Désolé : je n'avais absolument pas pensé que Régric s'opposerait à la publication de ses dessins... En fait, j'avais pensé le faire dans un soucis d'objectivité : libre au lecteur de juger si j'avais eu raison ou tort de les corriger, si j'avais été ou non trop maniaque (Car, je le reconnais, je suis perfectionniste et ce n'est dès lors pas facile de travailler avec moi... Mais je pense aussi que la BD historique dans le style de Jacques Martin n'est pas un genre facile, que ce soit pour le scénariste ou le dessinateur.)
Les dessins de Régric en question n'étaient pas des brouillons, mais bien les dessins destinés à être publiés dans l'album... Je rappelle aussi que
Régric a lui-même a publié plusieurs de ces dessins sur Internet et les a exposés au festival de Buc... Il a même publié sur Internet des dessins de l'album alors qu'il était toujours en préparation (et en a tiré un portfolio) avant de me les montrer pour avoir mon avis (ainsi que cela se passe généralement dans la collaboration scénariste-dessinateur) et c'est ainsi que j'ai découvert les images où Lefranc tenait le cheval par la queue... Et que je me suis ainsi rendu compte qu'il y avait un problème...
Enfin, je ferais remarquer que
c'est Régric lui-même qui a soulevé la question des dessins retouchés, en faisant publier un avis dans
Alix Mag comme quoi la tête de Lefranc qui illustrait mon interview n'était pas de lui... Ce n'était pas moi qui avait choisi les illustrations pour cet article, dans lequel je répondais simplement aux questions concernant l'élaboration du scénario et où je ne formulais aucune critique à l'encontre de Régric...
Je vous invite à juger par vous même en lisant ici l'interview de Régric sur «
Alix Mag », et en observant les illustrations qu'il a lui-même fourni pour cet article – on peut y voir des dessins avant retouche :
http://alixmag.canalblog.com/archives/2009/10/04/15295654.html
Prenons la
première image de la toute première planche ; on peut observer 3 retouches (effectuées avec l'aide d'un infographiste de chez Casterman) (On peut s'amuser à chercher soi-même avant de lire la réponse ci-dessous!)
1. L'affiche « Dubonnet » a été remplacée par une affiche « Le Thermogène », car les gens du Nord s'en souviennent comme d'une affiche typique de leur région. De plus, c'est un hommage au fait que Jacques Martin ait à ses débuts réalisé des travaux publicitaires pour le Thermogène (voir « Avec Alix »).
2. Remplacement des lampes à néon par des ampoules à incandescence, car cela fait plus « ancien » (même s'il existait déjà des éclairages publics au néon, c'était moins répandu) et pour la concordance avec l'éclairage de la page suivante.
3. Le terril a été rehaussé et doublé. Et cela parce que ce décor existe, ce sont
les terrils jumeaux de Loos en Gohelle. Ce sont les terrils les plus hauts d'Europe (182 et 184 m), de vrais monuments nationaux! Je voulais que l'on sente les habitations – et les destins – comme écrasés par la masse titanesque des terrils... (Et cela était explicitement décrits dans le scénario et j'avais fourni de nombreuses photos) http://fr.wikipedia.org/wiki/Loos-en-Gohelle
C'est vrai qu'il s'agit de détails - la réalité de ces terrils, les publicités, la marque d'une ancienne bière régionale, les expressions de l'endroit – mais ce sont ce genre de détails qui, à mon avis, donnent de l'authenticité, et aussi de l'âme à ce genre d'histoire... En lisant les forums, j'ai vu que beaucoup de personnes du Nord avaient été sensibles à ce genre d'attentions, et, en lisant leurs commentaires, je suis finalement content de m'être obstiné!
Maintenant, regardons le crayonné de la
page 25, http://storage.canalblog.com/10/95/573015/44686882.jpg quand Lefranc et Luciana sont suspendus dans le vide. Comparez au dessin retouché par mes soins (et ceux de mon ami Rigebert), c'est-à-dire au dessin tel qu'il figure dans l'album (et qui correspond à mon scénario et au lay-out fourni avec)...
Première remarque: sur le dessin de Régric, Lefranc et Luciana tombent dans une sorte de puits très large et à base carrée qui ne correspond pas à celui que l'on peut voir au moment de la descente (pages 10 et 11)...
Ensuite, dans mon scénario (et dans l'album), Lefranc s'agrippe à une structure métallique, qui, en se descellant et, en se ployant, "dépose" Lefranc et Luciana à l'entrée d'une galerie en face. Par contre, dans les dessins présentés par Régric, Lefranc se retient à un câble... qu'il fini par lâcher !!...
Et il lâche aussi sa compagne !! Et tous deux tombent dans le puits la tête la première ! Je ne vois vraiment pas comment ils pourraient s'en sortir vivants et comment on les retrouve intacts deux pages plus loin ! Ni comment Luciana pourrait remercier Lefranc de l'avoir sauvée, alors qu'il l'a littéralement laisser tomber !!
Ici, à mon sens, il ne s'agit plus de détail, mais bien de
vraisemblance !... Il me semble que si je n'avais pas corrigé cela, le lecteur ce serait dit « Mais ce n'est pas possible : ils ne peuvent plus être en vie ! « Cela aurait décrédibilisé tout l'album !
J'en ai profité pour rétablir la construction que j'avais prévue, en grandes images verticales, que je trouvais plus impressionnante... et j'ai remarqué avec plaisir que cette construction avait été salué non seulement par plusieurs forumeurs, mais aussi par le journaliste du
Figaro :
http://www.lefigaro.fr/bd/2009/11/20/03014-20091120DIMWWW00631-les-planches-de-noel-noir.php
Je trouve la situation assez plaisante.. Le dessinateur a-t-il songé à écrire au Figaro pour qu'il publie un rectificatif comme quoi cette page a été modifiée contre sa volonté ?