DVD dont Régric a accusé réception le 18DEC07. J'ai envoyé la documentation complémentaire (Débarquement, Pologne, République fasciste, etc.) le 20MAI08.
De plus, nous nous sommes téléphoné à plusieurs reprises et rencontrés, outre pour la visite du Bois du Cazier (17NOV08), à la Foire du Livre de Bruxelles (09MAR08) et au Festival de Buc (11OCT08), où nous avons dédicacé des Lefranc côte-à-côte ! J'étais tout le temps joignable (téléphone cellulaire et Internet, y compris Skype et MSN) et je n'ai « disparu » qu'une semaine pour accompagner des élèves en randonnée dans le Sahara, mais avec une avance de 3 – 4 pages (+ les projets de couverture).
Régric avançait au rythme d'une planche crayonnée / 11 jours. J'ai reçu le 11NOV07 les crayonnés des 3 premières planches – 17MAR08 : crayonnés pl 4 à 11 – 17 MAI08 : crayonnés pl 12 à 15. Il n'y a donc pas eu interruption du flux de production !
Après Octobre 2008, je n'ai plus rien reçu... Quand j'ai demandé au directeur de collection s'il avait des nouvelles, il m'a répondu que Régric était occupé sur des travaux d'animation... Je n'ai fait aucun reproche, j'ai attendu patiemment la suite... Puis j'ai découvert des planches directement sur Internet... C'était notamment la planche où Lefranc tenait le cheval par la queue...
Je m'en suis alors inquiété auprès de Casterman et tout le monde était étonné que Régric ne m'ait pas montré les planches avant... C'est alors que j'ai découvert qu'il n'avait pas suivi mes demandes envoyées lors des « feed-back »... De plus, après la planche 23, il avait modifié sensiblement certaines séquences, ainsi que mon texte... J'ai alors envoyé la liste précise des corrections à effectuer (le 03AVR09)...
Comme je ne recevais plus aucune réponse de Régric, je suis alors passé par Casterman, qui a transmis ma demande. Comme Régric rechignait à effectuer le travail demandé et que le temps pressait, avec l'autorisation de directeur de collection, je me suis résolu à effectuer moi-même certaines corrections, pour restituer le scénario original et le ton que je voulais donner à cet album. La lecture des critiques me donnent à penser que j'ai eu raison. Mais ce n'est pas une chose que j'ai faite pour nuire à Régric, mais pour que l'album soit ce qu'il devait être.
Si mon rythme de livraison a été assez lent en Janvier et février 2008, il n'y a pas eu de moment où j'ai laissé Régric en panne de dessin. Ce rythme plus lent n'a pas sa source dans un conflit avec Casterman, mais vient au contraire du fait que j'ai eu à répondre à d'autres demandes de Casterman:
- A peine « Noël Noir » était lancé, que Casterman m'a commandé un scénario de Lefranc, dans le style fantastique, c'est devenu « Les Enfants du Bunker ».
- Casterman m'a demandé un projet pour Alix et j'ai écrit « Le Secret des Nabatéens ».
- Suite aux Enfants du Bunker, qui met Jeanjean en vedette, Casterman m'a demandé un projet de « spin off » autour de Jeanjean et de ses amis scouts, c'est devenu « Les Goélands » et j'ai écrit le synopsis du premier épisode: « Isatis ».
- Le 18FEV08, Jacques Martin m'envoyait son synopsis « l'Ombre de Scarlett » pour que je le développe en l'adaptant aux années '50.
Je me suis suis donc retrouvé en train d'imaginer et d'écrire de front 5 histoires pour l'univers de Jacques Martin... (En plus de mon travail à temps plein dans l'enseignement). De plus, à ce moment, on m'a transmis une suggestion de Bruno Martin pour Noël Noir... La trouvant intéressante, je l'ai incluse dans mon scénario, ce qui demandait de repenser le découpage... En outre, cette histoire avait été lancée à peine le synopsis écrit, sans que j'ai eu le temps de bien éplucher la nombreuse documentation récoltée... Mais, mon courrier électronique en témoigne, je n'ai jamais laissé Régric sans rien à dessiner.
D'autre part, je précise que Régric n'avait pas le droit de transformer mon scénario ni de réécrire mes textes sans mon autorisation, mais que j'ai toujours été prêt à écouter ses remarques et que j'en ai régulièrement tenu compte. Mon principe est simple : j'accepte avec plaisir tout ce qui améliore l'album, j'élimine sans état d'âme tout ce qui altère le résultat final.
Je m'interroge toujours sur les raisons qui l'ont poussé à modifier ce qui faisait allusion à la religion et à la guerre d'Algérie, alors que ces éléments avaient été approuvés par le Comité de lecture.
Je n'ai menacé personne de procès ! La bonne blague ! Je n'ai pas la stature de Jacques Martin, de François Bourgeon ou d'Albert Uderzo pour me payer un procès avec mon éditeur !! J'ai simplement tout mis en oeuvre pour que l'album soit en définitive ce qu'il se devait d'être...
Je pourrais détailler et justifier chacune de ces corrections (il y a en environ 40), mais ce serait assez fastidieux... D'une manière générale, je dirais que les BD du style de Jacques Martin demandent beaucoup de rigueur et que ce n'est pas toujours facile, surtout pour un sujet aussi pointu que celui de Noël Noir. C'est normal que l'on commette des erreurs et je ne l'ai jamais reproché à Régric, et j'en commets aussi ; ce que je reproche, c'est de ne pas corriger une erreur repérée !
C'est pourquoi j'ai fait corriger le cheval que l'on tient par la queue, que j'ai fait mettre des lunettes aux sauveteurs qui progressent dans les fumées, etc...
Pour le char, j'avais envoyé de la documentation sur la 1.D.B. polonaise, ils étaient équipés de chars Sherman et c'est cela que j'avais demandé... (On a deux anciens camarades, un qui débarque en Normandie, l'autre qui accompagne les chars russes, c'est cela qui devait ressortir! La même scène et Mirko figurent aussi dans Les Enfants du Bunker).
Pour les terrils, il était important que l'on sente leur masse écrasante ; les terrils jumeaux qui figurent dans Noël Noir existent vraiment, ce sont ceux de Loos-en-Gohelle ; ce sont les plus hauts d'Europe (184 m)... Les gens du Nord ont été content de les reconnaître.
Au moment où les sauveteurs font leur première pause, Régric m'a fait remarquer que mon découpage donnait l'impression soit qu'ils font deux haltes de suite, soit que la pause se prolonge un peu trop, vu l'urgence de la situation. J'ai répondu qu'il avait parfaitement raison et que j'allais modifier cela. (C'était seulement mon 3ème scénario finalisé, il m'arrive de faire des erreurs, et je les corrige quand on me les signale !) C'est pourquoi j'ai remplacé cette vignette par une image montrant le travail nocturne des sauveteurs en surface et l'inquiétude de Renard. Je ne comprends pas pourquoi dès lors Régric a finalisé et colorié une vignette qu'il m'avait lui-même suggéré de modifier !
Pour la page 25, j'avais envoyé un lay-out précis. Dans la version de Régric, Lefranc lâche Luciana et ils tombent dans le puits, sans aucune chance de survie ! De plus, je rappelle que mon découpage pour cette page (restauré par mes soins) a été très apprécié des critiques.
Le psychiatre devait avoir une tête sympathique : il s'agit d'un personnage bienveillant, qui va clarifier les choses ; de plus, il revient dans les Enfants du Bunker ; Régric lui avait fait une sale tronche, plutôt une caricature du psy inquiétant (dixit des lecteurs test!)
Quand j'ai montré à des lecteurs test la dernière image de la planche 45 telle que dessinée par Régric, ils n'ont pas perçu que l'objet aux pieds de la petite fille, c'est la tête de la poupée qu'elle a arrachée, c'est pourquoi j'ai légèrement retouché l'image.
J'ai longuement pensé au découpage et au texte des deux dernières pages et je tenais à ce que ce soit respecté. La lecture des critiques me donne à penser que j'ai eu raison.
Le changement des couleurs est une décision prise indépendamment de moi par le Comité de lecture. Tout le monde était déçu des couleurs et ils ont pris la décision de confier à Bruno Wesel le soin de retoucher l'ensemble. Bruno Wesel est notamment le coloriste du Maître de l'Atome, Londres en péril, le Châtiment et de nombreux Alix ; il connaît parfaitement le style et les codes de colorisation de l'univers de Jacques Martin.
Concernant la version finale des dialogues et récitatifs, voici comment je procède (avec l'accord du directeur de collection) : j'écris une première version pour le dessinateur, qui sert à calibrer les espaces; Ensuite, quand j'ai l'ensemble des planches au moins crayonnées, je retouche, je peaufine, aussi en fonction du dessin et des réactions et suggestions de lecteurs test. Enfin, j'envoie le texte définitif à Casterman, pour l'infographiste qui l'intègre sur les fichiers électroniques. Ce travail d'infographie n'est donc pas du ressort de Régric, et tout a été fait en accord avec Casterman. (Je pense que je ne suis pas le seul à procéder de la sorte.)
A propos du choix de la couverture : Régric avait soumis au Comité de lecture un grand nombre de projets, sous forme de croquis... Au cours des discussions, j'ai défendu un projet de Régric qui me plaisait particulièrement, inspiré par l'image 2 de la page 18. Lui-même a déclaré dans une interview que le projet choisi n'était pas celui qu'il préférait... Quand j'ai vu le résultat finalisé, j'ai déclaré que c'était finalement une bonne couverture.
Concernant les P.L.V. (publicité sur le lieu de vente – "têtes de gondoles"), c'est Casterman qui m'a appelé dans leurs bureaux pour me demander des idées. (J'ai travaillé plusieurs années dans la communication et j'ai notamment eu pour client les éditions du Lombard, pour qui j'ai créé des dossiers de presse, affiches et PLV.) J'ai écrit plusieurs propositions de texte pour les présentoirs « Noël Noir », j'ai choisi comme fond l'image des mineurs prisonniers et perdus dans les galeries, avec un fond noir. J'avais proposé que l'on inclue la tête de Lefranc de la 6ème image de la page 40, que je trouve particulièrement réussie. A mon grand désappointement, ils ont préféré le Lefranc de la couverture de Londres en péril ! J'aime beaucoup ce dessin d'André Taymans, mais il ne convenait pas pour la publicité de l'album dessiné par Régric !
C'est moi qui ai voulu travailler avec Régric, j'ai insisté et argumenté pendant des mois pour qu'on lui confie la suite des aventures de Lefranc à l'époque où André Taymans a déclaré qu'il arrêtait Lefranc... Depuis que j'avais découvert les deux premiers tomes de l'Histoire de l'Aviation, j'avais immédiatement pressenti tout le potentiel qu'il y avait en Régric... J'ai été enchanté de notre collaboration pendant la première année, jusqu'à ce qu'il cesse de communiquer et de collaborer avec moi, tout en perdant tout esprit critique sur son travail, qui jusque là avait été excellent... Les corrections que je lui demandais, les remarques et suggestions, tout cela n'était pas contre lui, mais pour le bien de notre travail commun, pour le bien de la série Lefranc...