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476je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Lun 28 Fév - 9:18

Raymond

Raymond
Admin

Oui, c'est évident, le dessin de Mikaël est beaucoup plus séducteur que celui d'Elizabeth Colomba.  Very Happy

Mikaël donne en effet beaucoup plus de rythme à son récit. Il utilise habilement les couleurs, choisit des cadrages dynamiques, dessine des gros plans spectaculaires et raconte l'histoire de Queenie comme un véritable thriller, tandis que les deux américaines nous proposent plutôt biopic assez sage, qui accorde une grande place à l'environnement à l'héroïne et qui devient presque un documentaire. Tout cela est indiscutable. La BD de Mikaël cherche à être divertissante.

Quand je dis que la BD américaine a plus de "hauteur", cela signifie est qu'elle ne cherche pas prioritairement à divertir le lecteur avec une histoire de gangsters. Les autrices proposent plutôt un roman graphique sérieux, qui "témoigne" pourrait-on dire, en évitant de faire trop de spectacle. Et ce choix narratif m'a davantage séduit que ceux de Mijkaël qui vise quelque chose de plus conventionnel.

Cela dit, oui, il me semble que Mikaël progresse et que Harlem est mieux maîtrisé que Giant, mais il se limite quand même à faire de la "BD de genre". Ce n'est pas un reproche, mais c'est quand même un manque d'ambition. Wink


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477je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Lun 28 Fév - 21:22

Clovis Sangrail

Clovis Sangrail
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Raymond a écrit:J'ai feuilleté ce livre il y a 1 ou 2 semaines et je me méfie un peu.    deso

[...]

Ce commentaire est bien sûr sévère et peut-être un peu injuste, mais je ne vois pas que dire d'autre aujourd'hui. Si tu as apprécié cet album, je serais heureux de savoir ce que tu as aimé.  Wink

Je viens de passer une semaine en congés et n'ai pas encore pu lire La Terre, le Ciel, les Corbeaux. Je ne manquerai pas de revenir dessus quand ce sera fait. Après, comme tu as pu le voir, j'ai un a priori positif pour plusieurs raisons. Wink

Concernant Le Port des Marins perdus, j'ai effectivement bien aimé. Cela ne correspondait pas complètement à ce à quoi je m'attendais, mais j'accroche vraiment au dessin de Turconi de façon générale, malgré son côté "enfantin", et l'aspect crayonné est charmant. Je suis également un adepte de romans de mer — Conrad, Masefield, London,... — et ce livre s'y raccroche à plusieurs titres, tout en étant à sa manière une forme de Bildungsroman... inversé.
Spoiler:


Je ne sais pas s'il y a un message à y chercher (un point négatif à tes yeux), mais faut-il toujours un message ?

478je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Mar 1 Mar - 9:56

Raymond

Raymond
Admin

Oui, évidemment, il n'y a pas toujours un message quand on raconte une histoire.

En écrivant ce commentaire sur le Port des Marins perdus, je voulais simplement dire que la lecture ce livre m'avait passablement ennuyé, que cela avait perdu tout son sens..


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479je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Jeu 3 Mar - 8:38

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

eleanore-clo a écrit:Un ennemi du peuple est une adaptation en BD de la pièce de théâtre éponyme d'Ibsen, écrite et dessinée par Javi Rey

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Couv_443128


Au final, je ne n'ai pas été séduite. La politique éditoriale sous-tendant les parutions dans la collection Aire Libre est ambitieuse ; et prendre des risques ne paie pas toujours. Clairement, nous sommes très en dessous d'un Âge d'or (Pedrosa - Moreil) ou d'Hibakusha (Cinna Barboni).

EE

Eléanore

Raymond a écrit:Merci d'avoir fait l'effort de lire cette nouveauté qui ne m'enchantais pas vraiment.  pouce

Il me semblait en tout cas dès le premier coup d'œil que le dessin lisse et rond de Javi Rey (avec ses couleurs un peu trop sucrées) ne correspondait pas du tout à l'atmosphère dure et grinçante des pièces de théâtre d'Ibsen (un auteur que j'aime beaucoup par ailleurs). il y a probablement une faute de style dans la BD !

Ceci dit, je n'ai pas vu "Un ennemi du peuple" sur une scène de théâtre, et je ne peux pas donc juger de l'œuvre originelle. J'ai de la peine à croire que ce ne soit pas bien.

Peut-être que j'emprunterai une fois ce livre à la bibliothèque municipale, si je le trouve, mais ne me presserai pas de le chercher.  Very Happy

Un ennemi du peuple est la BD RTL du mois de février 2022 : https://www.rtl.fr/programmes/laissez-vous-tenter/7900129708-un-ennemi-du-peuple-de-javi-rey-est-la-bd-rtl-du-mois-de-fevrier.

Eléanore

480je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Jeu 3 Mar - 18:50

Raymond

Raymond
Admin

Cela ne me fera pas changer d'avis ! Wink


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481je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Sam 5 Mar - 12:15

Clovis Sangrail

Clovis Sangrail
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Raymond a écrit:Oui, évidemment, il n'y a pas toujours un message quand on raconte une histoire.

En écrivant ce commentaire sur le Port des Marins perdus, je voulais simplement dire que la lecture ce livre m'avait passablement ennuyé, que cela avait perdu tout son sens..

Ça y est, j'ai pu lire La Terre, le Ciel, les Corbeaux dans son intégralité.

J'ai beaucoup aimé. Comme mentionné plus haut, j'avais un a priori positif, aimant bien le travail de Turconi et Radice et encore plus l'œuvre de Mario Rigoni Stern, qui sert d'inspiration (citation en exergue, le titre est aussi une quasi-citation) à ce livre.

Juste pour rappel si quelqu'un prend la conversation ici : on suit dans ce livre l'errance de trois personnages au cœur de l'hiver russe en 1943 : deux évadés (Attilio l'Italien et "Fuchs" l'Allemand) et un déserteur-malgré-lui russe (Ivan/"Vania").

On a affaire à un vrai roman graphique, en ce que l'approche est très littéraire : il s'agit quasiment un monologue intérieur du personnage principal.
L'ensemble est soutenu par une très belle mise en images (grâce à un travail d'aquarelliste gracieux), souvent silencieuse, qui sert parfaitement le propos du livre.
Il est structuré en 7 chapitres (symbolisé par des "coups de craie", un peu à la manière du prisonnier qui compte les jours sur le mur de sa cellule), qui contiennent également des flashbacks entre la vie d'avant du héros (ou de l'antihéros) et le moment de l'action, qui se font écho — visuellement les transitions sont souvent très bien menées.
De façon générale il y a une approche plutôt cinématographique des cadrages, qui mettent en valeur d'un côté les paysages (voire "les éléments") et de l'autre les émotions humaines des personnages.
Chaque chapitre est introduit par une citation de Tolstoï. La conclusion est à double-détente et plutôt habile sur la forme (je n'en dis pas plus).
Comme mentionné plus haut, les dialogues sont en 3 langues. Cela peut paraître déroutant ou rebutant, mais je trouve cela bien imaginé, riche, car cela donne cet effet de réel qui nous plonge au cœur du sujet. Trois hommes très différents, dont le destin est (temporairement) lié, qui doivent être solidaires, mais ne se comprennent pas.

Le propos est humaniste, mais sans trop de bons sentiments : il y a quelque chose de désenchanté, de noir, une violence au cœur des moments où le personnage d'Attilio se retrouve à la croisée des chemins. Les auteurs ne font pas abstraction d'une certaine absurdité de la guerre, qui engendre une absurdité — ou tout au moins un mystère d'incohérence, de logique renversée, qui va au-delà de l'explicable — des comportements humains. Qui n'en sont que plus humains in fine.

Enfin, il donne à voir, tout en retenue, un pan de la réalité de la guerre italienne à l'est.

L'éditeur italien originel propose un aperçu assez riche de l'ouvrage à cette adresse : https://issuu.com/baopublishing/docs/preview_la_terra__il_cielo__i_corvi

482je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Dim 6 Mar - 0:00

Raymond

Raymond
Admin

Merci de cette présentation !   pouce

Je ne suis pas tout à fait convaincu, même si tu as très bien défendu ce roman graphique (semble t-il un peu austère). J'ai en fait peur de m'ennuyer à nouveau .  

Mais peut-être que je le trouverai un jour à la bibliothèque municipale de Lausanne, car ils ont un catalogue assez impressionnant. Et dans ce cas, je n'hésiterai pas à l'emprunter. Cool


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483je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Dim 6 Mar - 14:51

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

J'ai aussi lu La Terre, le Ciel, les Corbeaux.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Screen11

Ne connaissant pas le roman éponyme à l'origine de cette adaptation et il m'est difficile d'avoir un avis sur la qualité de la retranscription. J'ai juste remarqué la musique narrative : une alternance de pages sans texte et de planches très fournies. Il en résulte une succession de tensions et de détentes, un peu à l'image du scénario.
Sur le fond, l'histoire est celle d'êtres humains, perdus dans l'ouragan de la guerre et qui vont constituer une alliance de fortune.
La BD respire surtout une immense tristesse, renforcée par le destin de deux des héros et par l'insertion des souvenirs du soldat italien.
D'un point de vu purement historique, j'ai apprécié le théâtre. Les combats de l'armée fasciste sur le front russe sont rarement abordés et font pourtant partie de la réalité.

J'ai beaucoup apprécié le dessin : une succession d'aquarelles d'une forte puissance évocatrice. Et leur douce tonalité confère à la BD une beauté paisible, malgré l'horreur du sujet. On pourrait dire qu'elles amènent vers la conclusion douce-amère, cette réconciliation finale et tellement naturelle entre la tragédie et l'espoir.

EEE

Merci à Clovis Sangrail pour la suggestion  pouce

Éléanore

PS :

Spoiler:

484je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Dim 6 Mar - 18:20

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Petar & Liza est un roman graphique de Miroslav Sekulic.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Couv_443196

Petar, un jeune poète, termine son service militaire. Il entame alors une vie insouciante, enchainant les petits boulots et les logements misérables. C'est alors qu'il rencontre Liza, une danseuse. Les deux jeunes gens deviennent fous amoureux l'un de l'autre mais leur vie misérable finira par avoir raison de cette passion.

La BD et le côté artistes pauvres et bohèmes font beaucoup penser à l'opéra de Puccini, La bohème, dont je joins ici les deux airs les plus célèbres :

Mi chiamano Mimi, avec Mirella Freni dans le rôle titre, une interprétation de légende.



Che gelida manina  avec Lucciano Pavaoratti dans le rôle titre, une autre interprétation de légende, un duo de rêve avec Mirella Freni dans l'interprétation de Karajan.



L'ouvrage est donc un roman graphique d'amour. Sauf que le cadre est essentiel et qu'il influe profondément sur la relation entre les deux héros. Les lieux ne sont ni datés ni précisés mais la nationalité du dessinateur fait penser à la Croatie des années 1990, peu après la guerre d'indépendance. La pauvreté générale condamne toute nonchalance à l'échec.

Le graphisme est dense et naïf à la fois. Des vignettes foisonnantes s'enchainent dans un beau tourbillon de couleurs. Je n'ai par contre pas du tout apprécié les visages qui, me semble-t-il, fleurent un peut trop l'underground américain, avec des formes carrées et des traits manquant d'expressivité. heureusement, le sourire radieux de Liza et la "gueule" d'ange fatigué de Petar compensent largement la tronche sinistre des autres personnages.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 PlancheA_443196 je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Verso_443196

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Atram10

Au final, ce sera EEE.

Je vous propose de terminer par cette magnifique et mélancolique vidéo qui nous emmène en voyage dans la BD. La bande son restitue à merveille la douceur triste de l'ouvrage.



Eléanore

485je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Lun 7 Mar - 8:57

Raymond

Raymond
Admin

La bande son de la vidéo ci-dessus donne effectivement envie de lire ce livre ! Very Happy

Et puis le critique d'ActuaBD est presque dithyrambique.

Comme cela ne ressemble pas à ce qui se fait habituellement, j'ai très envie de l'acheter.


_________________
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486je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Lun 7 Mar - 21:57

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Le verbe est assez poétique et devrait vous plaire. Ci-joint deux citations :

Liza rêvait des ramures sans oiseaux, des feux de forêt et leur épaisse fumée qui s’élève au-dessus de la terre brune. Elle rêvait un monde en création, les battements accélérés de son cœur, sa richesse, sa noirceur. Elle rêvait aussi un espace, l'espace entre des chaises et des tables, dans lequel des milliers des mains se disputent un objet de pouvoir. Elle rêvait un ciel vide au-dessus de la ville et es mystères qui parcourent cette ville dans les moments sans souffle. Elle rêvait une ville sans issue. Elle rêvait tout cela et plus encore. L'ivresse de l'amour. L'amour  qui se trouve entre tout et tout, entre les chaises et les tables, entre les animaux, entre les gens et quelques nouveaux dieux égoïstes. L'amour qui roule, roule, ... et nous laisse toujours seuls.

Derrière la fenêtre, un vent violent balayait les feuilles mortes. Nous nous étreignons jusqu'au matin, en oubliant tous nos tracas. Elle souriait et son sourire dans la nuit transformait notre chambre en son empire.
Un empire aux couleurs douces et chaudes. Je posais ma tête contre son sein et avec ma bouche, je touchais les images d'un rêve oublié... comme un enfant clairvoyant.


Eléanore

487je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Mer 9 Mar - 20:55

Clovis Sangrail

Clovis Sangrail
bédéphile pointu
bédéphile pointu

eleanore-clo a écrit:Merci à Clovis Sangrail pour la suggestion  pouce

Éléanore

PS :

Spoiler:

Ravi que ça vous ait plu. Very Happy

Quant à votre question en PS :
Spoiler:

488je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Mer 9 Mar - 21:42

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonsoir Clovis Sangrail

Merci 😊

Éléanore

489je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Ven 11 Mar - 18:47

hectorvadair

hectorvadair
lecteur émérite
lecteur émérite

Je ne suis habituellement aps trop attiré par les adaptations "littéraires" en BD, mais ces dessins aux crayons de couleur me donnent bien envie.
Merci.

Franck

quote="Raymond"]Mais je ne vais pas en rester sur ces propos négatifs. J'ai lu dernièrement Anaïs Nin, sur le mer des mensonges de Léonie Bischoff et c'est une belle BD dont j'ai envie de parler.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Anais-10

Il n'est pas besoin de rappeler que ce livre a été plusieurs fois sélectionné par différents jury parmi les meilleures œuvres de l'année 2020. Cette mise en lumière a suffi pour réveiller ma curiosité.  Wink

Anaïs Nin est une femme écrivain assez connue du XXème siècle, dont je n'ai jamais rien lu. Elle a écrit plusieurs romans et surtout un journal intime en double version, un journal "officiel" qui a été expurgé et un journal secret dans lequel elle raconte ses amours infidèles et sa découverte des plaisirs charnels. C'est ce dernier livre qui semble être à l'origine du scénario de cette BD. Certains critiques présentent cet album comme un biopic, car les faits sont réels, mais je le considère plutôt pour ma part comme un de ces classiques "romans d'apprentissage" (apprentissage du plaisir évidemment) qui offrent toujours au lecteur le bonheur de découvrir une conclusion optimiste. Et de fait, malgré l'aspect scabreux et immoral du récit, il n'y a "presque" rien de scandaleux dans cette BD qui se distingue par sa délicatesse, son impertinence et sa bonne humeur.

Puisqu'il s'agit d'un récit littéraire, il y a bien sûr l'envie de le comparer cette BD à d'autres œuvres classiques et je n'ai pas pu m'empêcher de penser à certains romans d'Henri Miller, qui est d'ailleurs un des protagonistes de cet album. Anaïs Nin adopte en tout cas dans sa vie de tous les jours les ambitions hédonistes et le comportement débauché du grand écrivain américain, qui a raconté tout cela dans des livres très connus comme "Sexus" ou "Tropique du Cancer". La BD se passe d'ailleurs au début des années 20, au moment ou Miller écrivait "Tropique du Cancer" et les liens avec le journal intime d'Anaïs Nin sont ainsi très directs.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Anais-11

L'album utilise beaucoup les récitatifs et cela donne bien sûr l'impression de lire les mémoires d'Anaïs Nin. Je suppose que Léonie Bischoff a repris certains textes du fameux journal mais je n'ai pas cherché à le vérifier, car la finesse et la distinction de ces récitatifs possèdent une envergure littéraire évidente. Ces textes s'accordent très bien avec le style graphique de Léonie Bischoff, qui est à la fois précis et aérien, plein de grâce mais aussi capable d'exprimer toute la palette des sentiments.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Anais-12

Je parlais d'un "roman d'apprentissage" et cette BD en possède la volonté inaltérable de progresser. Et c'est ainsi qu'après une série d'adultères et d'expériences pourtant très immorales, je ne suis pas arrivé à me fâcher avec la légèreté d'Anaïs Nin. Le livre se termine avec un bilan joyeux et rêveur, au moment ou Anaïs se sent devenue une femme à part entière, et le sentiment de libération qu'elle exprime est d'un optimisme presque contagieux.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Anais-13

C'est donc une très belle adaptation littéraire, et ceci contredit d'une façon brillante mon opinion habituelle que les transpositions en bande dessinées d'œuvres artistiques classiques sont inexorablement vouées à l'échec, Bien sûr, je n'ai lu aucun livre d'Anaïs Nin et je ne peux donc pas me prononcer d'une façon définitive sur cette adaptation, mais c'est une bande dessinée totalement réussie et pleine de messages troublants. J'aurais dû la sélectionner dans les 10 meilleures BD de l'années 2020 et c'est hélas trop tard pour faire ça. Mais je peux vous recommander sans réserve cette BD si vous voulez faire une belle lecture d'hiver.  Very Happy[/quote]

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490je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Ven 11 Mar - 18:51

hectorvadair

hectorvadair
lecteur émérite
lecteur émérite

J'aime ces noir et blanc casse gueule et si humains.
C'est le genre de bande dessinée qui m'attire. On sent le "jus" de l'auteur. Quand c'est trop beau, c'est suspect. :-)
Plus pragmatiquement je suis de ceux qui pensent qu'un trop beau dessin n'a pas grand chose à faire dans une bande dessinée car tirera trop la couverture à lui, alors que l'histoire est hyper importante.
Parfois, je préfère carrément acheter un Art Book du dessinateur, mais il y a (toujours) des exceptions, bien sûr ;-)

Franck


Raymond a écrit:Parfois, je ressens le besoin de lire quelque chose de différent, comme par exemple un livre qui vient d'ailleurs, ou une œuvre relevant d'une autre tradition. Et c'est ainsi qu'après avoir lu quelque critiques élogieuses dans la presse sur L'arbre nu, un manhwa de la dessinatrice coréenne Keum Suk Gendry-Kim, j'ai tout de suite compris que c'était le livre qu'il me fallait pour les fêtes de fin d'année.  Very Happy

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Arbre-10

L'arbre nu est l'adaptation en BD d'un roman d'inspiration autobiographique écrit par la romancière sud-coréenne Park Wan-seo, qui a été publié en 1970. Cette dernière racontait sa rencontre avec un peintre nord-coréen survenue en 1951, pendant la Guerre de Corée. Elle tomba amoureuse de cet homme marié et leur relation resta plutôt chaste, mais cet amour aida la future écrivaine à supporter les drames familiaux (mort de ses frères, désordre psychique de sa mère) secondaires à la guerre civile.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Arbre-11

Le récit est marqué par une très grande retenue dans l'expression des sentiments, mais ce choix reflète probablement d'une façon exacte ce que pouvait être le début d'une relation amoureuse en Corée à cette époque. C'est en fait une histoire sentimentale plutôt qu'un roman d'amour et la dessinatrice adopte donc un style volontairement sobre. Les visages restent expressifs mais les personnages évoquent très peu leurs sentiments.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Arbre-12

La guerre de Corée n'est présente qu'en arrière fond de ce roman, par exemple en évoquant le bruit des canons, ou en montrant la destruction d'une maison, ou alors en relatant la nécessité pour les hommes de se cacher lorsque la ville de Séoul est occupée par les communistes. Il y a peu de scènes d'action et le récit reste plutôt intimiste, en s'intéressant aux sentiments des personnages face aux GI américains qui se comportent comme s'ils étaient en pays conquis, ou au vécu des artisans (et du peintre) qui survivent en réalisant des images à caractère commercial. Le récit se distingue parfois par une certaine lenteur, mais il n'est jamais ennuyeux.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Arbre-13

Keum Suk Gendry-Kim varie en effet intelligemment les plans et le rythme de son roman graphique. Elle insère parfois entre deux conversations quelques grands dessins qui prennent toute la page, ou aussi d'occasionnelles séquences muettes ou alors des "arrêts" qui montrent d'étranges gros plans focalisés sur certains détails du décor. Cette variété d'effets révèle bien sûr une véritable maîtrise de la narration en bandes dessinées.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Arbre-14

il n'y a pas de véritable séduction esthétique dans ce livre, car la dessinatrice s'applique plutôt à recréer l'ambiance qui imprégnait la vie coréenne en ces temps de guerre. Son graphisme sobre et un peu triste correspond probablement assez bien à l'atmosphère qui régnait dans le roman original, mais ce n'est bien sûr qu'une supposition. Signalons que la fille de l'écrivaine a écrit une intéressante préface, dans laquelle elle reconnait une réticence initiale à apprécier cette BD, toutefois suivie d'une émotion plus grande à la relecture de l'ouvrage, se terminant avec la conclusion que la dessinatrice avait bien compris l'écrivaine. C'est ainsi une adaptation littéraire qui semble réussie.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Arbre-15

Je ne suis pas sûr que L'arbre nu (le roman graphique) soit un chef d'œuvre, car mon premier sentiment (en refermant le livre) était un peu mitigé, mais c'est sans aucun doute une BD d'une très haute tenue et digne d'éloges. Peut-être que mon ignorance de la vie coréenne m'a empêché d'apprécier certains détails du livre ?

C'est en tout cas une BD qui rencontre un véritable succès critique, et d'une façon méritée. Peut-être gagne t-elle au fond à être relue ?

C'est en tout cas un roman graphique que l'on peut recommander.  Very Happy

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491je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Ven 11 Mar - 18:54

hectorvadair

hectorvadair
lecteur émérite
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De mon côté, ce dessin m'attire (toujours attiré par ce qui est étrange/bancal..)
Je la lirai et ferai un retour...

Franck


eleanore-clo a écrit:Bonsoir

Je viens de lire Megafauna de Puzenat, et disons le d'emblée, suis très dubitative.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Megafa10

L'œuvre est une uchronie où néandertaliens et homo-sapiens coexistent. Les premiers habitent dans le Nord et les seconds dans le Sud. Une muraille gigantesque séparent les deux espèces. Timoléon, jeune médecin sapiens, est envoyé en mission par delà la frontière pour soigner ses "cousins" nordiques. Il découvre une civilisation plus respectueuse de la nature, une culture autre où les métaux précieux et la sexualité n'ont pas la même valeur que dans le Sud. Il découvre aussi la malédiction des néandertaliens, à savoir l'infertilité des femmes. Durant son périple, il se lie avec le fille du roi mais doit prendre la fuite face à l'hostilité des guérisseuses locales.

Puzenat essaie de construire un manifeste en faveur de la différence. Il promeut la tolérance et s'efforce de démontrer que la civilisation est universelle et ne doit pas s'apprécier à l'aune de l'espèce, de la taille et même du genre. L'intrigue ne suit malheureusement pas. En premier lieu, l'auteur manque d'originalité et multiplie les emprunts. Ainsi Game of Thrones fournit la muraille et les amérindiens apportent les valeurs écologiques ainsi que leur architecture (les habitations des néandertaliens font penser aux pueblos des hopis). En deuxième l'intrigue est invraisemblable. Ainsi, l'acculturation de Timoléon le conduit à renier ses origines et à entreprendre une croisade "purificatrice" pour nettoyer le Sud, devenu le symbole du mal. Notons enfin une invraisemblance scientifique car les néandertaliens étaient d'une taille comparable à celle des sapiens, et non des géants.
En fait, la BD est surtout un apologue dénonçant notre société moderne, son racisme ordinaire, la place qu'elle accorde aux femmes, sa religiosité,son manque de respect pour l'environnement, ses injustices sociales, etc. Tout un programme ! Mais qui trop embrasse mal étreint et les messages multiples finissent par produire une image brouillée. De plus, la dernière page tournée, on ne distingue plus les héros des anti-héros, tous sont primaires, âpres, intolérants, antipathiques et quelque peu sanglants. Au final, aucune voie n'est proposée si ce n'est celle de la guerre et de l'assassinat.

Le graphisme de Puzenat ne m'a pas séduite. Il manque de réalisme même si certaines grandes vignettes proposent de beaux décors. Dans le même genre, je préfère nettement Alfred. Les couleurs sont variées mais manquent de nuances, de dégradés, etc.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Megafa11

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Megafa12

Bon. Bah. Bof. Une BD appelant à se remettre en cause certes, mais surtout une œuvre par trop bien pensante, franchement négative, caricaturale et manquant de finesse. Néanmoins, Monique Younès, la critique BD de RTL, ne partage pas mon avis et a élu Mégafauna, BD du mois  Rolling Eyes  .

A vous de voir

Eléanore

hectorvadair aime ce message

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492je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Sam 19 Mar - 10:50

Raymond

Raymond
Admin

eleanore-clo a écrit:Bonsoir

Malgré tout est une romance de Jordi Lafebre.

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Malgrz10

Ana, la soixantaine, ancienne maire d'une petite ville, femme dynamique et entreprenante, vient d'avoir un malaise. Elle décide alors de renouer avec l'amour de sa vie, Zéno, un vieux libraire, titulaire d'un doctorat en physique quantique !

Jusque-là, la BD n'a rien d'original sauf... qu'elle est à rebrousse temps et que, chapitre après chapitre, nous allons remonter le temps jusqu'à la rencontre des deux amoureux.

Jordi Lafebre a beaucoup travaillé avec Zidrou. Leur collaboration a débuté sur Lydie, un petit chef d’œuvre que je recommande vivement. Puis, elle s'est poursuivie par la série des Beaux étés. Ici, Lafebre est seul à la barre et pourtant, on sent clairement la filiation avec le scénariste belge. Malgré tout est une superbe chronique sociale et humaine.  

Saint-Exupéry disait : Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction. Et un proverbe célèbre affirme : Loin des yeux, loin du cœur. Et bien Lafebre prend l'exact contrepied de ces deux maximes. Car Ana et Zéno s'aiment à la folie, sans jamais avoir les mêmes projets et sans jamais ou presque se croiser ! Elle dirige sa ville durant plusieurs mandats, et lui part étudier les aurores boréales pour peaufiner sa thèse.
Ce pourrait être triste mais c'est exactement le contraire. Et on s'amuse beaucoup dans une BD très légère, très fraiche, où les (très) rares disputes (à distance) des deux amoureux sont noyées dans un océan de tendresse. Les dialogues sont jubilatoires et chaque phrase ou presque prononcée par les héros est ambiguë car derrière le propos officiel ou scientifique se cache un mot pour l'aimé(e). La même ambivalence se retrouve dans le pont, imaginée par Ana pour résoudre un problème urbain, calculé par Zéno, et qui symbolise en fait leur relation ! Il en est de même pour la thèse de Zéno, sur la physique quantique et le temps que l'on peut remonter. C'est bien évidemment une image de sa relation avec Ana.
Un esprit chagrin pourrait dire qu'Ana trompe son mari, mais dans ce conte de fée, cet époux modèle ne voit aucun mal dans la relation platonique et extraconjugale de son épouse car il place le bonheur de celle-ci au-dessus de tout et lui accorde une totale confiance.

Le trait de Lafebre est précis, réaliste et il multiplie les cadrages pour mieux nous faire partager la complicité entre Ana et Zéno. Le dessinateur réussit aussi parfaitement le défi de représenter les héros à tous les âges de la vie. Et les couleurs sont douces à l'image des traits et de l'histoire.

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Je souhaite terminer ce billet par la couverture de l'album, pétillante d'intelligence. L'illustration représente le reflet d'Ana et Zéno. Ils se promènent en se tenant tendrement le bras et on comprend qu'ils s'aiment  I love you . Derrière eux, les parapluies dessinent bien évidemment un cœur ! Sauf que ce n'est qu'un reflet, l'image de ce qui aurait pu être et n'est jamais arrivé. Quoique, comme Zidrou, Lafebre laisse la porte ouverte à toutes les fins possibles.

Voilà donc une BD réjouissante en ces temps sinistres de deuxième vague. N'hésitez pas  Very Happy . Derrière la possible étiquette d'une "BD à l'eau de rose", ou encore derrière la phrase éculée sur "le cœur ou la raison", se cache une réflexion sur la vie, sur les choix assumés ou regrettés, et plus généralement sur le projet amoureux. Que voulons nous en nous donnant à l'autre ? Un instant de passion ou une vie remplie de projets ?

Eléanore

Cela fait deux ans que cet album est paru mais on y pense encore.    Wink

PlanèteBD vient en tout cas d'interviewer Jordi Lafèbre au sujet de cet album, et je trouve que l'entretien est assez intéressant !

Interview bd de Jordi Lafebre sur planetebd.com !

A noter que Jordi Lafèbre s'est lancé dans l'écriture d'un nouvel album ! Mais il avoue aussi travailler assez lentement.   Wink


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493je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Ven 25 Mar - 13:58

Raymond

Raymond
Admin

Je n'ai pas beaucoup lu de romans graphiques depuis 3 mois ! Est-ce de la paresse ? Ou la déception de précédentes lectures ? Ou alors la saison d'hiver qui n'est pas très propice aux belles BD remportant du succès ? Je me suis en tout cas consacré assez platement à la bande dessinée classique en ce début d'année, sans faire d'effort et sans honte, et sans avoir l'impression que quelque chose me manquait.

Et puis samedi passé, j'ai refeuilleté cet album attirant qui s'intitule Petar & Liza, qu'eleanore-clo a déjà commenté récemment ! Ce n'est pas un vrai roman graphique puisqu'il présente un format assez standard, mais j'ai été séduit par le dessin et par ses belles couleurs veloutées. Et je l'ai acheté parce que j'ai de nouveau ressenti l'envie de découvrir un autre univers, susceptible de me surprendre et de me faire découvrir un dessinateur.

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C'est avant tout l'histoire d'un couple, de Peter et Liza donc, plutôt centrée sur le personnage masculin dont on découvre d'abord la vie célibataire et le passage dans le monde militaire. Petar est un rêveur impénitent, qui se laisse porter par les choses et qui adore se promener sans but dans la ville. Il a des talents plutôt surprenants, puisqu'il répare rapidement n'importe qu'elle machine et qu'il est également très doué pour le poker, mais il est surtout un écrivain qui n'a jamais terminé son premier livre. Il préfère en fait vivre de petits boulots, et il se contente de vivre paresseusement avec Liza tout en rêvassant souvent.

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Liza est pour sa part une femme toute simple qui travaille comme vendeuse et qui aime la danse. Elle est tantôt réfléchie et tantôt spontanée, et se lance avec insouciance dans une vie commune avec ce rêveur de Petar qui ne semble pas avoir d'autre but que d'embellir le présent. Elle aime par ailleurs les livres et semble très douée pour la vie.

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Et la partie centrale de ce roman raconte la simplicité de leur vie commune, qui associe romantisme et soucis quotidiens, insouciance et surprises pénibles, rêverie et retours à la réalité. Petar et Lisa deviennent progressivement de plus en plus pauvres mais ils font preuve d'une magnifique résilience et leur vie reste longtemps belle, malgré diverses difficultés.

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Et puis, d'une façon inexplicable, Petar oublie peu à peu de rêver. Sa vie devient pesante et son comportement devient de plus en plus passif. Le bonheur s'étiole et Liza constate que Petar l'abandonne, qu'il tombe dans un trou sans fond, qu'il a perdu toute vie ! Après s'être accrochée pendant un certain temps, Liza finit par s'en aller pour chercher un autre bonheur. Et Petar se retrouve seul et encore plus pauvre, tandis que la vie continue, nappée d'étranges interrogations et de belles couleurs douces.

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Cette tendre et quotidienne chronique d'un bonheur simple n'est certainement pas une œuvre palpitante, mais c'est une BD qui se distingue par son style, par sa belle recherche d'une sorte de poésie graphique, et aussi par un emploi très habile de nombreuses séquences muettes. Le lecteur perçoit par ailleurs fortement le temps qui passe au cours de la lecture de cette longue histoire qui possède une belle ampleur. Quelques scènes de foules s'interposent parfois dans ce récit très intimiste, et l'auteur en profite pour nous offrir un festival de trognes et de tableaux ordinaires qui décrivent probablement la société croate du siècle dernier. Et puis, par moments, le livre tout entier apparait presque assimilable à une longue rêverie de Petar, au sein d'un monde matériellement pauvre mais pourtant riche en vie humaine. C'est ainsi une BD qui se révèle pleine de vie, malgré la lenteur de certaines scènes et le caractère introverti du personnage principal.

Et finalement, vous avez probablement compris que j'ai bien apprécié cette chronique sentimentale un peu misérabiliste qui, par certains côtés, m'a un peu fait penser au film Hôtel du Nord de Marcel Carné. On y retrouve en effet un même élan romantique et une recherche semblable de la poésie du quotidien. Ce n'est certes pas une tout grande BD, mais c'est quand même une œuvre pleine de charme et d'originalité ! Et il n'y a pas de doute que Miroslav Sekulic Struja est un grand auteur.

C'est donc un beau roman graphique, plus particulièrement destiné à ceux qui aiment la poésie du monde ordinaire.  Wink


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494je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Ven 25 Mar - 18:05

Draculea

Draculea
vieux sage
vieux sage

Je suis sensible comme toi à cette poésie graphique. Elle sert admirablement son propos et témoigne d'une véritable création.Le familier y prend une vie chaleureuse qui émeut.

http://www.marchenriarfeux.net

495je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Lun 28 Mar - 10:37

Raymond

Raymond
Admin

Connaissez-vous les "Sugus" ! C'est une marque de caramels suisses aux couleurs variées, parfumés d'aromes assez artificiels, qui collent un peu aux dents et dont je me suis régalé pendant toute mon enfance. Les couleurs pétantes des emballages en papier de ces petites friandises industrielles frappent le regard, et il en a résulté l'idée d'une belle métaphore. Lorsque l'on veut disqualifier les couleurs d'une œuvre quelconque, parce qu'elle sont vulgaires ou artificielles, on parle volontiers de "couleurs Sugus". Fin de l'introduction !   Wink

Des "couleurs Sugus", c'est exactement à cela que j'avais pensé pendant l'automne 2021, lorsqu'est paru en librairie Ecoute jolie Marcia, le dernier roman graphique de l'auteur brésilien Marcello Quintanilha. Cet auteur s'était déjà distingué il y a quelques années avec la publication de "Tungstène", une BD assez violente qui avait été primée à Angoulême, mais la nouvelle œuvre (Jolie Marcia) me déplaisait visuellement. Je l'ai donc reposée sur son rayon, sans aucun remord !

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Et quelques mois plus tard, en mars 2022, voilà que ce livre remporte le Fauve d'or à Angoulême, une récompense qui désigne le meilleur album de l'année !    Embarassed

J'ai hésité ! Allais-je persister dans mon dégoût instinctif ? Avais-je manqué une belle occasion de lire une belle BD ? Je me suis finalement résigner d'acheter ce livre, pour mieux comprendre.

Ecoute jolie Marcia est un drame familial qui se passe dans le milieu des "favelas", ces bidonvilles qui entourent les grandes villes brésiliennes et qui sont accablés d'une criminalité effrayante.  Marcia est une brave mère de famille qui essaie de travailler et d'être honnête tandis que sa fille Jacqueline, devenue adulte, s'est acoquinée avec des délinquants qui trafiquent et qui tuent sans remord. Marcia est séparée du père de sa fille et vit avec Aluisio, un homme paisible qui l'aime sans réserve. Elle travaille dans un home et essaie difficilement de mener une vie normale.

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Jacqueline, l'insupportable fille de Marcia, prend d'intolérables libertés au sein de sa famille et les disputes se répètent ! Les deux femmes possèdent en effet le même tempérament et aucune d'entre elles ne veut faire la même concession. 

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Et puis un jour, le brave Aluisio essaie d'assumer son rôle de "beau-père" et il va paisiblement discuter avec Jacqueline, pour l'amener à de meilleurs sentiments. Furieuse qu'on lui fasse la morale, Jacqueline demande à ses complices trafiquants de corriger cet homme dont elle refuse l'autorité. Et le drame éclate !

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Dur et réaliste, le récit ne manque pas d'intérêt et il fait découvrir au lecteur européen le monde sanglant des favelas qui, peu ou prou, ressemble totalement à celui de la mafia. Mais bien plus qu'une histoire de gangsters, cette BD est un mélodrame familial assez proche d'un opéra, une petite constatation qui pourrait en fait expliquer le choix artistique des couleurs qu'a fait Quintanilha. Mais voilà, je n'ai pas beaucoup aimé cet "opéra moderne", il faut bien le dire, et j'ai même dû me forcer à terminer cet album.   Crying or Very sad

Il y avait là, je pense, un pari d'ordre artistique ! Raconter un sombre mélodrame réaliste en l'ornant de couleurs pétantes ("Sugus" oserai-je dire  Wink), au lieu d'utiliser un simple et efficace noir et blanc, c'est une idée tout à fait distinguée et originale, certes, mais pas forcément adéquate  ! L'auteur utilise donc la légèreté de ses couleurs pour accommoder la tonalité sombre de son récit et ... il en résulte une œuvre hybride. Le jury d'Angoulême a beaucoup aimé ce choix tandis que pour ma part, cela m'a royalement ennuyé. J'ai retrouvé le même sentiment qu'en assistant à une représentation d'opéra totalement ratée, parce que les choix du metteur en scène sont abscons. Les couleurs sont désagréables et "cela colle un peu trop aux dents", pourrais-je dire ! Je n'ai ai ainsi eu aucun plaisir à lire cette histoire alors le scénario est bien construit, et même assez émouvant. Mais voilà, l'auteur préfère raconter son mélodrame en prenant le lecteur à rebrousse poil, et cela n'a m'a pas plu !

J'éviterai donc de mettre une note à cette BD "très snob" que l'on peut d'ors et déjà considérer comme un succès critique. Je doute cependant que cela devienne un succès public. Il y a trop d'aspects déplaisants dans cette BD qui est finalement assez proche des auteurs "indépendants", pour ne pas dire marginaux. 

Et c'est bien sûr pour cette raison qu'elle a été récompensée à Angoulême ! Wink


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496je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Mar 29 Mar - 20:55

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
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Pierre rouge plume noire est une BD franco chinoise, écrite et dessinée par Thierry Robin.

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L'armée de l'empereur encercle la forteresse où s'est réfugié un de ses vassaux dissidents. Cette bataille féroce et dramatique car aucun des assiégés ne survivra nous est raconté par un corbeau et la montagne sur laquelle est construite la citadelle.

La BD s'inspire d'un fait historique. En 1598, la province de Guizhou se rebella contre le pouvoir central alors détenu par la dynastie Ming. Pékin envoya une armée pour mettre au pas les insurgés. Ceux-ci se réfugièrent dans le bastion de Hailongtun : https://en.wikipedia.org/wiki/Hailongtun. Après un long siège, le pouvoir central triompha des insoumis et rasa les lieux.
Le recours à deux narrateurs aussi originaux confère un ton poétique et philosophique à la BD. La violence des hommes y est stigmatisée par nos deux étranges compères et surtout par la montagne (la pierre rouge) qui se révèle amoureuse et respectueuse de toute vie. La BD porte aussi un message social car nous y voyons les flots de réfugiés survivre chichement dans la forteresse pendant que le roitelet et sa cour vivent confortablement. La nature sans cesse renouvelée des attaques contre le château et les parades imaginées par les assiégés rythme une narration rapide faisant parfois penser à un film d'action.

Le graphisme est le point fort de cette œuvre. J'ai été subjuguée par le mélange subtil d'orientalisme et de BD franco-belge voire même américaine. Le style de Robin, son usage d'armures baroques, les perspectives grandioses font penser à Druillet cependant que l'alignement infini des combattants ou encore l’âpreté et la violence des scènes guerrières rappellent Franck Miller (300).

je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Pierre-rouge-plume-noire-bd-thierry-robin-hai-long-tun-guerre-fratricide-chine-philosophie-point-de-vue-montagne-corbeau-pluie-768x768 je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Pierre-rouge-plume-noire-bd-thierry-robin-hai-long-tun-guerre-fratricide-chine-philosophie-point-de-vue-montagne-corbeau-dragon-768x768 je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Pierre-rouge-plume-noire-bd-thierry-robin-hai-long-tun-guerre-fratricide-chine-philosophie-point-de-vue-montagne-corbeau-p.94-95-couleurs-768x506 je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 A60

Les couleurs rendent justice aux superbes dessins avec de subtile bichromie où chaque dominante et ses dégradés donnent relief à un trait riche et fouillé.

Au final, nous avons là une BD très originale dont l'auteur nous dit qu'elle a été d'abord conçu pour le marché chinois, à l'occasion de l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité du site :  https://whc.unesco.org/en/list/1474/ .

Je tiens donc à saluer une belle réussite et ne suis pas la seule puisque le magazine dBD a élu Pierre rouge plume noire meilleure BD du mois de mars 2022.

EEE

Eléanore

497je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Mer 30 Mar - 9:41

Raymond

Raymond
Admin

Cela semble en effet très intéressant ! 

Merci d'avoir présenté ce livre.  pouce


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498je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Mer 30 Mar - 12:06

sylvain-

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grand maître
grand maître

le dessin fait penser au style du regretté Jean CLaude GAL et de sa série "ARN"

499je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Ven 1 Avr - 22:14

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Celle qui parle est une BD féministe et historique d’Alicia Jaraba.

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La Malinche est une amérindienne qui fut l’interprète et l’amante de Cortez lorsqu’il vainquit l’empire aztèque :  https://fr.m.wikipedia.org/wiki/La_Malinche. La BD nous raconte sa vie entre 1511 et 1519. Nous l’accompagnons depuis son village natal, où elle était la fille du cacique local, jusqu’à Tenochtitlan, où le conquistador s’apprête à rencontrer Moctezuma. Son destin est heurté puisqu’elle se retrouve esclave des mayas avant d’être capturée par les espagnols puis aimée (utilisée ?) par Cortez.

La BD aborde de nombreux thèmes.
Avant tout, j’y vois une BD de femmes : La Malinche bien sûr, mais aussi sa grand-mère, une compagne d’infortune chez les Mayas, une juive espagnole s’étant convertie pour échapper à l’inquisition, etc. Toutes ses héroïnes apportent leur regard et la conjugaison de tous ces points de vue constitue un paysage de la condition féminine au 16ème siècle. Les hommes y sont dépeints comme cruels, sexistes, malodorants, etc. Et dans cet environnement destructeur, dans ce monde masculin, La Malinche réussit à s’élever et à porter ses convictions. Son portrait traduit un personnage complexe, une femme sensuelle, noble de cœur et dont la probité se heurte au réalisme politique. Nous la voyons ainsi longuement hésiter entre ses racines amérindiennes et la cause espagnole. Et son choix d’aider Cortez conclut une longue hésitation entre son désir d’arrêter les sacrifices humains et ses prémonitions relatives à l’intégrisme religieux espagnol.
Le deuxième thème est celui de la langue. Les capacités linguistiques des interprètes leur confèrent  non seulement une capacité d’intégration dans des cultures autres que la leur, mais aussi et surtout une autorité morale voire politique, tant est grand le pouvoir des mots. Plusieurs chapitres s’ouvrent d’ailleurs sur un visage traduisant quelques substantifs.

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Le troisième thème de l’ouvrage est l’Histoire. On pense bien évidemment aux Conquérants du Mexique de Torton, qui fut publié dans Le Journal de Tintin en 1971 :

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La scénariste nous explique avec un grand luxe de détails la situation géopolitique du Mexique précolombien, les conflits entre les nations et la haine suscitée par les sacrifices humains. Elle nous démontre que la chute de l’empire aztèque fut le fruit d’une alliance de circonstances entre des espagnols avides d’or et des peuples épris de liberté. Et cette union contre nature dut beaucoup aux talents de La Malinche.  

Je serais moins dithyrambique sur le graphisme. Jaraba n’est pas Hub et clairement Celle qui parle n’a pas le réalisme ou la force du Serpent et la lance. Néanmoins, le trait est beau et les visages semi caricaturaux crédibles. Les couleurs fortes font penser à la peinture mexicaine et plus particulièrement à Frida Kahlo.

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Bon, le gong vient de sonner. Quelle note donner ? J’hésite. Du coup, je vais louvoyer, comme La Malinche ! Ce sera donc EEEE pour le scénario et EEE pour le graphisme. Si d’autres membres du forum lisent l’ouvrage, pourraient ils eux aussi essayer de noter ?

En tout cas, les libraires du réseau Canal BD ont beaucoup apprécié l’œuvre. Chaque bimestre, deux œuvres bénéficient d’un « Gros Plan » dans Canal BD Magazine. Et Celle qui parle est ainsi à l’honneur dans le numéro 142 d’avril-mai 2022.

Bon week-end

Eléanore

500je viens de lire - Je viens de lire - Page 20 Empty Re: Je viens de lire Sam 2 Avr - 9:05

Raymond

Raymond
Admin

C'est peut-être pas mal ?

Je ne sais pas pourquoi (l'habitude probablement) mais le dessin semi-caricatural me gêne beaucoup ! Cela prive cette BD historique de toute la fascination qu'elle pourrait avoir !   Neutral

Je feuilletterai attentivement aujourd'hui cet album mais, à priori, il ne me tente pas vraiment.


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