Merci de signaler cet article, avec lequel je ne suis pas du tout d'accord !
L'auteur y annonce bêtement la triomphe absolu du manga, en ajoutant que même les jeunes auteurs franco-belges (Timoté Le Boucher, Mathieu Bablet, Jérémie Moreau, Léa Murawiec et j'en passe) utilisent un nouveau style inspiré du Japon. La BD traditionnelle franco-belge serait ainsi devenue "obsolète".
Qu'il y ait un triomphe
international du manga, c'est indiscutable ! Je remets ci-dessous un étonnant diagramme que j'avais trouvé sur ActuaBD, et qui concerne les ventes aux USA. La jeune génération lit essentiellement les mangas et les super-héros passent au second plan ! C'est un phénomène actuel réel, dont l'évolution est toutefois imprévisible.
L'article d'ActuaBD et le diagramme se trouvent ici :
Marché de la BD 2021 - Anatomie d’un malaise 1/3 : le triomphe (...) - ActuaBD
Aux USA, les recettes des comic books se sont effacées derrière celles des mangas (qui font les 3/4 des ventes) et c'est bien surprenant. Ce phénomène est toutefois moins prononcé en France où les BD classiques font de la résistance (45% contre 55% de mangas). Et je crois que cette résistance de la BD francophone va perdurer car elle est devenue un fait culturel, bien établi dans les habitudes de lecture. Commercialement, le manga domine un peu, mais je ne suis pas sûr qu'il en soit de même au niveau culturel. La BD franco-belge a déjà résisté victorieusement à l'invasion des super-héros et elle tient assez bien tête face au mangas. L'avenir est bien sûr incertain, mais pour ma part j'ai assez confiance sur le long terme. Le manga est à la mode chez les teen-agers, mais ce n'est probablement pas définitif.
Par ailleurs, si l'influence graphique du manga est indiscutable sur certains dessinateurs francophones, cela ne concerne qu'une minorité d'auteurs. De plus, Mathieu Bablet ou Thimoté Le Boucher (que l'auteur considère comme japonisants) sont avant tout des auteurs européens de romans graphiques, développant leurs thèmes d'une manière très occidentale. Je n'ai pas lu *Le Grand Vide" de Léa Murawiec et je veux bien croire qu'elle se soit inspirée du style manga, mais ce n'est pas parce qu'elle a remporté un prix à Angoulême qu'il faut annoncer à grands sons de trompe que la BD franco-belge a perdu la partie !
Je ne suis donc pas du tout impressionné par cet article prétentieux, qui ne considère les choses qu'à court terme. La BD occidentale n'est pas morte. Elle va peut-être emprunter quelques recettes au manga (c'est de bonne guerre) mais elle va garder son identité. Je ne crois pas à cette "hybridation" qui est annoncée dans l'article. Il me semble que la vraie tendance est plutôt la diversification des styles graphiques, et l'influences des dessinateurs indépendants est tout aussi (voir même plus) importante que celle des mangas.
Et puis, reconnaissons au passage que je lis de temps en temps des mangas pour adultes, mais ceci n'est en rien une victoire de la BD japonaise. Il est normal de lire les bonnes BD indépendamment de leur provenance, et il n'en résultera pas un phénomène de remplacement. Je ne suis pas devenu "hybride" et je reste simplement un lecteur curieux.
Et enfin, si on regarde rétrospectivement l'histoire de la BD francophone, elle a en fait connu une succession de modes au Xème siècle, et elles n'ont toutes eu qu'un temps limité. Rappelons l'importance des comics strips au temps des grands illustrés des années 30, puis des petits formats bon marché dans les années 60 (qui ont maintenant presque disparu). Il y a eu ensuite les super héros pendant les années 70, le manga dès la fin des années 90, le roman graphique et les indépendants pendant les années 2000, et la BD franco-belge traditionnelle a très bien résisté à tout cela. Il me semble donc un peu léger de prédire sa japonisation (ou plutôt son "hybridation") dans les années à venir.