L'auteur de bande dessinée et alpiniste Jean-Marc Rochette évoquait cette disparition dans son ouvrage autobiographique "Ailefroide, Altitude 3.954", sorti en mars 2018. A la mère du jeune homme qu'il avait croisée à l'époque, il avait tenté de la rassurer, se disant néanmoins en lui-même que "le glacier ne le lui rendrait pas avant 50 ans". Cela aurait finalement été 43 ans...
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Bonjour
Le Loup vient de remporter une nouvelle distinction : https://www.lepoint.fr/culture/prix-wolinski-de-la-bd-du-point-2019-le-loup-de-jean-marc-rochette-20-11-2019-2348702_3.php .
Il est aussi en lice pour les prix de la BD FNAC France-Inter : https://www.fnac.com/prix-bd-fnac et des Libraires Canal BD https://www.canalbd.net/glbd_plibre_33-6_Selection-2019 .
Et je croise mes talons aiguilles pour qu'il soit retenu dans la sélection d’Angoulême .
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Le loup fait partie de la sélection officielle pour le Fauve d'or à Angoule ême https://www.telerama.fr/livre/bd-decouvrez-la-selection-officielle-du-festival-dangouleme-2020,n6535852.php . Mes talons aiguilles lui ont donc porté chance
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2J a écrit:http://www.msn.com/fr-fr/actualite/faits-divers/un-glacier-des-alpes-rend-un-corps-plus-de-40-ans-apr%c3%a8s/ar-AAH2z7l?ocid=ientp
L'auteur de bande dessinée et alpiniste Jean-Marc Rochette évoquait cette disparition dans son ouvrage autobiographique "Ailefroide, Altitude 3.954", sorti en mars 2018. A la mère du jeune homme qu'il avait croisée à l'époque, il avait tenté de la rassurer, se disant néanmoins en lui-même que "le glacier ne le lui rendrait pas avant 50 ans". Cela aurait finalement été 43 ans...
Il faut dire que dans le cadre de la 14ème RENCONTRE INTERNATIONALE DU LIVRE DE MONTAGNE à Arolla (VS/CH) de cette année, Jean-Marc Rochette a donné une conférence le dimanche 7 juillet concernant (principalement) "Ailefroide Altitude 3954" et "Le Loup".
Livre de Montagne - Arolla CH
Durant l'échange il a brièvement abordé ce drame qui est repris dans son autobiographie :
Avant cette rencontre, je ne le connaissais pas vraiment. J'avais passé un bon moment en lisant Edmond le Cochon mais sans plus. Pour sa principale série "Le transperceneige", je n'as pas réussi à lire plus de 10 pages... C'est que je ne suis pas vraiment un amateur de SF. Machinalement, j'ai toujours mis de côté ce qu'il a fait par la suite.
Et là, j'ai vraiment été emballé par sa conférence mais aussi de découvrir un peintre.
J'ai également profité pour tailler une bavette lorsqu'il nous a dédicacé Ailfroide. Là voici :
Donc :
Raymond a écrit:Un volumineux art-book consacré à Rochette est sorti il y a quelques semaines. Il s'intitule Vertiges et contient aussi une interview du dessinateur.
Je l'ai feuilleté et il est très bien, mais je ne pense néanmoins pas acquérir ce gros bouquin. On ne peut pas tout avoir.
Gilles Ratier commente cette publication sur BDZoom !
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J'ai lu La dernière reine .
L'intrigue commence à la Préhistoire et court jusqu'aux Années folles. Elle s'attarde plus particulièrement sur le début du 20ème siècle et nous présente l'enfance et l'âge adulte d'Edouard Roux. Le héros est un écologiste avant l'heure qui défend les animaux et plus particulièrement les ours contre les chasseurs. Mobilisé en 1914, Edouard est grièvement blessé et défiguré durant un assaut. Le jeune homme perd tout goût à la vie jusqu'à qu'il rencontre Jeanne Sauvage, un sculptrice parisienne, qui lui recrée un visage à l'aide d'un masque cachant les formes blessées. Une tendre romance nait entre les deux héros. Le jeune homme décide alors d'emmener son pygmalion jusque dans le Vercors pour qu'elle y voit une sculpture pariétale d'ourse. L'artiste est séduite et en crée une copie qu'elle essaie de vendre sur le marché parisien. Escroqués par un marchand d'art véreux, échaudés par la vie parisienne, les deux héros regagnent le Vercors. Ils s'installent au milieu de nulle part et se construisent un Eden. Mais si la montagne est pure, elle n'en est pas moins rude et Jeanne attrape la tuberculose...
Cet ouvrage monumental de près de 240 pages regroupent toutes les thématiques chères à Rochette. On y retrouve bien évidemment son amour de la montagne mais aussi sa méfiance forte de toutes les autorités (le bédéaste a notamment soutenu le mouvement des gilets jaunes) ou encore son goût prononcé pour la solitude (l'auteur vit dans une vallée alpine y compris lorsque celle-ci est coupée du monde par la neige). J'oserais même aller plus loin en m'interrogeant sur le lien entre Édouard, Jeanne et Rochette. Les deux héros de la dernière reine ne sont-ils pas des avatars du dessinateur ? La misanthropie et l'anarchisme d'Edouard résonne comme ceux de Rochette. Les talents artistiques de Jeanne reflètent ceux de l'auteur. On peut aussi dire que la BD est un manifeste écologique, voire même un manifeste de vie. Rochette y professe sa vision du beau et du sain. Et l'œuvre est un cri d'alarme face à la destruction des milieux naturels.
Mais la BD ne s'arrête pas là. Elle est clairement mystique. Le Dieu-Ours que nous voyons adoré dans les temps préhistoriques s'efface progressivement sous les coups de boutoirs du christianisme. Et jouant habilement sur la métempsycose, Rochette fait vivre Edouard et sa maman à plusieurs époques. Ainsi, la sorcière que cherche le prêtre inquisiteur, et l'enfant qui va amener les soldats dans la caverne sacrée, ne sont autres que le héros et sa génitrice. On peut même aller au-delà et voir en Edouard un prêtre du Dieu-Ours, un semi-Dieu qui va suivre le destin de son maître. L'époque des ours est révolu. Voilà maintenant celle des hommes.
Pour créer le personnage de Jeanne, Rochette s'est inspiré de sculptrices réelles telles Jane Poupelet et Anna Coleman Ladd (https://fr.wikipedia.org/wiki/Anna_Coleman_Ladd) qui ont fabriqué maints et maints masques pour les gueules cassées de la Première Guerre mondiale :
Mais le bédéaste va bien plus loin. Car la jeune femme modèle non seulement la matière mais aussi et surtout les âmes. Et ce sont ces doigts qui vont "resusciter" Edouard et le guérir de sa dépression post-blessure. Dès lors, comme tout être divin, Jeanne a un pouvoir de vie et de mort, et sa maladie va être suivie de la déchéance de celle de son amant.
Pour revenir sur terre, il convient de signaler que la BD est l'occasion pour Rochette de nous faire partager sa passion pour son métier. Ainsi, l'auteur met en scène les artistes qu'il apprécie particulièrement comme Soutine, François Pompon et même Cocteau. On peut aussi saluer le clin d'œil du bédéaste à ses années berlinoises. La boucle est bouclée et le Rochette de Berlin fusionne avec le Rochette du massif des Ecrins.
La dernière reine est donc beaucoup plus qu'une histoire, c'est l'univers au complet de Rochette qui vit sous nos yeux.
Le graphisme se marie très bien avec cette histoire âpre. De grands traits dessinent une montagne rude et des héros non moins rudes. Et on retrouve les loups du précédent opus dans un combat dantesque. Pour Rochette, la nature sauvage est impitoyable. Seuls les prédateurs les plus efficaces et puissants survivent.
On peut noter que l'auteur a décidé de coloriser lui même son œuvre. Et il a choisi une dominante sombre, étouffante, écrasante, au diapason de ce drame.
Au final, on ne peut que saluer la tentative artistique. Sauf que je n'ai pas aimé un recours excessif au pathos. L'intrigue est noire, fuligineuse. L'espoir n'existe pas. Tant pour les individus que pour les sociétés et la nature. Le naturalisme de l'auteur est impitoyable.
Partant de là, je ne mettrai que EEE. Mais les journaux de critiques ont adoré, BDZoom mais aussi Télérama ou Le Monde.
Nombre de messages : 2297 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Pour compléter mon propos précédent, je pense aussi que le EEE se justifie par le manichéisme assumé de Rochette. Or, je ne crois pas que l'on puisse être raisonnablement aussi tranché et extrême ! Et la civilisation ici conspuée a permis de belles choses. Rien n'est noir ni blanc.
Nombre de messages : 38448 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
J'ai lu La Dernière Reine il y a plus de 3 semaines et je n'avais pas eu le temps jusqu'ici d'en faire une petite chronique. Je vais compléter ce manque car il faut absolument signaler cet album, à mon avis un des meilleurs de l'année 2022.
Au départ, j'ai découvert cette couverture qui ressemble beaucoup aux deux précédents albums de Rochette et ... j'ai eu un petit mouvement d'hésitation. Je craignais que le dessinateur ne se répète un peu trop ! Heureusement ce n'est pas le cas ! On y retrouve l'univers de la montagne, bien sûr, mais ce thème se mélange habilement avec d'autres fils narratifs importants et il en résulte une BD totalement neuve. Il y a aussi une grande richesse d'idée dans le récit et la Dernière Reine ne contient aucune longueur susceptible d'entraîner une baisse d'intérêt.
Comme premier thème, il y a l'histoire dramatique des gueules cassées de la Première Guerre Mondiale, et on devine que Rochette éprouve un sentiment de fraternité avec ces véritables exclus de la société. Il est vrai que l'auteur a été lui-même blessé de cette manière à la suite d'un accident de montagne, et peut-être éprouve-t-il lui aussi encore un peu de colère à ce sujet ? Mais peu importe ! Le héros du livre, Edouard Roux, est avant tout un grand blessé de la vie, mais il a une force physique et une pureté d'âme qui vont peu à peu lui redonner une chance.
Il y a ensuite la sculpture et le monde parisien des années 30. Eleanore-clo vous a déjà expliqué de façon précise de quels personnages historiques l'auteur s'est inspiré. Rochette connait par ailleurs assez bien le milieu et le travail des sculpteurs, et cette effervescence artistique un peu inattendue tranche habilement avec l'ambiance mortifère du début du livre. Pendant un petit moment, la BD devient un peu plus légère ... mais cela ne dure pas longtemps.
Il y a ensuite la nature sauvage et le Vercors, représentés par une ourse qui est poursuivie par les hommes. Ce thème montagnard était déjà présent dans les albums précédents et c'est un univers qui est cher à l'auteur. Cette nature est peu à peu en train de disparaître à cause des activités humaines, tout comme les ours, et Edmond Roux essaie bien sûr de sauver ce dernier animal sauvage, qui est un véritable symbole.
Et puis il y a une histoire d'amour, totalement inattendue pour Edmond Roux qui était éloigné de toute vie sociale. L'auteur la raconte d'une manière très poétique, car cet amour semble se confondre avec un retour à la nature, ainsi qu'avec une vie primitive. C'est un beau moment de respiration au milieu de ce livre qui est quand même dominé par une impitoyable noirceur.
Car il y en a de la noirceur dans cette bande dessinée ! Je suis en cela totalement d'accord avec eleanore-clo. Noirceur de l'intrigue tout d'abord, car la vision de la société française des années 20 par Rochette est très pessimiste, et la fin du héros est totalement injuste. Noirceur des images ensuite, car le dessinateur teinte d'une implacable couche de gris la quasi-totalité des cases de l'album. Cette tendance un peu monochrome des couleurs donne cependant une belle unité à cette histoire ! Et tandis que l'auteur nous promène à travers la France du 20ème siècle, la tension ne se relâche jamais. En fait, Rochette réussit ainsi à créer un petit chef d'oeuvre.
En effet, la noirceur de cette BD ne l'empêche pas d'être passionnante, distrayante et par moment poétique. Et puis la conclusion très ouverte, qui comporte bien sûr un émouvant retour à la nature, permet au lecteur de garder un petit espoir. Peut-être que tout n'est pas encore perdu ?
C'est donc une très belle œuvre, à la fois tendue, sobre, implacable et inspirée par un véritable amour de la terre. J'aime totalement !
Nombre de messages : 2297 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
D'après mon libraire, La dernière reine a été élue BD de l'année par RTL. Mais RTL ne faisant plus beaucoup de publicité pour sa rubrique BD, je n'en ai pas trouvé trace.
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Rochette a fermé son compte Facebook.
Antivac militant, et pour protester contre la polémique née de son positionnement, cet auteur nous a déjà joué la même pièce, juste avant d'écrire La dernière reine.