Raymond a écrit:Pour ma part, je trouve qu'éditer une planche de BD en effaçant les gris ou les effets de lavis qui y ont été dessinés par l'auteur représente une mutilation tout aussi importante que d'y appliquer en second temps des couleurs maladroites. Si la planche a été conçue pour être publiée en noir et blanc, alors il faut en respecter tous les détails. En découvrant à l'époque l'album Glénat, il me paraissait évident qu'Allo D.M.A. n'avait pas été conçu pour être publié dans un noir et blanc tout nu, avec un dessin "au trait", si j'ose dire. Il manque vraiment beaucoup de détails importants dans l'album Glénat. Je dirais même que c'est un massacre quand on compare les planches Glénat avec celles qui sont parues dans Pilote.
Quitte à massacrer des dessins originaux, oui, ce n'est pas mieux d'effacer le grisé du lavis (surtout quand c'est mal fait comme dans l'album Glénat) que d'ajouter des couleurs par-dessus ce lavis. Les deux solutions ne sont pas les bonnes et c'est certain (à mes yeux) qu'il fallait scanner les planches originales (toutes sans couleurs évidemment), et les publier comme ça, dans leur jus. C'est ça que j'appelle "respecter" le dessinateur. Cela donnerait un album sans aucune couleur, mais avec un mélange de planches au trait (Noir & blanc) et de (belles) planches au lavis. Publier les planches en couleur comme dans
Pilote, ça s'appelle respecter de préférence le coloriste. Mais au départ, c'est le dessin (en N&B ou au lavis) de Poïvet qui "fait" la BD... Alors...?
C'est dommage que je n'aie pas le temps, mais je pourrais montrer en vis-à-vis deux dessins particuliers - car c'est un cas particulier dans l'affaire - extraits d'une planche originale au lavis, et le résultat dans
Pilote : le lavis a complètement disparu... Puisque tu as l'album Glénat apparemment (et aussi pour ceux qui ont l'album Glénat), ce sont les avions de chasse qui décollent puis volent, dans la seconde moitié de la planche 83. Dans l'album Glénat publié en Noir & blanc, l'éditeur a sans doute voulu retrouver un semblant de lavis, et c'est sûr, c'est raté ! Dans l'album Fordis que je n'ai pas vu, ces dessins doivent être en couleur, comme dans
Pilote. J'ai un scan de la planche originale sous les yeux : alors là, comme on dit, y'a pas photo. C'est la version originale au lavis qui est formidable et qu'il aurait fallu absolument privilégier.
Raymond a écrit:Il en était de même avec La Cité secrète de la Mort, que j'ai trouvé tout aussi déplaisante dans l'album Glénat et que j'ai vraiment découverte dans l'album Fordis il y a quelques années. Pour qu'une BD séduise le lecteur, il faut vraiment que le dessin respecte ce que le dessinateur voulait montrer.
"Séduire le lecteur" ? Mais quel lecteur ? Plein de lecteurs n'achètent pas d'albums en Noir & blanc parce que ce n'est pas en couleur. Un éditeur doit mettre de la couleur pour être sûr de vendre davantage. Pourquoi ? Parce que c'est comme ça, la couleur - même ratée, d'ailleurs - est attirante. Donc Fordis a choisi la version "couleur" (mais, en plus, il est parti du journal
Pilote dont l'impression n'est pas extraordinaire, dont les couleurs ont presque sûrement un autre aspect que ce qu'a préparé le coloriste-maison, et dont le papier a jauni et a pu se dégrader au fil du temps : 60 ans, je le rappelle).
Il y a eu un autre ratage au niveau du passage du (beau) lavis à la couleur (ratée), c'est avec une histoire courte de Tanguy & Laverdure dessinée (au lavis, donc) par Jijé, qui a paru dans
Super Pocket Pilote : Piège pour un pilote. Or, cette histoire a été (enfin) publiée en respectant les originaux au lavis, dans l'intégrale Tanguy n°4 chez Dargaud (2015). C'est ça qu'aurait dû faire Fordis ! Sauf que le papier de l'intégrale Dargaud n'est pas terrible et ne rehausse pas la qualité du lavis de Jijé ; il aurait fallu un beau papier, comme dans le gros album Quand Gillain raconte Jijé, où une planche de cette histoire de Tanguy est publiée avec le meilleur rendu possible. Là encore : "y'a pas photo !".
Mais faut dire que le livre sur Gillain a été réalisé par François Deneyer, un grand fan qui respecte beaucoup l'auteur et son oeuvre, et qui a choisi du beau papier (le même Deneyer a aussi choisi du beau papier pour son livre sur Jijé, Joseph Gillain, une vie de bohème, dont il a été dit le plus grand bien un peu partout ; mais faut savoir ce qu'on veut et se donner les moyens de faire du bon boulot).