Bonjour
J'apprécie beaucoup cet auteur, tant sa plume que son pinceau.
Bien évidemment, sa série phare est
Airborne 44, une succession de 5 diptyques qui raconte la Bataille des Ardennes, à travers le regard de différents protagonistes.
Les histoires sont profondément émouvantes. Elles racontent l'horreur de la guerre et le courage des soldats et des civils face à la barbarie. Les fins sont généralement heureuses ce qui n'est pas évident vu l’importance de cette bataille où 60 000 combattants ont disparu ou ont été tués. Seul le quatrième diptyque, d'ailleurs le moins réussi, fait exception à cette règle.
L'arrière plan historique est solide et irréprochable.
Philippe Jarbinet a recours à la technique de la couleur directe et ses aquarelles sont splendides. L'auteur habite les Ardennes et il sublime les paysage de sa contrée pour mieux nous les présenter.
Qui dit guerre dit souvent homme. Or, je trouve que le scénariste apporte au traditionnel reportage de guerre un regard féministe. Ses héroïnes, civiles ou militaires, portent très haut les couleurs de la cause féminine et sans que cela soit outrancier. Joanne, la figue de proue des tomes 3 et 4, est une belle personnalité. Face à un conflit destructeur, elle va trouver en elle des forces immenses qui lui permettront de réconcilier l'irréconciliable et surtout de recréer la vie.
Le tome 10 d'
Airborne 44, deuxième et dernier volet du diptyque consacré aux soldats afro-américains vient juste de sortir. Qu'en penser ?
Nous avons laissé les deux héros, Virgil, le jazzman noir, et Jared, le propriétaire terrien blanc, perdus derrière la ligne de front. Cet opus les voit regagner l'armée américaine et engager le combat dans l’hiver glacé de 1944-1945. Ces deux hommes que le passé et la condition sociale opposent vont se rapprocher progressivement jusqu'à devenir des amis. Le cliché des camarades de combat est quelque peu rebattu et je préfère lui substituer celui de l'école de la vie et de l'union sacrée face aux difficultés.
Jarbinet aborde avec beaucoup de délicatesse le sujet du racisme, sans aucune lourdeur. Il ne recourt pas à un discours moralisateur et ne condamne pas. Il se contente d'exposer les faits, aussi durs soit-ils, et il laisse le lecteur raisonner et aboutir à la conclusion évidente. Quoiqu'il en soit, on ne peut que s'interroger et admirer les soldats afro-américains qui combattaient doublement, les nazis bien évidemment, mais aussi le mépris de certains certains "blancs".
J'ai aussi beaucoup apprécié l'utilisation des lettres que Virgil envoie à son amie de Paris. Elles rythment la narration, apportent un certain recul comme dans un roman épistolaire. Une très belle idée
.
Côté graphisme, la maîtrise du dessinateur est totale. Il restitue les paysages enneigés avec une virtuosité et un réalisme puissants. On s'y croirait. Si, tome après tome, les visages de Jarbinet se sont un peu trop simplifiés, a contrario, la qualité des décors progressent. Et bien évidemment, les couleurs sont d'une beauté époustouflante, un mélange de douceur aquarellée et de froideur hivernale. Du grand art. Je me permettrais pour conclure ce paragraphe de faire un zoom sur la couverture de la BD où la carnation des visages de Virgile et de Jared est presque la même. Un très beau signe.
Au final, ce sera donc un
EEEE. Ce dixième opus apparaît d'une meilleure tenue que les derniers tomes, un peu en perte de vitesse. On peut aussi saluer l'arrière plan de ce diptyque, que ce soit la chanson de jazz ou encore l'utilisation de faits réels.
Eléanore