Le troisième tome d'
Abymes, dessiné par Denis Bajram, est certainement le plus réussi. C'est d'ailleurs ce récit qui donne finalement tout son sens aux deux premiers volumes.
L'intrigue d'
Abymes semble au départ se dérouler dans notre monde, mais elle se situe en fait dans un monde parallèle. C'est un univers qui ressemble au nôtre et qui ne se distingue que par quelques minimes différences. Par exemple, Balzac y est resté un écrivain secondaire car il est mort trop jeune. Dans ce tome 3, donc, Valérie Mangin commence tout simplement par raconter sa propre carrière et en particulier ses débuts à Paris. On se sent dans un environnement familier, et seuls quelques minuscules détails permettent de deviner que le monde qui nous est montré est fictif.
Pour bien comprendre l'ambiance de ce récit curieux, il fallait un dessinateur qui sache créer une ambiance adéquate. Il faut à cet égard remercier Denis Bajram qui arrive enfin à illustrer avec style cette histoire qui, au fond, est abracadabrante. Son graphisme assez singulier, à la fois semi-réaliste et semi-caricatural, trouve en effet le ton juste et le dessinateur crée une certaine connivence avec le lecteur. Il devient alors évident que tout ce récit n'est qu'une vaste esbroufe (ce terme ne devant pas être compris dans son sens péjoratif) et que les auteurs détournent la réalité avec une certaine malice.
Je me garderai bien de résumer cette troisième intrigue qui nous apprend (tout de même) beaucoup de choses sur l'intimité de Denis Bajram et Valérie Mangin. On peut par exemple y découvrir que la scénariste se passionnait durant son enfance pour pour la BD historique, et bien sûr pour Alix, et qu'elle a eu beaucoup de plaisir à écrire tout récemment la suite des aventures de ce héros. Le plus admirable reste cependant l'habileté avec laquelle Valérie Mangin entremêle les trois récits et ceci lui permet (sans contestation) de réussir sa "mise en abyme".
Je garderai comme seul regret le fait que les trois albums soient dessinés par des auteurs différents, plutôt que par Denis Bajram tout seul. Avec ce dernier, l’œuvre acquiert (me semble t-il) une plus grande justesse, une meilleure unité de ton et une plus grande portée. Ceci dit, telle qu'elle est, la trilogie se termine malgré tout en beauté et elle restera comme une des bonne lectures de l'année.