Parlons maintenant de ce nouveau Jhen, intitulé
La peste, qui est un excellent album !
Mais d'abord ... que dire de toutes ces condamnations préalables, et sans la moindre indulgence, à propos de cet album ? Est-ce que le fait de dessiner selon son propre style est condamnable ? Est-ce que les qualités évidentes du dessin de Teng ne conviennent pas au récit d'une BD médiévale, et à une aventure de Jhen ?
Il me semble en tout cas que le style de Teng convient très bien à une BD historique ! Le dessin de ce nouvel album reste par ailleurs équilibré en toute circonstance, et on y retrouve même certaines qualités autrefois manifestées par Jean Pleyers. En fait, Paul Teng se montre à l'aise aussi bien dans la définition des personnages, que dans l'animation des scènes d'action, ou la représentation des décors. Comme cette aventure se déroule en Italie, le dessinateur place habilement dans certaines cases de charmants petits tableaux, qui définissent à merveille les décors de cette aventure.
Par ailleurs, pour dessiner le Moyen-Âge, il faut également s'intéresser aux costumes, aux lieux de vie, et aux ameublements intérieurs. Dans ce domaine aussi, Teng se montre sans reproche, et illustre certaines scènes avec une remarquable précision. Dans la case ci-dessous, on découvre une belle tapisserie dessinée avec un grand luxe de détails, comme l'avait fait Pleyers dans de précédents albums.
Le visage du personnage principal est souvent la source de grosses déceptions lors de la reprise d'une BD. Pour ce qui concerne "La peste", je trouve cependant que Jhen est bien reconnaissable, et que ses expressions sont toujours justes. Ce n'est certes plus le style de Pleyers, car les traits du personnage sont devenus réalistes, mais on y reconnaît bien Jhen, avec son caractère fougueux et parfois emporté.
En fait, une adaptation intelligente de la BD à son propre style me semble être une option tout-à-fait louable, de la part d'un dessinateur confirmé. Plutôt que de rechercher à tout prix une sorte mimétisme absolu avec son prédécesseur, ne vaut-il pas mieux se mettre intelligemment au service d'une histoire ? A cet égard, Paul Teng a choisi sans hésitation !
Par ailleurs, le récit de "La peste" est excellent. Comme le titre l'indique, c'est l'histoire d'une maladie qui se répand dans un village, et cette pestilence suscite rapidement un diagnostic complètement erroné. Les villageois sont convaincus qu'une épidémie se prépare, et c'est la source d'un drame. Les passions, les haines et le superstitions se réveillent, et Jhen aura fort à faire pour défendre le bon droit et restaurer la justice.
C'est certainement un beau thème, et aussi une histoire dont la morale reste très actuelle, car la bêtise, le racisme et les épidémies n'ont pas disparu de nos jours. La conclusion de cette aventure suit une logique implacable et ... les "méchants" sont punis au passage. C'est un beau récit, indiscutablement.
Alors, ne boudez pas ce bel album qui sort un peu de la routine, et qui oublie pour une fois les peines et les tortures de Gilles de Rais ! Les petits seigneurs et les manants du Moyen Âge ont eux aussi leurs souffrances, et cette "monstruosité" du quotidien est tout aussi passionnante que les travers des grands nobles.
En tout cas, j'ai bien aimé !