Tarmac a écrit:Pour les remparts dans "La chute d'Icare" ceux-ci sont grecs, effectivement Raymond.
C'est simplement une réflexion d'ordre global.
Par exemple, pour le cas de "Iorix le Grand" je ne pense pas que la cité gauloise ait pu avoir des fortifications en pierre. Quand on imagine un oppidum gaulois au moment de la guerre des Gaules, ça ne correspond pas. Je peux me tromper, et là on entre dans une question de spécialiste, que je ne suis pas.
Pour la question de Sparte, quand on lit "la guerre du Péloponèse" de Thucydide, on s'aperçoit que Lacédémone n'avait pas de murailles. Celles-ci étaient étrangères à la mentalité des spartiates, puisque leur poitrine constituait déjà la muraille de Sparte.
Idem pour "Les barbares", je crains qu'il n'y ait des anachronismes sur la forteresse d'Althus rhenus.
Un spécialiste tel que Ajax
devrait pouvoir nous en dire davantage et nous éclairer.
C’est seulement aujourd’hui que j’ouvre ce topic que j’avais zappé. Merci pour ton appréciation flatteuse, Tarmac (tu bois quelque chose ? Ouzo ou retsina ? ou une petite métaxa ?). Parmi tous les échanges dans ce topic je retiens le tien car il est un des plus récents et qu’en outre il résume bien toute la problématique ici traitée, du moins pour l’architecture.
Les fortifications d’IORIX LE GRAND sont tout-à-fait fantaisistes en Gaule au Ier s. av. n.E. (et le resteront pendant les siècles suivants). En fait Martin y a transposé des croquis fournis par Jean-Pierre Adam, occupé à écrire L’ARCHITECTURE MILITAIRE GRECQUE, qui sortira en librairie quelques années plus tard chez Alcide Picard (1982). Adam, qui fouillait le site de Pydna en Lycie, était entré en contact avec Martin à propos de sa forteresse imaginaire du DERNIER SPARTIATE. C’est aussi lui qui, ayant étudié quelque 300 stèles funéraires de légionnaires romains, modifiera la vision martinienne des équipements militaires à l’époque de César. Jusqu’alors Martin dessinait des cuirasses segmentées popularisées par l’imagerie du XIXe s. A partir de VERCINGETORIX, donc, Martin changera d’épaule son pilum !
Je n’insisterai pas sur sa divergence de vue avec Adam à propos de l’Acropole d’Athènes dans L’ENFANT GREC !!!
Donc, pour les fortifications de la fictionnelle
Icarios, ce sont encore les dessins d’Adam qui ont inspiré Moralès. Comparez avec IORIX LE GRAND et vous verrez… Je viens de relire la petite plaquette-interviewes de Martin et Moralès, « Icarios » publiée par J.V.D.H., qui n’aborde pas cette question des sources.
Pour LES BARBARES, Moralès s’est inspiré de celles de Xanten (sur le Rhin), qui sont du IIIe s. de n.E., et qui ont été reconstituées par l’Archäologischer Park de Xanten. Moralès me l’a confirmé. Je n’insisterai pas… De toute manière aucun
castrum en dur n’a été construit par les troupes césariennes en Gaule ni en Germanie, mais uniquement en bois et levées de terre. Nous sommes ici en pleine uchronie, comme en témoigne du reste la suggestion que les Romains auraient pu recourir à des chars à faux porteurs d’archers. Bien sûr, ce n’est qu’une BD, une fiction.
Pour la forteresse spartiate, il s’agit d’un lieu imaginaire et, en fait, fort peu spartiate. Plutôt une résurgence globale de la Grèce classique, qui emprunte aussi à Athènes. Dans la bouche du général Alcidas, un même phylactère applique à Enak deux concepts très différents : l’un est athénien (métèque), l’autre spartiate (hilote). Dans l’antiquité, c’étaient deux choses tout à fait différentes; mais le discours populiste des années ’30 en a altéré le sens.
J’ajouterais encore que la forteresse encadre un grand temple d’Athéna et que – bien qu’il y ait eu sur l’acropole de Sparte un temple d’Athéna Chalcioecos – on aurait pu espérer plutôt un temple d’Artémis Orthia, plus emblématique avec ses rites de flagellation des jeunes garçons spartiates…
rbo a écrit:Pompée décime les pirates en Méditerranée en 66 Av JC.
Le grand pompée meurt en 48 Av JC .
On voie les pirates dans la chute d'Icare,alors ça se passe avant 66 Av JC,mais en 66 Jule César est questeur en espagne,il est pas empereur.
Raymond a écrit:Jacky-Charles a répondu à cette question, RBO.
Je reprend ce qu'il écrit au sujet des pirates :
On sait que Pompée avait éradiqué ceux-ci une vingtaine d'années auparavant, mais le marin qui transporte Alix paraît d'un avis contraire. Quelques uns lui avaient-ils échappés, ou bien en avait-il gardés libres afin de s'en servir pour ses ambitions ? D'après le dialogue, sa complicité est bien avérée. Dans ce cas, son but n'aurait rien de mystérieux : s'enrichir encore et enrichir les pirates sur le dos de la République romaine, et sans doute aussi entretenir dans la région une certaine insécurité qui justifierait une nouvelle intervention de sa part, fructueuse si possible. Cette hypothèse semble tout devoir à l'imagination de l'auteur, mais quoi qu'il en soit, les pirates seront encore bien là dix ans plus tard lorsque le fils de Pompée ( celui qui survit à la fin de l'Ibère ), maître de la flotte romaine, aura recours à eux de -40 à -36, pour pratiquer une guerre de course dans le cadre de la guerre civile.
La piraterie était un fléau endémique en Méditerranée. Vers 76-75, César lui-même, voyageant vers Rhodes, en fut la victime. Il s’en vengea en recrutant quelques mercenaires et les faisant ensuite illégalement crucifier (cette prérogative appartenant au magistrat en charge de cette zone).
En 67 et en trois mois, Pompée a effectivement éradiqué la piraterie en Méditerranée, en vertu de l’
imperium à lui conféré par la
Lex Gabinia (
imperium obtenu grâce à l’action conjuguée de Jules César et du tribun du peuple T. Labienus). Mais Pompée n’extermina pas systématiquement les pirates, qui étaient souvent des gens par la misère acculés à cette extrémité. Ainsi Pompée refusa de massacrer ou réduire en esclavage 20.000 d’entre eux qu’il assigna à repeupler certaines villes de Cilicie ainsi que Dyme dans le Péloponnèse (Eric TEYSSIER,
Pompée, l’anti-César, Perrin, pp.164-165).
Au cours de cette campagne il y eut aussi une situation ridicule où, pour une question de préséance (Pompée remplaçant Q. Caecilius Metellus Creticus [ancien consul] par un de ses légats, L. Octavius), Octavius donc fut amené à prendre juridiquement la défense de pirates crétois que la fureur de Metellus voulait crucifier (TEYSSIER, op.cit., pp.166-167).
Ajoutons qu’après la mort de son père, ainsi que l’a noté Jacky-Charles, son fils
Sextus Pompée – n’ayant d’autre choix – devint lui-même un « pirate » opposé au triumvirat Octave-Lépide-Antoine. J’en ai parlé ici :
https://lectraymond.forumactif.com/t1205p75-l-or-de-saturne#78986Martin aura voulu broder là-dessus, mixer tout ça pour imaginer LA CHUTE D’ICARE, histoire sans doute de pouvoir y inclure les agents pompéiens qu’étaient Arbacès, l’éternel « méchant » de la saga alixienne, et son complice Numa Sadulus (p.27, 3e v.).
Détail amusant, l’opportuniste gouverneur de Délos, Q. Arenus (ancien partisan de Pompée passé à César) mentionne que Pompée s’apprête à mener une expédition contre les pirates :
nous serions donc en 67. Or à l’époque, César était plutôt l’allié de Pompée, qu’il tentait de rapprocher de son ami Crassus en vue de fonder un triumvirat (en 60). Et Alix, qui entre dans l’Histoire-BD en 53, devait n’être qu’un nourrisson. On voit bien que le scénario mixe différents éléments épars pour créer sa propre logique, mais ce qui me gêne c’est que le lecteur non averti en retiendra que Pompée menait un double jeu avec les pirates – moi j’aurais préféré qu’on évoque sa magnanimité.
(Ici, je préfère ignorer la mention d’un « proconsul Brutus » en route pour Rome (p.39, 1ère v.). S’il s’agit bien du Brutus auquel tout le monde pense, ce fut après le meurtre de César qu’à Athènes il prit de contrôle d’une flotte romaine retour d’Asie. [À ce moment Brutus est préteur de la Cyrénaïque par la grâce d’Antoine (A. BERNET, Brutus, p.253).] Pas davantage je ne retiendrai l’image d’une Julia en cuirasse qui me fait songer à Fulvia, l’épouse de Marc Antoine, lors de la guerre de Préneste. À l’évidence, le scénario est un patchwork. Ce qui justifie qu’aucun incipit ne mentionne de date, et c’est mieux comme ça. Alix reste dans sa bulle temporelle.) Raymond a écrit:Ces images n'ont pas été inventées. Il doit y avoir des ruines assez magnifiques, je suppose.
Cette reconstitution du Temple d’Apollon à Délos m’a toujours bien fait rire. Elle est à peu près aussi grecque que Macchu Pichu ! Le malheur est qu’elle revient à plusieurs reprises dans Alix, notamment L’ODYSSEE D’ALIX, LA GRÈCE/1 et LE CHEVAL DE TROIE.
En fait, elle se base sur une reconstitution de l’architecte Henri-Paul Nénot (1882) publiée dans le catalogue
Paris-Rome-Athènes (a). Page 258 de cet ouvrage, on peut lire :
« Restauration (…) inexacte en de nombreux points. (…) ; L’Académie lui adressera d’assez durs reproches : « il ne fournit aucun élément justifiant la plus grande partie de la restauration » et « ne donne pas d’indications assez précises » (Rapport). » On peut lire encore :
« Nénot imagine ici un sanctuaire hors du temps où se côtoient des monuments de toutes les époques » (b).
Ces colonnes historiées font davantage référence à l’Egypte pharaonique qu’à l’art hellénique. Dans tous les cas de figures, les colonnes grecques ont toujours été cannelées, qu’elles soient doriques, ionique ou corinthiennes. J’imagine que dans leur particularité elles ont dû séduire Martin – artiste davantage qu’archéologue – dans sa vision idéalisée d’une Antiquité imaginaire.
Pour ma part je n’ai pas eu l’occasion de visiter Délos, mais je lis dans ma documentation qu’il y avait eu trois temples d’Apollon, alignés les uns à côté des autres, soit du nord au sud :
1) Le
Pôrinos Naos (VIe s.), de style ionique. Il n’en reste plus que la base.
2) Le « Temple des Athéniens », construit en -420, de style dorique, hexastyle(*), amphiprostyle(**).
3) Le « Grand Temple » -
celui nous intéresse ici – mesurant 25,50 m x 13,55 m, dorique, hexastyle(*), périptère(***). À noter que dans LA CHUTE D’ICARE, il est amphiprostyle mais pas périptère – cependant il est périptère dans LA GRÈCE/ 1 où le lecteur alixophile trouvera d’ailleurs aussi un plan du site de Délos.
4) Vient ensuite l’
oikos des Naxiens (on le voit dans le coin inférieur droit, p.38, 1ère v., de LA CHUTE D’ICARE), dont la
stoa (portique) vient devant les trois temples et les cache partiellement aux yeux du visiteur en front de mer (Guide Bleu (1967) p.834 et Guide Nagel (1970) p.374).
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a)
Paris-Rome-Athènes. Le voyage en Grèce des architectes français aux XIXe et XXe siècles, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 1982, p261. Il existe aussi, sans doute, une version « poster ».
Ce catalogue a beaucoup inspiré Martin et son collaborateur Pierre de Broche, ainsi également dans LA GRECE/1 : Delphes (Albert Tournaire, 1894), Épidaure (Alphonse Defrasse, 1891-1893) et Éleusis (L. Blavette, 1884-1885).
b)
Délos, île sacrée et ville cosmopolite, Ecole française d’Athènes, CNRS Editions, coll. « Patrimoine de la Méditerranée », 1996, p.8.
*) Hexastyle : six colonnes en façade.
**) Amphiprostyle : colonnes seulement sur les façades avant et arrière.
***) Périptère : colonnades sur les quatre côtés.[/b]